Trop de touristes limitent la découverte du parc de Krka aux chutes circulaires de Skradinski buk et éventuellement aux chutes de Roski Slap. Rarement ils ont la curiosité de visiter l’un des trésors culturels et religieux : le monastère Krka.
Le monastère de Krka fait partie de l’aire culturelle et historique du parc national de Krka, qui ne se limite pas au sentier de Lozovac autour de chutes circulaires de Skradinski buk, contrairement à ce que croient certains touristes.
Sur la route des églises et monastères serbes de la région de Krajina se trouve l’un des plus beaux édifices orthodoxes dalmates : le monastère de Krka. Niché près d’un des bras de la rivière Krka, dans un environnement verdoyant et apaisant, ce lieu est une invitation au recueillement et à l’exploration de quelques pages d’histoires de la Dalmatie et de la longue cohabitation entre Croates catholiques et Serbes orthodoxes.
Que vous soyez croyant ou non, concevez cette étape comme une découverte culturelle. Les moines du manastir Krka sont très accueillants et produisent un vin que j’ai beaucoup apprécié, donc si vous aimez ramener des souvenirs culinaires et viticoles dans vos bagages, ce sera l’occasion.
Monastère de Krka en l’honneur de l’archange saint Michel
Ce monastère serbe orthodoxe rappelle la longue présence serbe en Dalmatie notamment en Krajina.. Ne confondez pas le monastère de Krka avec le monastère catholique de Visovac, qui donne lieu à l’une des cartes postales les plus belles du parc national de Krka … Si on peut admirer Visovac facilement après une courte randonnée d’environ 1,5 km depuis les chutes de Roski Slap jusqu’au belvédère de Rogovo ou depuis l’un des points de vue panoramiques aménagés et accessibles en voiture, il faut s’enfoncer dans les terres pour rejoindre le Manastir Krka.
Car Krka, ce sont aussi des lieux de résistance, une ligne de démarcation naturelle, matérialisée par une série de 10 forteresses médiévales dont il reste des vestiges sur les massifs karstiques. C’est un espace de cohabitation et d’influences religieuses et historiques, où se sont affrontés Catholiques, Orthodoxes, Musulmans à travers les empires ottoman, austro-hongrois et la république de Venise pendant des siècles.
A l’instar du monastère franciscain de Notre-Dame de la Miséricorde mieux connu sous le nom de monastère de Visovac, fondé en 1445 sur son îlot éponyme au coeur de rive haute, où Saint Paul aurait prêché le christianisme, le Monastère Krka dédié à l’archange Saint Michel (Sv.Arhandjela Mihajla) témoigne de la complexité de l’histoire régionale… Il fut aussi victime des nombreuses tentatives d’invasions auxquelles les moines ont du s’opposer… avec plus ou moins de réussite… Il a été construit sur les catacombes et des vestiges datant de l’époque romaine. Les premières mentions renvoient à la dotation faite à la princesse serbe Jelena Šubić, soeur de l’empereur Dusan, mariée au prince croate Mladen II Šubić.
Contrairement à certaines affirmations, le monastère Krka n’a pas été un ancien lieu de culte catholique converti en site orthodoxe, comme le suggérerait à première vue le clocher marqué par une pyramide finale acérée et une balustrade baroque sur la loggia. S’il est très ressemblant au style typique des églises dalmates et istriennes, durant la période et l’ère d’influence de la république de Venise, il a été construit aux alentours de 1790 conformément à une réglementation religieuse concernant la construction des clochers dans la région. Celle-ci perdura entre 1815 et 1918, lors du passage sous la domination de l’empire d’Autriche des Habsbourg et imposa que les clochers des églises, quelle que soit leur confession, aient tous cette apparence à la typicité caractéristique que l’on retrouve par exemple à l’église Saint-Élie de Zadar. Ce clocher serait l’oeuvre du tailleur de pierre Sava Papić de Mostar.
