La Croatie dans l’Union européenne, c’est être officiel dès Juillet 2013. La Croatie est donc devenue le 28ème membre à intégrer l’UE et désormais le 27ème pays depuis le Brexit. Retour sur l’histoire d’une adhésion qui n’était pas gagnée d’avance, au vu de l’histoire compliquée de ce jeune pays, indépendant depuis 1991.
La relation Croatie Union Européenne n’avait rien d’évident. Cela fait presque dix ans que le processus était en cours, et pourtant, l’Union Européenne va s’agrandir dans la plus grande indifférence (ou ignorance) des médias. « Je me réjouis puisque dorénavant, l’Europe deviendra ma maison ! » (dixit le Président du pays).
Ce mardi 15 janvier 2013, comme première discussion de l’année en séance publique, le Sénat français examine en première lecture le projet de loi de ratification du traité d’adhésion Croatie Union européenne pour que la Croatie devienne le vingt-huitième membre de l’Union Européenne. L’indépendance de la Croatie à la suite de la guerre entre la Croatie et la Serbie entre 1991 et 1995 avait été reconnue par la même Union Européenne il y a tout juste vingt et un ans, le 15 janvier 1992.
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A partir du 1er Janvier 2023, la Crotie intègre la zone euro et l’Espace Schengen.
Croatie dans l’Union Européenne, une histoire intriquée
Ce pays, c’est la Croatie. Il revient de loin. C’est un petit pays à grande majorité catholique qui, dans son histoire doublement millénaire, a touché à toutes les influences, à toutes les cultures, a été au croisement de l’Est et de l’Ouest, faisant partie de l’Empire romain, de l’Empire byzantin, de cités autonomes sur l’Adriatique (Venise, Zadar, Sibenik, Raguse etc.), de l’Empire d’Autriche-Hongrie, de l’Empire ottoman, de l’Italie et enfin, de la Yougoslavie, ces pays slaves du Sud dont la cohésion n’avait tenu que par la seule poigne du maréchal croate Tito.
Il revient de loin car entre 1991 et 1995, ce pays était dans une guerre terrible, face aux Serbes qui voulaient maintenir la domination yougoslave, et face aux Bosniaques également qu’il voulait éliminer. La très touristique Dubrovnik était sous les bombes serbes en hiver 1991-1992. Imaginez Monaco ou encore Fréjus sous les bombes il y a seulement une vingtaine d’années !
Les Croates ont eu un passé parfois très peu glorieux, tant pendant la Seconde guerre mondiale que lors de cette très récente guerre des Balkans où des officiers croates (assez populaires encore comme Ante Gotovina) ont été jugés par le TPIY pour crimes contre l’humanité.
L’origine de cette guerre n’est pas très difficile à comprendre : le 25 juin 1991, la Croatie a proclamé son indépendance, profitant de la chute du Mur de Berlin et de la Réunification allemande (ainsi que de l’effondrement de l’Union Soviétique qui disparut définitivement le 25 décembre 1991 après un soubresaut putschiste en août 1991). Le 15 janvier 1992, sur la pression du gouvernement allemand et avec quelques réticences du gouvernement français, l’Union Européenne a reconnu cette indépendance, ainsi que celle de la Slovénie, autre État de l’ex-Yougoslavie, qui, elle, a adhéré dès le 1er mai 2004, avec les principaux pays de l’Europe centrale et orientale.
Une géographie pas moins complexe
La Croatie est un drôle de petit pays, dont la population atteint à peine celle de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et dont la superficie est juste un quart plus grande que celle des deux régions françaises du littoral méditerranéen, la PACA et le Languedoc-Roussillon.
Sa forme est un peu bizarre, comme le Chili en Amérique du Sud, une côte étriquée (la Dalmatie) donnant sur l’Adriatique et un millier de petites îles, région très touristique considérée comme le corps d’une gargouille dont l’Istrie, au nord, serait la tête, et dont la Slavonie, au nord-est, où se trouve la capitale, Zagreb, ville plus d’Europe centrale que du Sud, serait les ailes. Sa particularité est donc d’avoir presque six mille kilomètres de côtes.
