Aller au contenu

My Dearest (Ma très chère) : régal absolu, une tragédie historique entre guerre et amour passionnel

  1. Accueil
  2. /
  3. GUIDE CULTUREL : littérature, cinéma, musique et arts
  4. /
  5. TV – Séries télévisées et Web Séries
  6. /
  7. Séries historiques
  8. /
  9. My Dearest (Ma très chère) : régal absolu, une tragédie historique entre guerre et amour passionnel

Le drama historique My dearest avec ses airs d’Autant en emporte le vent à la sauce coréenne raconte une page de l’histoire de la Corée cruelle et tragique pendant la période de Joseon. Entre guerre et esclavage, naît une histoire d’amour complexe et passionnelle entre  Lee Jang Hyun (Namkoong Min) et la noble Yoo Gil Chae (Ahn Eun Jin) qui rêve d’un amour à la hauteur de ses romans favoris et est follement éprise du fiancé de sa meilleure amie.

my dearest ma très chère

My dearest : l’une des plus belles et meilleures séries historiques coréennes

J’ai rarement vu une série aussi belle et bien photographiée. Sans parler du reste. Scénario, réalisation, jeu des acteurs, musique, tout… Absolument parfaite. Pour moi, c’est l’un des meilleurs dramas de 2023, et il n’y a pas eu que du bon, cette année.

Et NAMKOONG MIN !…

Le régal absolu…

L’histoire d’un homme mystérieux et son histoire d’amour passionné, pendant la seconde invasion mandchoue de la Corée, qui finira par la soumission de la dynastie Joseon par les Qing.

Le genre d’intrigue que j’adore, avec un exceptionnel « héros », revêche, ironique voire cynique, lâche, indifférent, grinçant, en apparence, mais héroïque, fin stratège, insolent, brave, intrépide, loyal, valeureux, constant, tendre en réalité…

Le tellement charismatique, élégant, talentueux Namgoong Min, bouleversant, porte ce drama avec maestria ! Bon, j’ai toujours aimé Namkoong Min (on prononce Nam’goun’min, en gros…), mais il trouve là un de ses meilleurs rôles et il l’interprète avec une grande finesse.

Je trouve qu’il fait partie de ces hommes dont le visage devient très intéressant et plus intense passé 40 ans.

Le drama Ma très chère n’est pas sans évoquer « Gone With The Wind », avec une jeune fille éprise du fiancé de sa meilleure amie, vaniteuse et capricieuse, un peu comme Scarlett, et le personnage de Rhett Butler, distant, ironique, insolent. Toutefois le scénario prend progressivement ses distances avec cette trame…

my dearest ma très chère kdrama historique (1)

Je me demande souvent pourquoi j’aime un drama plus qu’un autre. Les personnages ? Le scénario ? Les dialogues ? La réalisation ? Bien sûr ! Mais c’est surtout le jeu des acteurs qui me passionne et me retient.

Le plus frappant, dans ce drama, c’est la palette exceptionnelle de regards de Namgoong Min. Tendre, désespéré, amoureux, amusé, plein d’ironie, calculateur, son regard porte loin et dit tout. Il parle, parfois, souvent, et dit toujours les choses les plus justes, mais c’est surtout par ses regards éloquents que passent les émotions de son personnage. Certains acteurs ont besoin d’en faire des paquets, d’autres d’exprimer physiquement leur personnage. Namgoong Min ne fait rien. Il regarde… Lentement, longtemps. Et tout est limpide.

Oui, je sais, il y a quand même quelques belles scènes de bagarres, de batailles, de guerre, mais ce n’est pas le plus frappant, je trouve, même si il y est fort compétent. Non. C’est dans la qualité de ses regards qu’il est vraiment incroyable.

On ne peut être que frappé par cette évidence dans l’épisode 16 qui emmène sur les ailes du désespoir amoureux, du sacrifice et du chagrin. La qualité des réflexions de caractère politique et stratégique est vraiment ébouriffante. Ce drama n’est pas seulement une histoire d’amour, mais aussi une histoire de guerre, et d’après-guerre, des vainqueurs et des vaincus. Le personnage-pivot du jeune maître Lee Jang-hyun permet de comprendre les enjeux stratégiques des forces en présence, et de mesurer la faiblesse de Joseon, qui n’a finalement que son cerveau, sa pensée tactique incarnée par Lee Jang-hyun, et la compétence de ses agriculteurs à faire pousser n’importe quoi sur les terres les plus arides. Encore une fois, Namgoong Min captive par la qualité expressive de ses silences et de ses regards.

