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Habemus papam. Rome vaut bien plus qu’un pape.

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On a tous rêvé de visiter les jardins du Vatican. Je l’ai fait un jour grâce à l’amitié d’un sous-secrétaire pontifical à la Culture. Le Père Ardura se reconnaîtra. Je n’ai certainement pas apprécié à sa juste valeur ce privilège, ni celui d’entrer dans la boutique où toute la communauté du Vatican peut acheter des produits détaxés, y compris de l’essence. Ni même l’honneur d’être salué par les gardes suisses. Je me souviens surtout du délicieux repas pris à Frascati après une course en voiture le long de la Via Appia… et des champignons grillés qui accompagnaient le vin, plutôt que l’inverse.  

On a tous rêvé d’entrer dans les appartements du pape. Nanni Moretti le premier. Mais comme il est un metteur en scène de très grand talent et que la dérision le prend régulièrement à la gorge, il a pu le faire. Il s’est payé ainsi une partie de volley-ball cardinalesque sous les fameux appartements privés, comme Fellini s’était payé un défilé de mode ecclésiastique dans un métro improbable. Il a confronté la vanité de la psychanalyse à la vanité de la croyance. Il a ramené la communication à ce qu’elle est : un rideau agité par une ombre…qui pourrait être celle du pape et il a ramené les experts à ce qu’ils sont lorsqu’on les plonge dans l’orbe audiovisuelle : des savants sans connaissance. En un mot, il s’est bien amusé.

Mais il a surtout créé ainsi un personnage inoubliable, d’autant plus inoubliable que le corps de Michel Piccoli sait contenir toute la douleur du monde, quand elle doit se rassembler sur la tête d’un vieillard choisi par Dieu contre son gré. Inoubliable cet acteur qui montre aussi dans ses yeux toute la juvénilité du monde, quand le théâtre qu’il aime plus que tout, s’abandonne aux incertitudes de la mémoire. Un pape qui connaît le répertoire de Tchékhov au point de jouer « La Mouette » au pied levé ne peut être mauvais, mais il ne peut certainement pas être pape, au pied levé.

Etrange cet attrait pour Rome qui rebondit de livre en film depuis quelques mois. Ou plutôt, hasard ! Je veux écrire sur le roman baroque de Paolo Sorrentino « Ils ont tous raison » que j’ai tenu en mains entre Bruxelles et Perpignan sans le lâcher : « Rome, et donc l’Italie, s’est réduite à un seul néologisme : « figo ». Tout est « figo » ou « non figo ». L’anorexie de la parole. La constipation du sens. » affirme ainsi Gegé Raja, un écrivain de quatre-vingt-trois ans que le cinéaste-écrivain de « Il Divo » met en scène vers la fin du livre. Un double de Tabucchi ? Ou plutôt un double d’Umberto Eco !

Et puis ce roman étrange où Rome se construit puis se délite, entre ruines rêvées et consoles de jeux. Un roman qui obtiendra peut-être un prix cette année en France : Rom@ de Stéphane Audeguy. « La ville vieillit au rythme des empires ; lentement, l’épuisement la gagne, la mine avec l’efficience d’une taupe, obstinée et aveugle. Les chrétiens s’imposent, imperceptiblement : des patriciens les ont autorisés à enterrer leurs morts dans les jardins de leurs villas, catacombes. Leurs tombeaux dévorent les sous-sols, poussent à la surface, églises. »

Toutes ces œuvres sont emplies de « Petits malentendus sans importance », pour reprendre un titre de Tabucchi, mais ils touchent aussi à des malentendus qui appartiennent à la grande histoire, ou plutôt à l’histoire des grands qui font semblant de nous gouverner.

Le Président du Conseil italien se présente sans honte et sans opposition, comme le plus grand escroc du monde, mais aussi comme l’acteur le plus formidable pour symboliser un monde d’illusions : « Les milliardaires se retrouvent toujours à faire mumuse dans un univers où leurs illusions se cristallisent, parce que les gens n’ont pas envie de leur dire la vérité, de peur de perdre les privilèges acquis. » dit encore le chanteur napolitain créé par Paolo Sorrentino dans son roman.

Pourquoi un pape ne se présenterait-il pas alors comme un acteur raté, un acteur meurtri et refoulé qui, par vérité chrétienne ou par modestie, ne veut pas entrer dans le tourbillon du monde d’illusions que le pays souverain qui entoure la Cité dont il devient le chef d’Etat a su faire croître à la hauteur d’un chef-d’œuvre que l’entière planète factice lui envie ?

C’est pourtant dans les rues de Rome où il s’est enfui, dans ses encombrements perpétuels, en entrant dans les grands magasins et en côtoyant les boutiques de mode que l’homme désigné par Dieu aujourd’hui se fait homme. Moments de bonheur retrouvé et d’émotion pour les spectateurs.

Il y a quarante ans, Pasolini faisait par contre un Dieu d’un homme à sa ressemblance, en traînant son double dans les phrases de l’évangile selon Saint Mathieu. Et il expiait lui-même son hérésie dans le drame, quelques années plus tard.

L’expiation des hérésies de Moretti sera sans doute plus douce. Les temps ont changé. Il devra simplement se faire au succès et sera ainsi condamné au péché d’orgueil !

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