Le poulet frit n’a pas pu vous échapper si vous êtes amateur de dramas coréens, car il est difficile de ne pas en croiser à un moment ou un autre. Ce plat est très populaire et est associé aux bars à bière, aux soupers rapides et faciles entre amis ou collègues, surtout en extérieur, ou encore aux compétitions sportives auxquelles on assiste en mangeant des boîtes de poulet frit. Mais comment le poulet frit est devenu l’un des plats coréens représentatifs?
Le chimaek est devenu en 50 ans LE plat incontournable des pique-niques alcoolisés sur les rives du fleuve Han mais aussi sur les bancs des parcs ou même devant les convenience-stores. Savez-vous même qu’il est si apprécié que les autorités coréennes ont réfléchi à bannir le chimaek et la consommation d’alcool des lieux publics à Seoul. Pourtant, même en famille, il est très apprécié par petits et grands.
Après le souper chez ma belle-mère, avec du ragoût de buglgoi, du kimchi, du riz et des banchans, la famille Ours a décidé de faire du chimaek. Chimaek est l’abréviation des deux mots coréens, « chicken », qui désigne du poulet frit en coréen, et « maekju (bière) ».
Le poulet frit, l’un des plats coréens les plus populaires dans les soupers et les bars à bière
II arrive aux Coréens d’aller faire un deuxième tour après un souper dans des bars à bière qui font également des poulets frits. Ces établissements ont l’avantage d’être ouvert tard dans la nuit. En fait, les Coréens ne sont pas très apéritifs. Au lieu de quoi, ils préfèrent faire un deuxième tour dans ce genre de bars À bière pour prolonger leur soirée avec de l’alcool léger et des petits mets. De temps en temps, Papa Ours amène le reste du poulet frit qu’il a partagé avec ses copains lors d’un deuxième tour. Bien sûr, il y a aussi des Coréens qui soupent directement dans ces bars à bière. Quand je travaillais au ministère, on y allait de temps en temps lorsqu’on finissait tard la nuit ou comme 2e tour après un souper collectif.
Donc, pour nous, il n’est pas surprenant de commander du poulet frit pour accompagner la bière. Ma belle-mère avait l’air contente de notre décision. En plus, on avait soupé relativement tôt, à 18h, ce qui fait que les oursons ont commencé à avoir un petit creux. Ainsi on a commandé un poulet frit, moitié sans sauce, moitié avec de la sauce légèrement piquante.
Les petits ont surpris de nouveau mamie Ours. On aurait dit qu’ils n’avaient pas soupé ! Les drôles ont mangé chacun trois gros morceaux de poulet. Mamie Ours a beaucoup apprécié, elle aussi.
Mais comment le « chicken » est-il arrivé à être présenté comme un plat coréen ? Et pourquoi manger du chicken avec de la bière est devenu tellement à la mode qu’un nouveau mot, chimaek, est né ? Voici la petite histoire du chimaek.
Petite histoire du chimaek : le poulet frit en Corée
Autrefois, des plats frits ou sautés dans l’huile, comme des galettes, par exemple, étaient considérés comme des mets des riches. Parce qu’il était très difficile d’obtenir de l’huile à partir de sésame. Si seulement nous avions eu des olives, ça aurait été moins dur. En plus, comme on mangeait peu de viande rouge, il était difficile d’utiliser du lard ou la graisse du bœuf comme remplaçant de l’huile. A l’époque de Joseon, il était interdit de tuer du bœuf pour obtenir la viande. Seule celle du bœuf mort naturellement était autorisée à la vente. Quant au porc, l’espèce locale n’avait pas beaucoup de chair et grandissait trop lentement. Donc, l’élevage du porc était peu répandu.
Ce n’est qu’à partir des années 1970 que la production industrielle d’huile comestible fut entamée en Corée, ce qui contribua grandement baisser son prix. A peu près à la même époque, l’élevage massif de poulets débuta. Afin de promouvoir le développement rural et d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, le gouvernement fit importer des espèces de volailles, de porcs, de vaches à lait et de bœufs plus facile à élever et qui donnent beaucoup de viande. En même temps, les autorités promouvaient la consommation de la farine de blé, moins chère que le riz, car importés des Etats-Unis à bon marché. Toutes les conditions furent réunies pour permettre aux restaurateurs de proposer des poulets frits à des prix abordables.
L’apparition de la première franchise de poulet frit en Cirée
Ainsi, en 1977, la première franchise de poulet frit vit le jour. Dans les années 1980, grâce à l’augmentation des revenus des Coréens et l’investissement massif des grandes entreprises, le marché de la bière grimpa et beaucoup de bars à bière pression furent ouverts. Le poulet frit était, pour eux, un plat d’accompagnement plus rentable que les plats à base de viande rouge dont le prix était plus cher. Dans ce contexte, l’enseigne américaine, Kentuchy Fired Chicken débarqua en Corée en 1984.
Face à ce redoutable concurrent, une franchise locale, Mexicana Chicken, mit au point ce fameux poulet frit enrobé d’une sauce très coréenne, mélange de gochujang, de sauce soja, d’ail et de sirop de glucose. Ce nouveau plat eut un tel succès que d’autres franchises le proposèrent à l’envi. Depuis différentes enseigne ne cessèrent de développer de nouvelles sauces. Parmi celles qui sont devenues les plus populaires, se trouvent la sauce à base de sauce soja et celle à base d’ail.
L’autre élément qui le rendit plus compétitif face à la chaîne américaine, c’est que les restaurants de poulets locaux proposaient aussi la livraison à domicile. Aujourd’hui, avec des applications qui proposent ce service, on peut commander à tous les types de restaurants. Mais à l’époque, il n’y avait que des restos chinois, des restos de poulets frits locaux et des restos de pizzas qui le proposaient.
Enfin, ces restos coréens fonctionnent comme des bars à bière. Ils proposent eux aussi de la bière et restent ouverts tard la nuit, ce qui n’est pas le cas de KFC.
Le chimaek popularisé par la Coupe du monde de 2002
Ainsi, le poulet frit parvint à être considéré comme un plat coréen avec ses multiples variations inspirées par des sauces traditionnelles. En même temps, ce dernier et la bière devinrent de plus en plus indissociables au fil du temps dans la tête de beaucoup de Coréens. Mais il faudra attendre jusqu’au début des années 2010 que le mot « chimaek » fasse sa première apparition.
La coupe du monde 2002 renforça encore davantage l’association entre le poulet frit et la bière. Car à l’époque, il était très à la mode de regarder les matchs avec ses copains dans des bars à bière. Même quand on les regardait en plein air dans sur des grandes places publiques, beaucoup optaient pour ce tandem.
Comme c’était facile à apporter, de plus en plus de gens choisissaient ce plat et cette boisson pour les maths d’autres sports, notamment le baseball, et pour les pique-niques, notamment au bord du fleuve. Aujourd’hui, dans 12 parcs du fleuve Han, vous pouvez trouver des supérettes qui proposent différentes bières et des restos de poulets frits. A essayer, s’il fait beau.
Et la série, « My Love from the Star », diffusée en 2013, généralisa le terme chimaek, car l’héroïne du drama en mange souvent. Comme elle a également eu un grand succès en Asie, ce plat devint également très populaire dans la région.
Non seulement dans cette série, mais aussi dans d’autres, on peut souvent voir les personnages prendre du chimaek. Et voilà, aujourd’hui, le poulet frit coréen est devenu l’un des plats les plus représentatifs du pays !