Analyse détaillée du drama historique My Dearest


(Attention, cet article contient des informations sur le contenu du drama. Si vous n’aimez pas que le contenu d’un programme que vous n’avez pas vu soit dévoilé, ne lisez pas plus loin…)

Une inspiration assumée d’Autant en emporte le vent


Du début à la dernière image, j’ai été saisie par My Dearest, qui a capté mon attention, et mes émotions de semaine en semaine. Bien sûr, comme tout le monde, j’ai compris assez vite qu’il s’agissait d’une libre adaptation du roman de Margaret Mitchell « Gone with the wind », avec l’insupportable Miss Scarlett, Melanie, Ashley, et Namgoong Min endossant le rôle de Rhett Butler. J’avoue que, dans le premier épisode, je me suis dit que je n’avais guère envie de me retaper cet indigeste histoire, mais le sourire en coin de Namgoong Min m’a incité à en voir davantage, et, je le confesse, j’ai un très grand faible pour les dramas coréens historiques, c’est-à-dire en costumes, tout comme j’adore les films « de cape et d’épée ».


Rapidement, l’histoire coréenne a fait dérailler la stricte adaptation du roman, et du film… La guerre de Sécession est devenue une invasion, ce qui immédiatement situe l’époque et définit les costumes, les habitudes, la politique et désigne le gouvernement, et le roi. Les esclaves noirs ont été remplacés par des prisonniers de guerre et des otages, ce qui n’a rien à voir avec l’aspect systémique du commerce triangulaire et tout à voir avec la brutalité de la guerre et les us et coutumes de ces pays. L’histoire s’est donc vite échappée de son modèle pour, finalement, ne plus à voir grand chose avec le contexte du roman, ni avec les personnages bien connus.

 lee jang hyun porte yoo gil chae dans ses bras

Le rôle de Rhett, tenu par Namgoong Min, prend lui aussi, en peu de temps, ses aises.
L’acteur s’approprie quelques aspects du personnage initialement interprété par Clarke Gable, son regard en coin, son ironie, voire son côté moqueur, pour les faire siens de manière vraiment magistrale, mais il prend aussi en épaisseur, ce qu’échoue à faire Clarke Gable avec le personnage de Rhett. Héros revêche, ironique voire cynique, lâche, indifférent, grinçant, en apparence, mais héroïque, fin stratège, insolent, brave, intrépide, loyal, valeureux, constant, tendre en réalité.

Puis à partir de la moitié, le drama commence à s’évader de la trame empruntée à « Gone With The Wind », et le personnage de Namgoong Min, Lee Jang-hyun, prend ses distances par rapport au personnage de Rhett Butler, qui n’a jamais cette passion profonde et ces émotions pleines de dignité et de réelle affliction. La scène des retrouvailles, sans son, sans musique, qu’on dirait « a capella » si il s’agissait de musique et de chant, est d’une extraordinaire beauté. Et d’une grande justesse.

Interprétations exceptionnelles de Namgoong Min et Ahn Eun-jin dans les rôles de Lee Jang-hyun et Yoo Gil-chae


Je dirais une fois pour toutes tout le bien que je pense de l’interprétation de Lee Jang-hyun par Namgoong Min. Il est tout simplement éblouissant. Il n’est à aucun moment moyen, ou dans l’à peu près… Beau, élégant, raffiné, il est une figure mystérieuse dont on ne sait d’où il vient, pourquoi il est là, ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Il joue de son éventail qui est comme un mur derrière lequel il se cache, mais qui n’est pas sans ridicules, par moment. Posé là, dans ses magnifiques costumes, il observe avec patience et ironie, et nous faisons de même.


Chaque regard, chaque silence, chaque phrase prononcée est pesé, pensé et contrôlé pour dessiner à la perfection un personnage totalement dans la maîtrise de ses émotions. Et pourtant, nous les ressentons terriblement. Enfin, je les ai ressenties avec force. J’ai été bouleversée quand il était bouleversé, et moqueuse et ironique quand il l’était. J’ai été conquise par la palette exceptionnelle de regards de Namgoong Min. Tendre, désespéré, amoureux, amusé, plein d’ironie, calculateur, son regard porte loin et dit tout. Il parle, parfois, souvent, et dit toujours les choses les plus justes, mais c’est surtout par ses regards éloquents que passent les émotions de son personnage. Certains acteurs ont besoin d’en faire des tonnes, d’autres d’exprimer physiquement leur personnage. Namgoong Min ne fait rien. Il regarde… Lentement, longtemps. Et tout est limpide.
Dans le silence qui s’installe, on est en mesure de comprendre la « tempête sous un crâne », pour paraphraser Victor Hugo dans la nature et la qualité de ses regards que le réalisateur a la bonne idée de laisser s’installer dans la durée. Et c’est justement ce qui fait que l’on comprend l’intériorité du personnage.
Nul besoin de nous réexpliquer oralement ce que nous avons compris intimement.


