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Portraits du Liban (1/5): Fatima El Hajj expose à Paris

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En octobre 2009, j’avais évoqué la peinture d’une artiste libanaise majeure, Fatima El Hajj (née en 1953), dont la valeur est largement reconnue au Proche-Orient et dans le Golfe, comme l’atteste la place qu’elle occupe dans les musées et les grandes collections privées de la région, mais qui restait jusqu’à présent trop peu connue en France.

Or, une exposition qui lui est consacrée vient de s’ouvrir à Paris, à la galerie Claude Lemand (16, rue Littré, jusqu’au 8 octobre 2011), intitulée Les Jardins de l’âme. Amateurs et collectionneurs devraient s’y rendre, car cette réunion rend compte, en 21 toiles, dont certaines d’assez grand format, des travaux réalisés par le peintre durant ces deux dernières années.

Diplômée de l’Institut des Beaux-arts de l’Université libanaise, de l’Académie des Beaux-arts de Leningrad et de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, lauréate du Prix Picasso (1985) et premier prix du Emmar International Art Symposium de Dubaï (2007), Fatima El Hajj, professeur à l’Université libanaise, avoue volontiers son goût pour Matisse, Vuillard et Shafic Abboud (1926-2004), le plus parisien des peintres libanais qui fut son maître. L’exposition rend d’ailleurs explicitement hommage à ce dernier. Mais sa plus évidente communauté d’esprit la relie probablement à Pierre Bonnard. Car, en regardant ses peintures, on est tenté d’établir une passerelle avec les toiles du maître du Cannet, notamment L’Escalier du jardin (1940, collection particulière), Paysage de Normandie (1920, musée de Colmar) et surtout L’Atelier au mimosa (1939/1946, Centre Pompidou). Pour autant, son art reste très personnel et son style affirmé, facilement identifiable.

On l’aura deviné, la thématique principale de cette exposition se rapporte aux jardins, non pas abordés dans une optique strictement décorative, mais traités selon une dimension spirituelle où transparaît la recherche qui sous-tend toute l’œuvre : un rapprochement de l’humain et de la nature dans une quête de quiétude, d’harmonie. La traduction de cette quête, dont toute mièvrerie est exclue, varie forcément selon le lieu géographique, car les hommes et la nature changent en fonction des latitudes. Elle s’exprime donc notamment dans l’interdépendance étroite de la palette et de la lumière, avec beaucoup de délicatesse et de nuances : dans une toile comme Montsouris (2011), c’est bien l’atmosphère du parc parisien que l’on retrouve ; dans d’autres œuvres, issues de voyages au Maroc, comme Au Maroc, Tanger (2009) et Au Maroc, Tétouan (2010), le blanc et le bleu typiquement méditerranéens s’imposent, rehaussés de rouge et d’ocre, parfois aussi de vert ; quant aux toiles peintes au Liban, dont un soleil ardent domine le climat de nombreux mois de l’année, elles font la part belle à l’intensité du jaune d’or, au vermillon éclatant, au violet et à quelques taches d’un vert décliné sur tout son spectre.

L’artiste peint régulièrement en extérieur, ce qui explique sans doute cette cohérence chromatique que sert une composition très étudiée, souvent faite de larges aplats exaltant la couleur, d’une simplification des formes autorisant de prendre quelque distance avec la réalité (Une après-midi, 2010 et A bientôt, 2011). L’huile et l’acrylique permettent d’obtenir de riches jeux de textures, parfois renforcés par l’adjonction de sable ou de sciure. Comme pour la série des Nymphéas de Claude Monet, le regard du spectateur reste en permanence sollicité : vu de près, chaque détail semble abstrait et ce n’est qu’avec le recul que l’ensemble apparaît dans toute son harmonie. La part narrative se révèle alors, le plus souvent avec discrétion (des personnages, souvent féminins, des chats…), car les sujets aux formes allusives donnent l’impression de se dissoudre dans la couleur, c’est-à-dire dans une nature vibrante (Une Promenade, 2011). Cette représentation spatiale particulière, non exempte de mystère, confine parfois à l’abstraction et ce n’est qu’en concentrant son attention, en « entrant dans le tableau » que les détails se révèlent à celui qui regarde, offrant de multiples niveaux d’interprétation.

Les paysages ne constituent toutefois pas l’unique thématique des œuvres exposées à la galerie Claude Lemand ; des scènes de genre, où la vie quotidienne et la sensualité occupent une place importante, s’y ajoutent, avec leurs notes intimistes. La palette, alors, peut emprunter d’autres registres, comme pour Nocturne (2010), où le violet, le bleu de Prusse, l’outremer, le carmin voisinent avec les ocres et les terres. Ou bien le très curieux Jarouchi (2011) – une toile représentant une femme broyant avec une meule de pierre traditionnelle (jarouchi) le grain servant à la préparation du bourghoul ; ici, un gris beige très clair semblable au grès envahit l’espace et jusqu’au personnage même, rompu par quelques touches d’ocre et de vert.

L’exposition Les Jardins de l’âme offre une synthèse fidèle du travail de Fatima El Hajj qui est considérée, dans son pays, comme le fruit de l’école française. Soulignons toutefois qu’étant née et vivant en Orient, elle a tout naturellement su échapper aux « stéréotypes orientalistes » qui ne sont finalement que le regard superficiel porté par une culture sur une autre, avec son inévitable prisme déformant, ses idées reçues. Pourtant, une telle classification serait par trop réductrice. Il faut plutôt voir dans sa peinture une passerelle dressée entre deux mondes, l’Orient et l’Occident, le visible et l’invisible, une peinture en accord avec la vocation universelle de l’art.

Fatima El Hajj aborde avec un talent égal les petits et les moyens formats. Mais c’est avec les toiles de taille muséale qu’elle donne toute sa mesure. Et mon coup de cœur va spontanément à La Sieste (150 x 200 cm, 2011), une œuvre lumineuse représentant une femme lisant près de chats dans un jardin fleuri qui se confond évidemment avec celui de l’artiste, situé à Rmaileh, près de Saïda, où je l’avais rencontrée en 2009. Cette toile, comme celles qui l’entourent, invite à un voyage intérieur et prouve au passage que la peinture figurative, lorsqu’elle ne se limite pas à n’être que figurative, est loin d’avoir dit son dernier mot.

Galerie Claude Lemand, 16, rue Littré, 75006 Paris – Tel : 01.45.49.26.95 – 01.45.45.19.66. Horaires d’ouverture : du mercredi au samedi, de 15h à 19 h.

Illustrations : Fatima El Hajj devant Montsouris (2011, acrylique, 80 x 60 cm), photo © Rim Savatier – Une Après-midi (2010, huile sur toile, 89 x 116 cm) – A bientôt (2011, technique mixte sur toile, 150 x 175 cm) – Au Maroc. Tanger (2009, technique mixte sur toile, 100 x 100 cm) – Une Promenade (2011, technique mixte sur toile, 150 x 175 cm) – Jarouchi (2011, technique mixte sur toile, 100 x 100 cm) – La Sieste (2011, technique mixte sur toile, 100 x 100 cm), photos © Galerie Claude Lemand.

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