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Exposition “La Cave de Joséphine” à la Malmaison

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Notre conception contemporaine de la gastronomie prend ses racines au XIXe siècle, véritable âge d’or de cet art de vivre. Le passage du service à la française (où tous les plats étaient posés sur la table, chacun se servant selon son goût et dans la limite de l’accessibilité aux mets que la place qui lui était assignée permettait) au service à la russe (où les plats sont présentés par un serveur à chaque invité) joua sans doute un rôle important dans la manière de recevoir.

De même, l’introduction de la physique et de la chimie dans les cuisines permit de révolutionner la science culinaire. A partir du Directoire, le raffinement gastronomique, dont de nombreux livres de cuisine rendent compte, entra dans le jeu classique des influences, en politique comme en diplomatie. La table de Barras jouissait d’une excellente réputation, sans toutefois égaler celle de Charles-Maurice de Talleyrand dont de multiples témoignages attestent la somptuosité : si la France défaite, lors du Congrès de Vienne, put sortir honorablement de l’impasse, elle le dut naturellement aux qualités de négociateur du prince, mais sans doute aussi à Antonin Carême, son cuisinier dont la chronique dit qu’il fut le plus grand de son siècle et qu’il accomplissait des miracles.

Dans ce contexte, Joséphine de Beauharnais se devait de tenir une place de premier plan. C’est ce que l’on découvre au fil des salles du château de la Malmaison où est organisée jusqu’au 8 mars 2010 une très intéressante exposition, La Cave de Joséphine. Si sa beauté et sa liberté de mœurs sont connues, ainsi que la qualité des fêtes qu’elle organisait, le goût sûr de l’impératrice dans le choix de ses vins l’est beaucoup moins et c’est cette lacune que l’exposition vient combler avec beaucoup de pertinence.

Un inventaire dressé lors de son décès en 1814, véritable livre de cave qui ferait rêver tout collectionneur, sert de point de départ à l’événement. Plus de 13.000 bouteilles y sont répertoriées, ce qui, en soi, n’a rien d’anormal. Ce qui, en revanche, surprendra le visiteur, c’est la diversité des vins qui composaient cette réserve impériale. En effet si, sous l’Ancien régime – et même à son époque –, les préférences des amateurs allaient aux vins de Bourgogne, aux champagnes et aux liquoreux, surtout en provenance de la Méditerranée, Joséphine sut mettre les Bordeaux à l’honneur (45% de ses bouteilles, incluant la plupart des meilleurs crus, Château Margaux, Lafitte, Latour et Haut-Brion), mais aussi les Côtes du Rhône et les vins étrangers, sans oublier une belle collection de rhums que, native de la Martinique, elle utilisait pour ses punchs, célèbres à Paris.

Les multiples provenances géographiques prouvent autant son éclectisme que sa curiosité ; elles préfigurent aussi ce que sera le goût des XIXe et XXe siècles. On trouve ainsi répertoriés, outre les meilleurs vins français, du Raduirdof (vin blanc du Don), des vins de Chypre, d’Italie et « de Constante », probablement le mythique Constantia d’Afrique du Sud que Napoléon, à Sainte-Hélène, se faisait régulièrement servir. Peut-être l’empereur se souvenait-il alors des jours heureux de La Malmaison et des vins de l’impératrice qu’il lui arrivait parfois de boire coupés d’eau, comme le Chambertin – une habitude de sauvage avec un tel produit, il faut bien l’admettre…

Cette diversité des vins et des terroirs représentés, de la plus grande rareté au début du XIXe siècle, allait devenir assez répandue quelques décennies plus tard. Ainsi, dans son extraordinaire Dictionnaire de cuisine, Alexandre Dumas, à l’entrée « vins », dressait vers 1870 une liste impressionnante de ce que devait contenir la cave idéale de l’honnête homme ; celle-ci ne comprend pas moins de 11 pages empruntées à L’Art de boire, connaître et acheter les vins de Maurial et constitue un véritable musée imaginaire œnologique.

L’exposition de la Malmaison ne se limite toutefois pas aux seuls vins choisis par Joséphine ; elle offre prétexte à traiter des évolutions qui marquèrent l’ensemble du secteur viticole durant ce siècle de progrès technologique. Parmi les thèmes abordés, on notera la production, le commerce du vin, les formes des bouteilles, le long cheminement de l’étiquetage, d’abord sous forme d’écussons en émail que l’on suspendait au col des flacons, remplacés progressivement par des étiquettes imprimées, dont le graphisme devint de plus en plus sophistiqué avec le temps. On remarquera au passage une curiosité : une bouteille de Margaux postérieure à Joséphine (1858) portant une inscription assez étonnante : « Défense d’en laisser »… Heureuse interdiction qui nous laisse délicieusement songeurs, nous qui nous trouvons aujourd’hui trop souvent soumis à l’interdiction inverse par la pression sociale hygiéniste !

Les vitrines donnent encore un bel aperçu des arts de la table, avec l’apparition du cristal qui permit les réalisations les plus folles comme les plus élégantes. On remarque ainsi de très beaux verres de différentes manufactures (dont l’un, au chiffre de l’empereur, avait fait partie de son service lors de son dernier exil), des carafons, un bol à punch en vermeil, un très beau seau à bouteilles aux armes des Borghèse, de la vaisselle portant le chiffre de Bonaparte ou de Napoléon. Tableaux, gravures, dessins de verres, de flacons ainsi que d’autres objets annexes complètent cette exposition.

Signe des temps ou d’une certaine rigueur morale (au moins feinte) de Napoléon, le superbe bol à punch du « Cabaret égyptien » de Joséphine fabriqué par la Manufacture impériale de Sèvres semble bien strict, avec sa décoration de hiéroglyphes, comparé à la libertine « jatte à téton » exécutée pour la laiterie de Marie-Antoinette à Rambouillet, dont la légende dit qu’elle avait été moulée sur le sein royal même…

Un catalogue, bien documenté et illustré, intitulé La Cave de Joséphine, Le vin sous l’Empire à la Malmaison (RMN, 144 pages, 25 €), apportera aux visiteurs d’intéressants compléments d’information sur cette exposition que l’on peut visiter sans modération.

Illustrations : Couverture du catalogue – Etiquettes à vin pour pièces (barriques), bouteilles et carafes évoquant des crus de la cave de Joséphine, © Collection particulière/DR – Carafon au chiffre “J” couronné de l’Impératrice Joséphine, © RMN/André Martin – Bol à punch sur socle carré du “Cabaret égyptien” de l’Impératrice Joséphine, © RMN/François Doury.

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