Ce drama ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles. Et juste au moment de la minute de trop, on passe à autre chose. Ce ne sont pas des regards pesants, ce sont des regards justes et opportuns.
Quant aux dialogues, l’acteur utilise pendant tout le drama une prosodie particulière et pertinente. Il dit son texte d’une voix posée et légèrement monocorde, avec des accentuations qui permettent de comprendre les sous-entendus comiques, ou politiques, ou stratégiques.


Pour résumer, en dehors d’un travail de la silhouette et de la posture, élégante et légèrement statique dans le « civil » qui contraste grandement avec les scènes de bataille et les combats, Namgoong Min dessine et délivre un personnage cohérent du début à la fin.
Le personnage féminin, Yoo Gil-chae, interprétée par Ahn Eun-jin, qui donne la réplique à ce brillant acteur doit, elle, donner vie à une très jeune fille au début du drama, écervelée, coquette, artificielle et frivole, qui ne sait rien de la vie, gâtée et préservée. L’actrice doit passer de cette adolescente superficielle à une femme courageuse et volontaire, généreuse et forte, ce qu’elle réussit sans peine. On croit à l’évolution de son personnage.


Au travers de ses hésitations, parfois pénibles et incompréhensibles pour des esprits européens et actuels, à s’engager dans une relation complexe avec cet homme qui ne professe que des idées choquantes et excentriques, on nous donne les clés pour comprendre la pensée sclérosée de l’époque.

Une critique de la pensée néo-confucéenne

Le drama My dearest explore tout au long des épisodes, les étroitesses, les rigidités froides et inhumaines, l’intransigeance de cette pensée néo-confucéenne appliquée sans discernement, avec excès.


D’ailleurs, le fondement du personnage de Lee Jang-hyun est construit en opposition avec la pensée néo-confucéenne, et ses duretés. La pensée qu’exprime ce personnage est totalement anticonformiste, marginale, ce qui permet de réfléchir au bien-fondé des axiomes utilisés et instrumentalisés pour la domination des riches sur les pauvres, des hommes sur les femmes, des puissants sur les impuissants. C’est grâce à cette pensée anticonformiste, voire révolutionnaire, que Lee Jang-hyun est en mesure de proposer des stratégies opérantes et novatrices, mais c’est aussi ce qui effraie la jeune Gil-chae.
Tout au cours du drama, le personnage de Lee Jang-hyun maintient un discours et une pensée originale et choquante. Il entraîne dans ce processus de remise en question le jeune prince héritier, et finalement tous ceux qui l’approchent, y compris sa bien-aimée Gil-chae. Dans ce monde étroit, bien-pensant et conventionnel, il fait souffler un vent de changement, une humanité, un bon sens plus que rafraîchissant, bouleversant, au sens premier.


Oui, il bouleverse ! Les codes, les habitudes, mais aussi les émotions. Dans ses relations affectives, il se heurte à la résistance de cette jeune fille, fille éduquée par un érudit confucéen, et bien conditionnée pour n’être que ce qu’on attend d’elle, et elle est désarçonnée, choquée de la liberté d’esprit manifesté par cet homme épris, mais qui respecte aussi l’éducation de cette jeune fille, ses réserves, sa personne. Ce n’est pas un homme qui fait fi de ce qu’il est quand l’occasion s’en présente.
Non. Il est remarquablement fidèle à lui-même, tout au long des épisodes. À aucun moment, il ne renonce à son éthique. On comprend, au fil de l’histoire, qu’il a toujours été ce rebelle de la pensée, qui préfère l’humanité aux principes. Et il entraîne avec lui ceux qui comprennent sa morale et sa conscience.