Nationalisme croate des années 1990 : une page tournée
Économiquement, dès les années 2000, le pays s’est engagé dans la voie de la modernité avec la libéralisation de son économie. La Croatie s’est associée à l’Union Européenne le 29 octobre 2001.
La préparation de son entrée dans l’Union Européenne a encouragé également l’environnement (un aspect très négatif au début des négociations). Les quelques autoroutes du pays sont nettement plus sécurisées que dans des pays comme la France, notamment dans les tunnels, et des « ponts verts » ont été aménagés pour permettre aux animaux sauvages de traverser les routes (ours, loups etc.).
Le choix de l’Europe par défaut?
Concrètement, le gouvernement croate a fait officiellement son dépôt de candidature d’adhésion à l’Union Européenne le 21 février 2003. Celle-ci l’a reconnue dans son statut d’État candidat le 18 juin 2004. Le report du démarrage des négociations provenait de l’obligation de coopérer pleinement avec le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, ce qui a eu pour conséquence l’arrestation du général croate Ante Gotovina le 7 décembre 2005.
Le général Gotovina, qui a aussi la nationalité française (passeport français obtenu le 11 avril 2001 à l’ambassade de France à Zagreb, quelques jours avant son inculpation le 8 juin 2001), a été condamné le 15 avril 2011 à vingt-quatre ans de prison ferme par le TPIY (le procès a commencé le 11 mars 2008 à La Haye) mais a été acquitté (et libéré) en appel le 16 novembre 2012 avec le général Markac (un acquittement qui a choqué l’ancienne présidente du TPIY mais réjouit l’opinion publique croate).
Croatie et l’Union européenne : négociations longues et très difficiles
Les négociations Croatie Union europeenne se sont déroulées du 3 octobre 2005 au 30 juin 2011. Elles ont porté essentiellement sur l’environnement, la libre circulation des marchandises et des travailleurs, le droit à la concurrence, les services financiers, la sécurité alimentaire, la fiscalité, la politique sociale et l’emploi, la justice, les libertés et les droits fondamentaux.
Pendant ce processus de négociations, la Croatie a également adhéré officiellement à l’OTAN le 1er avril 2009.
Les négociations ont été interrompues du 23 avril 2009 au 11 septembre 2009 à cause d’un différend frontalier avec la Slovénie sur la baie de Piran (zone maritime entourée des côtes italienne, croate et slovène, au nord de l’Istrie et au sud de Trieste). C’est d’ailleurs la médiation de la France qui a permis de débloquer les négociations en séparant ce problème des discussions pour l’adhésion. Un accord frontalier a finalement été trouvé, et approuvé le 6 juin 2010 par référendum en Slovénie après avoir été ratifié par le parlement croate.
Il existe un autre différend entre la Slovénie et la Croatie. Il a pour origine la faillite en 1991 de la Ljubljanska Banka, la banque yougoslave basée en Slovénie qui disposait d’avoirs notamment croates et bosniaques. La Slovénie avait refusé de reprendre à son compte les créances de cette banque ruinant près de trois cent mille épargnants (pour moitié croates).
La Croatie a cependant remboursé la moitié des dettes (soit 272 millions d’euros) mais par la suite, deux banques croates, Privredna Banka et Zagrebcaka Banka, ont déposé plainte contre la Nova Ljubljanska Banka (slovène) pour obtenir le remboursement des sommes déjà versées par la Croatie. La Slovénie refuse évidemment de rembourser (considérant qu’il y a eu faillite), ce qui a pour conséquence que la Croatie a fermé son marché aux banques slovènes. Or, l’Union Européenne signifie la libre circulation des capitaux en son sein. La Slovénie aurait donc pu menacer de mettre son veto à l’adhésion comme moyen de rétorsion.
