Aller au contenu

Yeonsan (Yi Heon) : Le roi déchu, le pire tyran de Joseon

  1. Accueil
  2. /
  3. COREE DU SUD
  4. /
  5. Histoire de Corée du sud
  6. /
  7. Yeonsan (Yi Heon) : Le roi déchu, le pire tyran de Joseon

La fiction peut donner matière à apprendre des pages de l’histoire de la Corée du Sud et notamment de la dynastie Joseon. Le très populaire drama historique coréen Bon appétit, Votre Majesté (disponible sur Netflix) en est le parfait exemple comme avait pu l’être un autre sageuk dont il est protagoniste dans Seven days for a queen.  La série est adaptée d’un roman en ligne intitulé Surviving as Yeonsangun’s Chef , écrit par Park Guk-jae. Cette histoire un peu fantaisiste et fondée sur un voyage temporel suit Ji-yeong, qui remonte le temps et devient la cuisinière royale du roi Yeonsan. Ce personnage historique est bien réel. Il s’agit du 10ème roi de Joseon (1392-1910), un roi déchu Yeonsan (연산군, 1476-1495) trop tristement connu dans les mémoires. Presque tous les Coréens connaissent l’histoire du pire tyran de Corée. Voici sa véritable histoire.

bon appétit sa majesté (1)

La jeunesse d’un dauphin très attendu

Yeonsan était le premier fils légitime que le roi Seongjong (성종, 1457-1495) eut à l’âge de 19 ans. La joie de la Cour fut inégalable à la naissance d’un prince tant attendu ! Mais l’enfant était souvent malade. Seongjong l’envoya à la maison d’un parent pour le mettre à l’abri d’éventuelles contaminations. Ce dernier aurait également voulu le tenir à l’écart de la Cour où une série d’évènements tragiques se déroulèrent. Yeosan grandira en dehors du palais jusqu’à l’âge de 7 ans.

Je crois pourtant que lorsqu’il retourna au palais, il put vite s’adapter à la vie de la Cour. La reine et le roi l’élevèrent avec amour même si mamie, la reine douairière Insoo, se montra exigeante pour ses études et lui reprochait de temps à autre d’être paresseux. Il la sentait parfois plus froide à son égard qu’à ses autres demi-frères, fils des maîtresses de son père. Et lorsque la reine accoucha d’un second fils, mamie afficha une nette préférence à l’endroit de ce dernier. Est-ce simplement parce que Yeonsan n’avait pas trop le goût pour les études ?

Adolescent, il devint un dauphin très fier de sa lignée. La légitimité sanguine en tant qu’héritier lui sembla inébranlable. Fils aîné légitime du roi ! Certes, le couple royal eut un second prince légitime mais ce n’était que quand il avait 12 ans. Il rêva de devenir un monarque exerçant un pouvoir absolu.

Dans ce contexte, il ne comprenait pas pourquoi son père fut considéré comme un grand roi. Parce qu’aux yeux du jeune prince, Seongjong était un monarque trop faible. Il se laissa critiquer librement par les officiels des organes d’inspection du gouvernement. Ces derniers allaient jusqu’à dire : « On a rapporté qu’un poussin à trois pattes est né. C’est un signe néfaste que le ciel vous envoie en guise d’avertissement. Car vous avez trop de maîtresses. »

En effet, Seongjong, grand érudit comme Séjong, était fidèle à l’idéologie du confucianisme qui considère que la base de l’Etat est le peuple et que le souverain ne doit utiliser son pouvoir qu’au service de ses sujets. Il voulut garantir la liberté d’expression de ces organes afin de rester dans la bonne direction. En ce faisant, il cherchait également à contrebalancer les officiels de l’exécutif dont certains détenaient plus de pouvoir que lui-même car ces derniers aidèrent le grand-père de Seongjong, le roi Séjo, à s’emparer du trône de son neveu, le roi Dangjong.

Même si Yeonsan n’était pas un élève aussi brillant que son père, c’était un prince héritier passable. Il succéda à Seongjong en 1490 suite au décès de ce dernier.