Lee Jang-hyun n’a pas de père, de mère, de famille. On ne sait pas d’où il vient ni ce qu’il fait. Ce qui est une situation stigmatisante dans la Corée de Joseon. On comprend petit à petit qu’il a un cercle d’amis fidèles, qui le suivent, sans toutefois toujours le comprendre, tant sa pensée et ses idées sont en dehors des clous de cette société autoritaire et intransigeante, mais je reviendrai sur les personnages qui l’entoure. Bien sûr, la fin du drama dévoilera la vérité de ses origines…

Il rencontre, sur son chemin, un homme qui va comprendre exactement qui il est, et ce qu’il peut faire changer. Cet homme, c’est l’eunuque du dauphin, jeune prince piégé dans des dogmes et une idéologie délétères. Il a à cœur de protéger ce prince héritier inexpérimenté qui souffre sous la coupe d’un père abusif et paranoïaque.

Un cadre historique aux conséquences dramatiques pour le peuple coréen


Il faut maintenant en revenir à l’histoire, car c’est dans cette histoire que prennent place le discours et les idées de Lee Jang-hyun.
En 1636, les mandchous envahissent Joseon.
Pour reprendre ce qu’en dit Wikipédia, qui résume bien l’atmosphère et les raisons de la guerre, cette invasion est la conséquence de la première invasion de 1627. À la suite de cette première invasion, « La relation entre Joseon et les Mandchous est restée inconfortable, voire glaciale. Même si la première invasion n’a pas été catastrophique pour la Corée, la seconde, neuf ans plus tard, le sera. Cette première campagne a été ressentie aigrement par les hommes d’État confucianistes et les érudits qui considéraient que c’était une trahison pour la Corée d’abandonner la Chine Ming après l’aide de ces derniers contre les Japonais durant la Guerre Imjin. Cette antipathie s’est enflammée en 1636 lorsque les Mandchous ont demandé une requalification de la relation diplomatique d’égal à égal en suzerain-vassal. La cour coréenne, dominée par les hommes anti-Mandchous a rejeté cette demande, ce qui a conduit à la seconde invasion mandchoue de la Corée. »

« Après la première invasion de 1627, la dynastie Joseon a continué à défier les Mandchous. Les échanges commerciaux étaient mauvais et la Corée n’a pas livré les Mandchous fugitifs qui s’y étaient réfugiés. De plus, la Corée a pris une attitude provocante lorsque le Khan Huang Taiji a proclamé la nouvelle dynastie Qing. Les délégués mandchous Inggūldai et Mafuta ont reçu un accueil glacial à Hanseong (Seoul) où les soldats coréens sont restés dans l’ombre. Les délégués en furent offusqués et sont rentrés en Mandchourie.


La cour coréenne était dominée par des hommes proguerre, sans toutefois améliorer ses capacités militaires.
Au cours de l’hiver, Huang Taiji lui-même a conduit les bannières mandchoues, mongoles et chinoises ainsi qu’une armée de 120 000 Mongols en Corée. Plutôt que de combattre les forces de Im Gyeong-eop à la forteresse de Baegma (Uiju), le prince Dodo, à la tête de l’expédition, s’est dirigé directement vers Hanseong pour empêcher le roi Injo de Jeoseon de s’échapper une nouvelle fois vers l’île de Kanghwa, comme les rois coréens avaient pris l’habitude de faire.

Ne parvenant pas à s’échapper vers l’île, le roi a trouvé refuge dans la forteresse de Namhansanseong… »

C’est dans ce cadre historique que prend pied cette histoire aux conséquences dramatiques pour le peuple, mais aussi pour les élites.
Pris dans la tourmente de la guerre, le peuple, et notamment les femmes, connaît les rigueurs de la guerre, la mort, la violence, la faim, le viol, et la capture de prisonniers de guerre réduits en otages ou en esclaves. Comme caution de paix, le prince héritier et son épouse sont envoyés comme otages en territoire mandchou avec une suite comprenant des fils de ministres et d’autres personnages éminents, eunuques, érudits… dont Lee Jang-hyun, qui fera office d’interprète.