Une icône précieuse de la Vierge à l’Enfant et une bibliothèque de livres rares
Rattaché à l’éparchie orthodoxe de Dalmatie, le monastère de l’archange Michel daté du XVème siècle, est lové dans la zone la plus fertile de la rivière Krka, à proximité du canyon et des vignes. Entouré de prés où paissent les moutons et se reposent les chevaux et les ânes, ce centre spirituel majeur pour l’orthodoxie en Croatie semble si paisible malgré les affres nombreux de l’histoire qui ont entraîné sa destruction à plusieurs reprises au cours des siècles. On parcourt le petit musée avec quelques copies d’ouvrages rarissimes que recèle la bibliothèque. Pénétrez dans l’église et la chapelle pour admirer au moins l’icone du saint protecteur Michel et l’icone de la Vierge à l’enfant, qui est l’une des oeuvres notables.
Outre les convoitises et les menaces turques, le monastère de Krka n’a pas échappé aux affres naturels et a subi des dégradations lors d’un tremblement de terre qui aboutit à son abandon entre 1647 et 1650. C’est l’un des derniers événements marquants du bâtiment jusqu’au XXème siècle. Il ne fut pas davantage épargné par la guerre d’indépendance de Croatie, guerre civile opposant Croates et Serbes entre 1991 et 1995.
Le monastère connut plusieurs tentatives de pillages, même si les autorités croates tentèrent de le protéger de ce vandalisme, alors que la Krajina était l’une des régions connaissant de sévères combats. Suite à l’abandon entre 1995 et 1998, il fut à nouveau occupé par un jeune moine Gerasim, qui décida de s’établir à la fin de l’année 1998 dans un édifice désert et fort délabré et attira alors d’autres moines comme le père Dositej et le père Mihailo pour établir une nouvelle présence orthodoxe sur ces terres et raviver la ferveur de l’un des principaux centres spirituels orthodoxes dalmates. Depuis 2001, le monastère a été restauré et affiche sa plus belle façade.
Comment aller jusqu’au monastère de Krka?
Le monastère de Krka est situé à environ 30 km de la zone de Lozovac – Skradin autour de laquelle se concentrent l’essentiel des touristes venus admirer les chutes circulaires pour s’y baigner. La visite est envisageable en itinérant si vous vous y rendez en voiture ou éventuellement un scooter.
Empruntez la route 59 vers Kistanje, un village à l’intérieur des terres, à proximité du site archéologique, du musée antique et de l’ancien camp militaire romain de Burnum, mais aussi de la source de la Miljacka, un des affluents de la rivière, donnant naissance à une cascade plus confidentielle que Skradinski buk ou les chutes de Manojlovac, hautes de 59 mètres et accessibles depuis l’entrée de Puljane. Suivez les panneaux de couleur marron : Manastir Krka. L’accès au monastère est gratuit si vous disposez d’un billet « tous les sites » (27€ en été, 16€ en moyenne saison). Sinon, il vous en coûtera 40 HRK par adulte et 30 HRK en avril, mai, et en octobre.
Si toutefois vous souhaitez découvrir cette partie de la rivière depuis la zone de Roski Slap jusqu’au monastère Krka par la voie fluviale, vous pouvez opter pour la balade optionnelle en bateau proposée au tarif de 16€/ personne. Elle n’est disponible qu’entre le mois de mai et le mois de septembre. Le départ s’effectue depuis l’embarcadère à proximité des moulins à eau. Les bateaux internes au parc vous amèneront jusqu’à l’église, en offrant de belles vues sur le canyon.
Bien sûr, la promenade engendre un surcoût, mais vous ne le regretterez pas. Pendant 2h30, vous pourrez avoir un autre aperçu des paysages de la Krka. Une autre balade vous permet de rejoindre Roski Slap depuis Lozovac, en 3h30, avec un arrêt de 1h pour apprécier les chutes