Croatie dans l’Europe Unie: Le feu vert européen
Après l’avis favorable donné le 12 octobre 2011 par la Commission Européenne, le Parlement Européen a approuvé le 1er décembre 2011 l’adhésion croate avec 564 voix pour, 38 contre et 32 abstentions. Le 9 décembre 2011, les vingt-sept États de l’Union Européenne ont signé le Traité d’adhésion de la Croatie. Hasard des parapheurs, la signature de la France, représentée par le ministre Jean Leonetti, s’est retrouvée juste avant celle de la Croatie.
Le Traité d’adhésion Croatie Union Europeenne a été rédigé en vingt-quatre langues, soit une de plus (le croate) que les traités précédents. Son article 19 prévoit l’octroi à la Croatie de 12 députés européens et d’un commissaire européen jusqu’aux élections européennes de juin 2014. L’intégration de la Croatie dans la zone euro n’est pas encore pour demain (elle sera officielle le 1er Janvier 2023) : « Pour que la Croatie puisse adopter l’euro, il reviendra au Conseil de décider si elle remplit les conditions nécessaires, sur la base de quatre critères permettant d’analyser si un degré élevé de convergence durable a été réalisé (…) ».
Référendum en Croatie
La finalisation du processus est ensuite habituelle : la ratification de l’adhésion par référendum par les citoyens de l’État entrant, puis, la ratification du Traité d’adhésion par chacun des membres selon leurs procédures nationales.
Le 9 mars 2012, à l’unanimité des 136 voix, les députés croates ont voté la ratification qui a été promulguée le 28 mars 2012 par Ivo Josipovic, le Président de la République de Croatie élu avec 60,3% des voix au second tour le 10 janvier 2010 (il y a trois ans). Ivo Josipovic avait déclaré le 22 janvier 2012 : « Je me réjouis puisque dorénavant, l’Europe deviendra ma maison ! ».
L’enthousiasme européen des Croates est très visible extérieurement : les institutions croates arborent systématiquement un drapeau européen à côté du drapeau croate. Beaucoup d’automobilistes croates ont déjà posé des plaques d’immatriculation normalisées selon l’UE.
La longue ratification du Traité d’adhésion Croatie Union Européenne
À ce jour (15 janvier 2013), vingt pays (y compris la Croatie) sur les vingt-huit ont terminé leurs procédures nationales de ratification : l’Autriche (le 9 juillet 2012), la Bulgarie (le 28 février 2012), Chypre (le 11 juin 2012), l’Espagne (le 30 octobre 2012), l’Estonie (le 18 septembre 2012), la Grèce (le 30 octobre 2012), la Hongrie (le 14 février 2012), l’Irlande (le 3 juillet 2012), l’Italie (le 29 février 2012), la Lettonie (le 2 avril 2012), la Lituanie (le 8 mai 2012), le Luxembourg (29 novembre 2012), Malte (le 5 mars 2012), la Pologne (le 16 octobre 2012), le Portugal (le 14 novembre 2012), la République tchèque (le 26 juin 2012), la Roumanie (le 2 juillet 2012), la Slovaquie (le 17 février 2012) et la Suède (le 7 novembre 2012).
Deux pays sont en phase d’achèvement du processus : les parlementaires de Finlande ont approuvé l’adhésion le 18 décembre 2012 et la Chambre des communes du Royaume-Uni l’a ratifiée le 27 novembre 2012.
Enfin, six pays n’ont pas encore atteint la première étape de leurs procédures, à savoir la Slovénie, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la France. L’Allemagne a probablement souhaité, pour des raisons historiques, se prononcer parmi les derniers pour ne pas mettre de pression sur les autres membres. La Slovénie est sans doute l’État le moins enclin à souhaiter cette adhésion.
La France retardataire
Le retard de la France peut se comprendre en raison de l’année 2012 marquée par l’élection présidentielle et les élections législatives qui ont fait suspendre les travaux du Parlement de février à juillet 2012 et la nouvelle majorité a préféré commencer par appliquer son programme plutôt que de s’occuper de cette ratification (celle du TSCG étant plus urgente d’un point de vue financier).