Révolté par le sort réservé aux esclaves de guerre, c’est-à-dire aux prisonniers et captifs, hommes et femmes, saisis durant la guerre, Lee Jang-hyun va se donner la tache de faire libérer ces otages, et soutenir et guider le jeune prince héritier.
Grâce à son action, à sa pensée et à ses discours, Lee Jang-hyun influence les événements, et les gens qu’il approche. Son discours, teinté à la fois de taoïsme et de foi chrétienne (il remplit le rôle que les jésuites ont eu historiquement auprès du prince héritier), ce discours toujours sage, et indiscutablement moral, influence jusqu’à ses relations avec la hiérarchie mandchoue. Son profond anticonformisme lui fait trouver des stratégies originales et impensables pour les doctes érudits confucéens, embourbés dans des concepts dogmatiques et stériles, des querelles de cour, des hypothèses médiocres.
Je rajouterai que ses discours, son comportement, ses actes, les stratégies qu’il préconise sont toujours placés sous le signe de la bienveillance, mais une bienveillance qui n’est pas qu’apparence, car il s’y engage corps et biens, se dépouillant de tout, et y risquant sa propre existence.
Voilà pour moi Lee Jang-hyun, un homme qui regarde, qui voit, qui prend le temps d’observer, silencieux, qui contrôle ses émotions non pour lui, mais pour les autres, bon, anticonformiste, libre.

Tous les autres personnages prennent place autour ce ce pivot central, même si on suit également les péripéties terribles de la vie de Gil-chae, tout d’abord entrepreneuse et commerçante, mariée, puis emportée par la guerre, réduite en otage, vendue, qui doit renoncer à tout pour renaître en une femme forte et résiliente qui se tourne vers les autres, avec courage. Elle qui était si frivole, si peu raisonnable devient un pilier pour les siens et ceux qu’elle recueille. Désespérée après avoir cru perdre celui dont elle a découvert être éperdument éprise, elle traverse d’immenses obstacles, comme s’il fallait qu’elle soit éprouvée pour comprendre la vie et renoncer, elle aussi, aux dogmes et préceptes étroits de la société dans laquelle elle a grandi. Elle gagne en dignité dans ce difficile parcours, en abandonnant le décorum, la bien-pensance, ses peurs, ses croyances, pour ne plus croire qu’en l’amour.

Du sort des esclaves en Corée


On y traite également des esclaves. L’esclavage en Corée n’a été aboli qu’en 1930, dans une Corée dominée par les Japonais. C’est sans doute l’un des derniers pays à avoir aboli l’esclavage. La Corée est également le pays qui a compté le plus d’esclaves. À certaines époques c’est un tiers de la population qui est maintenu en esclavage. La condition des esclaves de Joseon est souvent évoquée, mais rarement détaillée. Dans ce drama, on peut comprendre à quel point les esclaves ne sont pas des citoyens. Ils n’ont pas de noms propres, c’est pourquoi Lee Jang-hyun doit choisir un nom lorsqu’il est anobli et qu’il choisit, par dérision, le nom de la famille royale. Leur destin est de souffrir et d’être invisibles. My Dearest raconte, là aussi par petites touches disséminées et furtives, ce que doivent affronter les esclaves, comme Ryang-eum, le premier du nom, amoureux de la sœur de Lee Jang-hyun. En butte à l’arbitraire et à la violence des maîtres, sans aucun recours, il sera assassiné par son maître pour cette « faute ». Les esclaves peuvent être achetés, vendus ou donnés, et le maître a droit de vie ou de mort sur son « bien ». Un esclave qui n’obéit pas, ou qui commet un larcin, peut être tué sans que son maître soit inquiété. On naît esclave, et les enfants des esclaves sont esclaves, même si un seul des deux parents est esclave. S’ils s’enfuient, ils sont pourchassés, afin de maintenir un ordre « confucéen » censé être parfait. Dans le cadre de My Dearest, on peut voir l’abandon dans lequel se retrouvent les Coréens réduits en esclavage.

Dans ce drama sont mis en scène les Coréens de Joseon, quel que soit leur statut social, mais également les barbares. Je ne m’étendrais pas sur les barbares, qui sont barbares, cela va sans dire, mais dont on se demande parfois si ils ne seraient pas moins barbares que les Coréens. Je plaisante à peine. Les mœurs de cours sont malgré tout assez semblables, et la cruauté du khan a des limites que n’a pas celle du roi Injo.
Quelques scènes de barbarie dans le trafic des esclaves font intervenir également des Coréens soucieux de bons échanges et d’un commerce fructueux avec l’ennemi.