Or, un jour, peu de temps après son accession au trône, le nouveau roi surprit la terrible vérité sur sa mère. La reine-mère Janghyeon (Jahyeon dans la série) n’était pas sa mère biologique ! Le choc était tel que le nouveau roi refusa de manger toute la journée. Il était sous un choc indescriptible : Yeonsan venait d’apprendre, par hasard, que sa mère, la reine Jangyeon qu’il croyait sa mère, n’était pas sa mère biologique ! Cerise sur le gâteau, il apprit en même temps que son père exécuta sa mère pour avoir été trop jalouse et violente.

yeonsangun 10ème roi de joseon (1)

Un roi débutant peu intéressé par les affaires de l’Etat

Pourtant, au début de son règne, il n’avait pas l’air d’en être trop affecté. Le jeune monarque poursuivit les politiques majeures de son prédécesseur visant à améliorer la vie du peuple et ne destitua aucun officiel qui fut mêlé à l’exécution de sa mère.

Le problème, c’est que les officiels des organes d’inspection avaient gardé leur habitude de faire des remontrances à la moindre faute du roi. Avec Yeonsan, c’était encore pire qu’avec Seongjong. Yeonsan s’intéressa trop à d’autres choses que les affaires d’Etat ! Il aimait passionnément l’art, la danse, le chant, la musique, le théâtre, la littérature, les femmes, l’alcool et la chasse… Les annales de Joseon relaient plus de 140 poèmes composés par lui. Son père aimait les mêmes choses. La grande différence, c’est qu’il était également workholic. Il donnait la priorité absolue à son travail. Et il adorait faire des études. Or, Yeonsan sauta souvent les réunions avec ses officiels qui lui paraissaient trop ennuyeuses. Pourtant, à cette époque là, il avait encore envie de devenir un bon roi et essaya de faire de son mieux. 12 à 14 sur 20.

Yeonsan supporta très mal les critiques de ses officiels. Quatre ans après son arrivée au pouvoir, il eut sa première explosion de colère. Un cadre de l’exécutif, qui détestait comme le roi les organes d’inspection, dénonça qu’un historien qui appartenait à ces institutions avait écrit des commentaires négatifs contre le roi Séjà, l’usurpateur et l’arrière-grand-père de Yeonsan. Ainsi eut lieu la première purge des aristocrates des organes d’inspection en 1494. Six personnes furent exécutées, plus de 50 personnes furent torturées ant d’être sanctionnés. Après cette répression, Yeonsan délaissa petit à petit les affaires d’Etat en dépassant de plus en plus de temps et d’argent pour son bon plaisir à tel point que même les officiels de l’exécutif se mirent à s’inquiéter et à lui en reprocher.

C’est à peu près à cette époque que Yeonsan rencontra sa célèbre favorite Jang Nok-soo (Gang Mok-soo dans la série) chez son oncle de 5e degré, le prince Jéan (Jésan dans la série). Elle était la chanteuse qui appartenait à ce dernier. Le monarque l’amena à la Cour et en fit sa concubine en titre. Elle est souvent pointée du doigt pour avoir précipité son royal amant dans la voie de la décadence. Mais jusque-là encore, le roi assuma le minimum pour que l’Etat fonctionne normalement. Un mauvais roi, certes, mais pas encore un tyran. Limite 8 à 10 sur vingt.

Colère, bains de sang et oppressions : règne d’un tyran

Cependant, un jour de mars, Yeonsan connut son premier accès de colère insensé. Le gouverneur de la province de Gyeonggi venait de refuser l’ordre du roi d’envoyer sa petite-fille à la Cour alors que Yeonsan avait voulu en faire sa concubine. On voit cette histoire dans le premier épisode de Bon appétit, Votre Majesté. Lorsque le roi apprit ce refus, il explosa outre mesure : « Vous me prenez pour quoi, un épouvantail ? » Il confisqua tout le bien du gouverneur et l’exila. Mauvais augure…

La tragédie de la mort de sa mère à l’originie du basculement vers sa tyrannie ?

