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Arts vivants, Identité européenne : une « promenadologie » des Impressionnistes

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Les peintes des écoles Impressionnistes, leurs prédécesseurs immédiats et les artistes postérieurs qui s’en réclament ne quittent jamais l’affiche des grandes expositions. Mais heureusement, ils ne sont pas seulement l’objet de rétrospectives individuelles qui font courir les foules. J’avais sans doute minimisé et écarté de mes centres d’intérêt ce succès constant en raison de la politique marketing envahissante qui a systématiquement entouré les événements en question et je m’étais donc épargné des queues interminables et des attentes vaines, au profit d’expositions plus secrètes : celles des collections de l’Albertina à Vienne ou la mise en perspective des rapports de Cézanne et de l’Amérique, sans oublier un compagnonnage de quelques années avec la Galerie Edouard Manet de Gennevilliers.

Heureusement ma curiosité a été de nouveau piquée voici deux ans et demi lorsque le projet d’un itinéraire qui s’intitule aujourd’hui « La Route des Peintres » a été présenté. L’idée de remettre les peintres non seulement dans leur environnement historique, mais encore mieux, de revoir les contextes paysagers de leurs oeuvres tels qu’ils se présentent aujourd’hui, m’a séduit. M’a séduite certainement aussi l’idée de voyager avec eux, dans la proche banlieue de Paris où j’ai habité, ou bien encore la perspective de me mettre en route vers la Normandie, en suivant la Seine ou vers la Provence, en suivant la coulée du Rhône.

Un peu comme le fait Jean-Christophe Bailly dans sa « promenadologie » paysagère, il faut se livrer à la recherche des traces infimes, des signes, des appellations qui, dans le défilé du paysage, avouent cent à cent cinquante années de strates et d’enfouissements et autant de révolutions du regard collectif. Pour des îlots préservés comme Auvers-sur-Oise ou Moret-sur-Loing, combien de banlieues ou de zones commerciales à l’aspect mondialisé ont-elles enfermé d’atmosphères précieuses, dont l’odeur pourrait de nouveau resurgir, si on apprend à lire ?

J’ai grandi à Colombes, à quelques kilomètres d’une trame urbaine serrée où on rejoignait l’église d’Argenteuil en traversant un pont sur lequel j’ai connu les dernières locomotives à vapeur. Eglise et pont, bords de l’eau, tous icônes de Monet, de Sisley (voir la photographie sur la passerelle d’Argenteuil) ou de Caillebotte. Si les vignerons et les agriculteurs avaient pratiquement disparu au milieu du siècle dernier, ainsi que la majorité des figuiers blancs, les producteurs d’asperges, qui poussaient merveilleusement dans les terrains alluvionnaires de la Seine – y compris dans le jardin qu’entretenaient jalousement mes grands-parents – prolongeaient l’époque où l’expansion de la capitale a obligé les banlieues à spécialiser leurs productions pour nourrir les Halles parisiennes : cerises de Montmorency, champignons des carrières de Cormeilles et plus loin cressonnières irriguées des bords de l’Oise.

Argenteuil, qui se serre frileusement aujourd’hui à l’abri des regards d’énormes grands ensembles et de ceux des Zones d’Urbanisme Prioritaire, tout comme les ponts d’Argenteuil qui ne connaissent plus que l’électricité ferroviaire et la grande vitesse des autoroutes, se sont habitués à ce que la Maison de Claude Monet soit située boulevard Karl Marx et que les atmosphères de Sisley et celles de la « Maison Tellier » de Maupassant voisinent avec les sculptures d’Edouard Pignon, lui aussi lié avec son épouse Hélène Parmelin au Parti communiste, sans oublier toutefois que l’agriculture a côtoyé l’industrie automobile et la révolution du fer, puisque l’on a assemblé là des fragments de la tour Eiffel, de la Gare Saint Lazare ou encore des Halles de Baltard.

Si, en effet, ce parcours entre sentes et bords de fleuve peut se pratiquer pour atteindre le but avoué par Jean-Christophe Bailly dans l’analyse de ce qu’est la France et son identité, comme. « Ce qui s’impose dès lors qu’on veut y aller voir, c’est de comprendre quelle peut être la texture de ce qui lui donne une existence, c’est-à-dire des propriétés, des singularités, et de sonder ce qui l’a formé, informé, déformé. », alors en effet une Route à la recherche de la peinture de paysage, devient pour moi un véritable exercice de citoyenneté.

Mais dans cette recherche du mouvement de la promenade entre deux mondes, l’ancien et le nouveau, j’étais de fait parti vers une actualité des Impressionnistes qui puisse permettre d’étendre le propos à d’autres lieux européens. Voici donc trois expositions, parmi d’autres.

Si l’on ne quitte pas la banlieue parisienne, la ville de Vernon fait partie du cercle de famille, et son musée s’est jumelé avec le musée des Impressionnistes de Giverny. Jusqu’au 29 avril on peut y découvrir un illustrateur né à l’époque de Monet : Harry Eliot. Mais il faut surtout attendre l’été pour regarder un travail photographique tout à fait d’à propos. Jean-Pierre Gilson s’est vu confié une mission qui doit porter selon le dossier de presse « sur la ville de Vernon intra muros et d’autre part sur le paysage alentour, avec la Seine comme pièce centrale. Le thème qui a été retenu pour l’ensemble de la mission est la vision nocturne – de la tombée de la nuit au lever du jour. Ce parti pris permet entre autres de débarrasser la ville de différentes formes de pollution visuelle – essentiellement les voitures – qui détournent notre attention des éléments du patrimoine architectural et nuisent à la compréhension de certaines perspectives. » Il sera certes intéressant de savoir si cette manière de débarrasser le présent, permettra de faire la part du passé et d’imaginer un futur de la lecture historique picturale .

Si une série importante de peintures de Berthe Morisot, un peintre toujours à redécouvrir, surtout sous forme monographique, ont quitté le Musée Marmottan à Paris pour rejoindre le Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid où les visiteurs du prochain salon du tourisme FITUR pourront s’égarer, je reste assez intrigué par le rapprochement entre Turner, Monet et Twombly (les peintures tardives) que va réaliser la Staatsgalerie de Stuttgart du 11 février au 28 mai. Si, comme l’indique le dossier de presse, les trois peintres ont pratiqué la dissolution de la forme, parfois due à la dissolution du regard lui-même, on va devoir attendre le début de l’exposition afin de comprendre comment s’opère vraiment la fusion des tremblements des nympheas, des vagues côtières et des canaux de Venise en un paradigme du paysage européen.

C’est Marcel Proust, amateur de Turner qui écrivait dans « A l’ombre des jeunes filles en fleurs » : « Les levers de soleil sont un accompagnement des longs voyages en chemin de fer, comme les oeufs durs, les journaux illustrés, les jeux de cartes, les rivières où des barques s’évertuent sans avancer. ».

Proust, le cloîtré du Faubourg Saint-Germain, un ancêtre des promenadologues ?

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