On est souvent choqué, dans ce drama, par l’injustice faite au peuple, et aux pauvres, et surtout aux femmes, quel que soit leur niveau social. Les dramas coréens ne s’épargnent jamais le droit et le devoir de critiquer la société coréenne, de la montrer telle qu’elle a été, et telle qu’elle est, sa corruption, son injustice sociale, sa dureté, sa froideur. C’est le fond même des dramas et le ressort de tout scénario.
En l’occurrence, ce drama s’applique à dénoncer le sort réservé par le pouvoir aux prisonniers de guerre, et aux femmes captives. Les prisonniers sont jugés, honnis, voire martyrisés et torturés.
Quant aux femmes, que ce soit le cas ou pas, le seul fait d’avoir été captives fait d’elles des femmes souillées, qui n’ont même pas le statut de gisaeng (prostituées dans des maisons closes), mais sont déchues de toute dignité. Ce drama est l’occasion de dénoncer cette violence faite aux femmes. Par petites ou larges touches, la condition de la femme est évoquée sans fard, sans faux-semblant, dans une Corée largement patriarcale.
Y sont évoqués le travail des femmes, comme artisane, commerçante, ouvrière, mais aussi comme chef d’entreprise, la fortune et sa gestion, le célibat, la maternité, la chasteté forcé et implacable, les enfants abandonnés, affamés et errants, l’éducation, et bien d’autres thèmes.

L’amour et la passion d’un homme pour une femme


Et l’amour est un thème discret dont est tissé ce drama. L’amour et la passion d’un homme pour une femme. Une passion folle et irrationnelle, comme toutes les passions, née d’un tour de balançoire dans un temps de paix et de joie. C’est celui qui est bien sûr mis en avant, mais aussi l’amour filial, l’amour d’un fils pour son père roi, insensible, égoïste et furieux ; l’amitié indéfectible, celle d’un compagnon pour son vieil ami ; l’amour inconditionnel d’une jeune femme pour son mari, l’amour d’une princesse pour le sien. L’amour interdit d’un jeune homme pour celui qui l’a recueilli et le protège. L’amour destructeur de celle qui convoite l’objet de son désir, au risque de le détruire, et qui exprime ses sentiments par la violence et la jalousie. L’amitié extraordinaire de deux jeunes filles qui bravent tout l’une pour l’autre…

my dearest premiere rencontre entre lee jang hyun et yoo gil chae (1)

Que dire de la superbe scène des retrouvailles entre nos deux protagonistes ? Cet échange de regards dans le silence procure des émotions remarquables. Bien sûr, elles sont dues principalement au talent du magnifique Namgoong Min qui trouve dans ce drama un rôle à la mesure de son très grand talent. Malgré l’époque, les costumes, la distance historique, ce que partage ces deux amoureux est éternel. Et pour une fois, je suis tentée de croire que les hommes peuvent connaître, peut-être, ce sentiment profond qu’on appelle communément l’amour. C’est ce que ce bel et talentueux acteur parvient à faire. Il donne de la réalité aux sentiments et aux émotions de son personnages comme je l’ai rarement vu. Dans la retenue, sans démonstration excessive, avec finesse et délicatesse, il prononce ses dialogues de sa belle voix enveloppante et captivante, emplissant l’espace de la réalité des sentiments du jeune maître Lee, d’une voix pleine également de tension, de désir, de passion retenue. On est émus comme lui.

my dearest retrouvailles (1)
lee jang hyeon et yu gil chae amour passionnel (1)

Et je dois dire que la réalisation est parfaite, qui accompagne à la fois l’histoire, et la progression des sentiments, comme ceux du roi pour son fils, ceux de la jeune fille pour son père, ceux du jeune maître Lee pour sa bien-aimée. Les gros plans ne sont pas racoleurs, mais utiles à l’expression des sentiments et des émotions. Il n’y a pas une image laide, pas un costume inintéressant, pas un décor maladroit, pas un cadrage malvenu, pas une seule intervention de musique lourde ou incongrue. Le réalisateur impose sa vision, et dirige les acteurs avec brio.

 lee jang hyun et yoo gil chae amoureux

Me reste en tête la parfaite image, symbole de la désunion, de la rupture, de la séparation. Parfaite image que cette silhouette d’un homme meurtri et désespéré, à la proue d’un bateau, dans le jour qui finit, laissant tout ce qui importe, l’amour et l’amitié, derrière lui.