Dix jours plus tard, le souverain inaugura un véritable bain de sang qui durera pendant des mois. La cause de ce déclic était la mort tragique de sa mère. On aurait dit qu’il fut brusquement possédé par l’esprit de celle-ci. Il fit arrêter deux concubines de son père. Selon lui, elles auraient calomnié sa mère. Il les fit frapper par leurs fils jusqu’à ce qu’elles meurent. Ensuite, il se précipita vers la chambre de la reine-mère avec un grand sabre. Devant la porte, il cria à tue-tête en brandissant son arme redoutable en l’air : « Sors, mais sors tout de suite ! Je te tuerai, l’ennemie jurée de ma mère ! » La reine-mère, prise de panique, ne put bouger. Alors l’épouse de Yeonsan s’accourut et dissuada son mari en sanglotant : « Non, non, Votre Majesté, il ne faut pas, il ne faut pas. Arrêtez, je vous en prie… »

Yeonsan mit alors le cap vers le pavillon de sa grand-mère. Elle était alitée depuis plusieurs jours à cause d’une maladie grave. Il ouvrit la porte brutalement. Il jeta les fils des deux concubines qui venaient de mourir dans les bras de mamie en raillant : « Je vous ai amené vos petits-fils chéris. Ne leur donnez-vous pas de cadeau ? » Tremblant d’horreur, la vieille malade fit venir deux rouleaux de tissu en soie. Yeonsan se retira après avoir proféré des insultes à la reine douairière. Elle mourut un mois plus tard.

Dans les mois qui suivirent, Yeonsan tua non seulement ceux soupçonnés d’avoir soutenu l’exécution de sa mère, mais aussi tous ceux qui lui firent le moindre commentaire négatif. Toux ceux qui lui donnaient des conseils pour le faire revenir à la raison. Ainsi, de nos jours, nombreux sont les historiens qui présument que Yeonsan aurait utilisé comme prétexte sa mère afin d’éliminer tous ceux qui lui déplaisaient. Beaucoup d’entre eux pensent également qu’il souffrait d’une maladie psychiatrique qui s’exprima aux alentours de cette époque.

De la luxure à la déchéance

En ce faisant, Yeonsan sombra dans la luxure extrême. Il fit sélectionner des belles femmes et des artistes femmes talentueuses et coucha avec celles qui lui donnaient envie même si elles étaient mariées (c’était strictement interdit même pour les rois à l’époque de Joseon). Le peuple, même la classe dirigeante, souffrait d’un lourd fardeau fiscal pour satisfaire ses moindres désires qui coutaient de plus en plus cher. Cette tyrannie dura pendant près de deux ans.

Un jour de septembre 1506, quelques hauts dignitaires entreprirent un coup d’Etat qui ne rencontra aucun obstacle. Tout le monde, sauf une poignée des proches du roi, en avait marre, y compris l’armée. Certaines concubines du roi, y compris Jang Nok-soo (Kang Mok-ju) furent lapidées dans la rue.

Lorsque les rebelles vinrent arrêter Yeonsan, il leur dit calmement : « Je savais qu’un jour, on viendra me punir car j’ai commis trop de crime. » C’était comme s’il venait de recouvrer la raison. Il fut exilé à l’île de Ganghwa et mourut six mois plus tard. Tous ses fils furent exécutés. Sa femme, qui jouissait d’une bonne réputation, fut envoyée chez ses parents.

Les rebelles mirent le demi-frère légitime de Yeonsan, le prince Jinseong (Jinmyeong dans la série), comme 11e roi de Joseon, qui devint le roi Jungjong. Alors âgé de 18 ans, Jinseong s’entendait plutôt bien avec son frère tyrannique. Il n’aurait jamais songé à renverser Yeonsan. Ainsi, il ne fut prévenu qu’au dernier moment.

Jungjong est célèbre pour son amour pour sa première épouse, la reine Dangyeong. Leur histoire inspira une autre série. Savez-vous laquelle ?

Sojeong Shim
Les derniers articles par Sojeong Shim (tout voir)

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

     

    1. Accueil
    2. /
    3. COREE DU SUD
    4. /
    5. Histoire de Corée du sud
    6. /
    7. Yeonsan (Yi Heon) : Le roi déchu, le pire tyran de Joseon