C’est le Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius qui a déposé, au nom du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le « projet de loi autorisant la ratification du Traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union Européenne » (texte n°225) le 13 décembre 2012 sur le bureau de Jean-Pierre Bel, le Président du Sénat, avec l’engagement de la procédure d’urgence. Le rapport du projet de loi rédigé par le sénateur Jean-Louis Carrère a été déposé le 18 décembre 2012. L’examen du projet de loi en première lecture a donc lieu ce mardi 15 janvier 2013 au Sénat.
Le texte de l’article unique est assez simple : « Est autorisée la ratification du Traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union Européenne (ensemble neuf annexes et un protocole), signé à Bruxelles le 9 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi. ». L’exposé des motifs donne une idée de la complexité du fonctionnement des institutions européennes dans de très nombreux domaines. Les annexes du Traité d’adhésion (170 pages sur les 272 au total, dont 62 pages correspondant aux mesures transitoires) donnent également une idée de l’ensemble des engagements que la Croatie vient de prendre, en reprenant à son compte toutes les solidarités communautaires depuis le Traité de Rome du 25 mars 1957 et en particulier le Traité de Maastricht.
Nouveau pays à intégrer l’union européenne : HR
Si les six pays retardataires finalisent leur ratification durant le premier semestre de cette année 2013, la Croatie sera officiellement le 28e État membre de l’Union Européenne le 1er juillet 2013 et le 27ème deuis le Brexit.
Le PIB par habitant de la Croatie correspond actuellement à environ 60% de la moyenne européenne. L’adhésion de la Croatie va permettre au pays de recevoir 450 millions d’euros de fonds européens de développement, soit 1% de son PIB.
Cette date, après les 1er mai 2004 et 1er janvier 2007, aura donc la même valeur historique, celle de la réunification politique de l’Europe après son morcellement par le Rideau de Fer. Les négociations ont été les plus difficiles de toutes les négociations des adhésions antérieures mais elles seront le modèle des négociations à venir. Cette date ouvrira la voie à d’autres adhésions sur le continent européen qui seront certainement encore plus difficiles à négocier en raison du contexte économique actuel.
Vers une intégration des Balkans dans l’Europe? Les prochains candidats…
À ce jour, il y a dans la file d’attente huit pays candidats ou candidats potentiels à l’adhésion : l’ancienne République yougoslave de Macédoine [les Grecs refusent son appellation « Macédoine »] (candidate depuis le 16 décembre 2005), la Turquie (associée à l’UE en 1963, dossier de candidature déposé en 1987, candidate depuis 1999, début des négociations le 3 octobre 2005, comme la Croatie), l’Islande (début des négociations le 26 juillet 2010), le Monténégro (indépendance reconnue par l’UE le 12 juin 2006, candidat depuis le 17 décembre 2010, démarrage des négociations le 29 juin 2012), la Serbie (associée à l’UE en janvier 2011, candidate depuis le 2 mars 2012), l’Albanie (« candidate potentielle » depuis juin 2003, associée à l’UE le 12 juin 2006), la Bosnie-Herzégovine (« candidate potentielle » depuis juin 2003, associée à l’UE le 16 juin 2008), et le Kosovo (indépendance proclamée le 17 février 2008, pas encore déclaré « candidat potentiel »).
Pour le moment, il n’en est pas question pour l’Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie, et les procédures de d’adhésion de la Norvège et de la Suisse ont échoué.
[Sources : Europa.eu, Sénat.fr et Touteleurope.eu]
(Dans les illustrations, les différentes teintes vertes correspondent à l’état d’avancement respectivement de la ratification de l’adhésion de la Croatie dans les différents pays européens et du niveau électoral du oui lors du référendum du 22 janvier 2012 dans les différentes régions de la Croatie).