Entre amour et guerre : un refus de la soumission



Comme je l’ai dit plus haut, pour moi, le thème principal autour duquel s’articule le scénario n’est ni l’amour, ni la guerre, mais le refus de se conformer, d’obéir, de se soumettre. En un mot la liberté de penser, la liberté d’être. Dans un Joseon complètement dominé par une pensée unique et sclérosante, Lee Jang-hyun est totalement libéré. Le drama est parsemé de scènes qui permettent d’évaluer et de comprendre à quel point cet homme est libre, dans sa tête, dans son corps, dans ses désirs, et qu’il n’obéit à aucun conditionnement. Pour n’en donner qu’un exemple, me revient la scène où Gil-chae lui demande ce qu’il dirait si elle lui avouait avoir été souillée par les barbares. Contrairement à tous les autres hommes, y compris les meilleurs, il ne la juge pas, mais la plaint et la console.

my dearest tentative de baiser entre  lee jang hyun et yoo gil chae


Des qualités techniques et artistiques remarquables


Je voudrais en venir aux aspects techniques et artistiques qui ont retenu mon attention.
Notamment dans les éclairages, et les gammes de couleurs utilisées pour des séquences précises, définissant des ambiances propres aux lieux évoqués. J’ai apprécié la richesse des palettes étudiées et cohérentes, donnant du sens et une perspective à l’image et aux dialogues.
Pour donner un exemple, j’ai trouvé remarquable le traitement graphique de l’intérieur de la forteresse où s’est réfugié le roi et sa cour, encerclé par les mandchous qui en font le siège.
Il règne dans cette grande pièce une obscurité sépulcrale. On y sent le froid et l’angoisse, uniquement exprimés par l’éclairage latéral diffus et les couleurs sombres. Même le rouge de la robe royale est un rouge éteint et ombreux. À tel point que cette forteresse devient une métaphore de l’état du gouvernement royal, enfermé dans sa peur, comme la forteresse cernée de barbares. Coincé dans des raisonnements dictés par le dogmatisme néo-confucéen, personne ne sait que faire. C’est là qu’apparaît le miraculeux esprit libre, Lee Jang-hyun.
La cour des barbares est sombre également, mais chaleureuse et vivante. Les vêtements du Khan, jaune, brillants, le luxe des objets, des broderies, les tentes magnifiques, les fourrures, un éclairage souvent zénithal, des bougies, des lanternes, tout concourt à donner une impression plus vive, plus lumineuse de la cour mandchoue, bien que les scènes de torture, de sévices, de barbarie utilisent aussi un éclairage et des gammes de couleurs froides.
Peu de couleurs chatoyantes dans la boue des prisons, à part le vert chatoyant mais maculé de boue, et zébré d’usure de la jupe de Gil-chae, et le bleu du hanbok de Lee Jang-hyun se détachant sur la foule des bruns et des gris de la foule.

Quant à eux, le palais royal de Joseon, la salle du trône, les salles où se réunit le gouvernement, les chambres, bénéficient d’un éclairage réaliste d’un demi-jour voilé, une lumière assez froide, donnant une impression lugubre et ténébreuse, à l’image de la peur et de l’humeur du roi. L’utilisation fréquente de clair-obscur et d’effets de contre-jour dans les scènes de palais, de nature politique ou guerrière, contraste avec la vie simple, éclairée naturellement, pleine de fraîcheur, à l’extérieur du palais, dans les moments de paix.
La caméra, mobile, mais sans excès, des cadrages efficaces, beaucoup de gros plans dans les scènes de dialogues, ou pour saisir un regard pertinent. Mais ce que j’ai retenu, c’est le temps laissé au spectateur pour apprécier les silences et les regards.
Costumes et décors sont particulièrement soignés. J’ai apprécié les costumes des scènes de fuite dans la montagne, très réalistes. L’usure, la crasse, les salissures, le sang séché, l’ensemble crée un tableau réaliste et frappant.
Sur le plan de la scénographie, j’ai trouvé ce drama parfait. La mise en scène, les placements, des acteurs, de la caméra, le choix des couleurs, la lumière, les costumes travaillés, le travail des silhouettes, les éclairages… Florilège d’images magnifiques, travaillées, soutenues par une musique originale belle et appropriée. La bande originale supporte et renforce les intentions de la réalisation et du scénario avec grâce. J’ai remarqué que ce drama n’utilisait aucun des clichés, notamment sonores, que l’on retrouve d’habitude dans les dramas, comme le son du gayageum censé indiquer que nous entrons dans un gyobang, la maison close des gisaengs…

Un final poignant


Je voudrais finir mon long texte sur ce beau drama par les deux derniers épisodes. Il est d’usage que l’avant-dernier épisode d’un drama prépare le dernier, en accentuant catastrophes et problèmes. En général, tout dégénère à l’épisode 15 pour se résoudre au dernier épisode, en terminant l’antépénultième épisode par un « cliffhanger », un effet de suspens qui annonce le dernier épisode, censé résoudre et clore l’histoire.

Dans My Dearest, l’avant-dernier épisode est l’épisode de consolation et d’apaisement, comme l’amitié naissante avec le général mandchou, la réconciliation avec la jeune princesse chinoise, la mort de l’eunuque, avec la scène poignante de la mère mangeant son poulet, le retour vers Gil-chae, un moment de calme et de paix qui se termine par la joie et l’espoir, métaphoriquement représenté par un mariage.

lee jang hyeon seul face aux combattants (3)

Quant au dernier épisode, le plus étonnant pour moi, c’est la lenteur. C’est un épisode qui prend son temps, qui respire, qui explique, qui détaille, qui revient en arrière et repart en avant, de façon magnifique et sans à-coup. Tout prend place comme dans un puzzle complexe et tout trouve sa fin, même quand cette fin est un départ, une disparition, qui nous questionne, comme celle de Ryang-eum, qui n’attend pas le retour de celui qu’il aime. Les scènes se mêlent avec brio, et nous donnent à voir un panorama d’émotions. Ceux qui sont invisibles sont replongés dans l’ombre, comme les membres du gouvernement et le pouvoir. L’Histoire est dite, en quelque sorte, et répond aux indices semés dès le premier épisode.


Les perspectives de l’histoire sont redessinées à la lumière des informations qui se sont rassemblées pour former une image limpide et cohérente. Quant à la nouvelle rencontre des amants, j’ai aimé que cette fin soit prise en main par l’héroïne enfin transformée et assumant sa force féminine. Sa détermination sans faille à retrouver celui qu’elle aime, et son espoir d’y parvenir nous donne envie d’y croire. Celui qu’elle retrouve semble avoir perdu la mémoire, mais c’est bien différent, à mon avis. Il s’est réfugié dans ses beaux souvenirs pour fuir la rage du sang et de la guerre. Il se souvient des belles choses, et de celle qu’il aime, mais il a coupé les fils d’avec le présent. Comme ces pauvres guerriers souffrant d’un traumatisme, il vit dans un passé aimable et doux. Il lui faut du temps pour se reconnecter à la vie. Il lui faut des souvenirs heureux…

 lee jang hyun après le combat au coucher du soleil


C’était inattendu qu’on puisse montrer un homme souffrant d’un syndrome qu’on n’a mis en évidence qu’au XXe siècle.
On revient au bord de la mer où tout se passe, les rêves comme la réalité, à la balançoire et aux sons des fleurs.
Dans cette scène finale, il ne la rencontre pas comme un étranger, un amnésique, il la reconnaît. Elle renoue les fils de sa mémoire et de sa conscience, et sous cet angle, les larmes de Lee Jang-hyun sont réellement poignantes.
Les larmes d’un guerrier quand la guerre est finie…

 lee jang hyun yoo gil chae au coucher du soleil

Mon avis sur My Dearest en bref

9.8 out of 10

Un beau, un émouvant, un magnifique drama, qui commence en empruntant son histoire et ses personnages à « Autant En Emporte Le Vent », puis qui s’en éloigne pour raconter une histoire profondément coréenne sur l’invasion des Qing en 1636.
Beaucoup de sujets sont traités, comme la diplomatie, la guerre, le leadership, mais aussi la condition des femmes pendant les guerres, et c’est très émouvant.
Avec un héros magnifique, silencieux, laconique, mystérieux, dont les regards disent plus que les lignes de dialogue.
Un drama d’une beauté époustouflante. Un grand plaisir esthétique.

Fiche technique :

Réalisateur : Kim Sung Yong
Acteurs : Namkoong Min, Ahn Eun Jin, Lee Chung Ah
Pays et Date de production : Corée – 2023
Catégorie : Drame • Historique • Romance • Armée et Guerre
21 épisodes entre 60 et 90 min

Réalisation
10 out of 10
Prestation des acteurs
10 out of 10
Intrigue et intérêt de l'histoire
10 out of 10
Narration
10 out of 10
Décors et costumes
10 out of 10
Musique
9 out of 10
Traitement des thématiques
9 out of 10
Envie de le revoir
10 out of 10
Marie-Anne Bonneterre
Les derniers articles par Marie-Anne Bonneterre (tout voir)

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

     

    1. Accueil
    2. /
    3. GUIDE CULTUREL : littérature, cinéma, musique et arts
    4. /
    5. TV – Séries télévisées et Web Séries
    6. /
    7. Séries historiques
    8. /
    9. My Dearest (Ma très chère) : régal absolu, une tragédie historique entre guerre et amour passionnel