Découvrir le Mekong en cyclotourisme. Deux mois de voyage aventures autour du Mekong à vélo à la découverte du Laos, de la Thaïlande et du Cambodge…
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Comment préparer un projet de cyclotourisme de 2 mois autour du Mekong?
Un projet de cyclotourisme comme celui que nous envisageons autour du Mekong, Christian et moi, de l’ordre de 4 à 5000 km en un peu plus de deux mois en Thaïlande, Laos et Cambodge, commence à se vivre bien avant d’être partis. Des images déjà plein la tête nous réfléchissons à l’itinéraire. Mais le chemin suivi a-t-il vraiment une importance quant à son détail? Le voyage ne se construit-il pas au fur et à mesure des sensations ressenties, des rencontres faites, et des intuitions sur le terrain?
Ce que je sais de façon presque certaine, c’est que la route passera par les montagnes du nord Thaïlande et nord Laos. Le voyage à vélo, outre bien entendu le fait, comme les autres formes de voyages, de se plonger dans des cultures autres, consiste plus précisément en de longues étapes sur la route, tourné vers soi-même dans l’accomplissement d’un effort de longue durée. Peut-être ce mode de déplacement simple et peu onéreux permet-il d’avoir une meilleure communion avec l’espace et donc communication avec les autochtones? Ce n’est pas sûr. Il faut savoir garder son humilité et bien réaliser que pour les habitants de pays très pauvres, nous restons des touristes, certes à vélo, mais des touristes. Eux qui bien souvent ne rêvent que de limiter les efforts qui les épuisent à essayer de se procurer la nourriture qui leur permet de survivre. Quelle idée peuvent-ils se faire de ces occidentaux repus qui pour combler leur grand vide, ne trouvent rien de mieux que de se lancer dans de durs efforts physiques?
Vers le 15 novembre, nous avons pris nos billets d’avions. C’est un grand pas psychologiquement, bien que nous n’ayons pas encore fait le premier centimètre de notre périple. Je suis satisfait, en effet un changement avec peu d’attente aussi bien à l’aller qu’au retour; départ donc le 10 janvier et retour le 17 mars. Cela représente un peu plus de 60 jours sur nos vélos, ce qui fait peu et beaucoup.
Je suis depuis pas mal de temps un couple de cyclistes lancés dans la traversée de l’Amérique du Sud. Leur dernière narration sur leur blog consiste en la traversée du sud Lipez. Magnifique tout simplement. Hier je suis allé à l’ISBA Santé Prévention. Un médecin très compétent durant 45 minutes m’a expliqué les différents risques dans les différentes zones que nous comptons traverser. Effectivement les risques sont d’autant plus élevés que nous allons séjourner généralement en dehors des villes dans les campagnes, là où se développent les foyers de paludisme, de dengue et de l’encéphalite japonaise. Concernant le paludisme et l’encéphalite la question se pose, concernant le premier de se mettre sous malarone tout au long du voyage ou non, et pour le second de se faire vacciner, que faire? Nous ne serons pas dans ces pays à la saison des pluies, donc le risque est moindre, mais jamais nul. Mon camarade Eric qui traîne dans ces coins depuis de nombreux mois, me rassure en me disant qu’un bon répulsif est tout à fait suffisant. Ce qui est aussi le cas d’Evelyne et Jean qui l’année dernière sont restés trois mois dans cette région.
En définitive, je m’oriente vers une vaccination contre l’encéphalite japonaise et une dose de sécurité en malarone en cas de suspicion de contamination. Il est préférable d’être prudent sans être alarmiste. Comme on me l’a appris: pessimiste dans la conception et optimiste dans la réalisation.
Je viens d’avoir un contact intéressant, qui m’a relaté son voyage à travers les pistes du Laos du nord loin des routes les plus courues. Son récit m’a beaucoup plu et me donne vraiment envie d’aller me perdre sur les plateaux parmi les ethnies. Ce coin de la planète est une destination assez courante pour les cyclotouristes. En particulier la route Luang Prabang Vientiane représente souvent pour ceux qui l’ont parcourue un passage d’anthologie. Mais les pistes perdues semblent moins pratiquées. Si l’on s’ inscrit dans un voyage programmé avec points de passage obligatoires dans un temps contraint, alors nécessairement on a tendance à rejoindre les routes les plus roulantes, donc les plus passantes pour abattre des kilomètres, afin de coller au programme. Mais bien souvent ces points de passage sont les grands « spots » touristiques qui ponctuent les pays de loin en loin. Ne faut-il pas justement échapper à cette normalisation du voyage à l’occidentale et aller à l’aventure justement là où aucune promotion n’est faite dans les guides?
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Sur la carte ci-dessus notre itinéraire durant le premier mois à travers la Thaïlande est facile à repérer. Après notre arrivée à l’aéroport de Bangkok, nous prendrons le train pour Ubon Ratchathan, située à 400 kilomètres à l’est de la capitale. De cette ville notre périple à deux roues commencera. Tout d’abord nos vélos nous conduiront plein nord en direction de Mukdahan, cité où nous trouverons le Mekong. De là nous longerons la frontière est du pays jusqu’au nord, à venir buter contre la Birmanie. Alors nous franchirons la frontière laotienne à Chieng Kong.
Cet itinéraire en Thaïlande, estimé à 1500 kilomètres, sans tenir compte des détours que nous ferons sans doute, se décompose en deux parties distinctes.
La première de Ubon Ratchathan jusqu’à Nong Khai (qui est le point frontière donnant sur la capitale du Laos, Vientiane) se déroulera le long du Mekong, zone esssentiellement plate. La distance est de 600 kilomètres. Outre l’attrait de découvrir ce grand fleuve tout au long de ce parcours de plusieurs centaines de kilomètres, cela me permettra de m’installer dans l’effort physique au long court, car je pars avec très peu d’entraînement, pour ne pas dire aucun!
La seconde partie, de Nong Khai à Chieng Kong plus au nord à la frontière avec la Chine, passe à travers les montagnes du nord du pays. Le parcours sera beaucoup plus accidenté, et il s’étirera sur une distance de 900 kilomètres.
Arrivant le 11 janvier à Bangkok, il nous faudra au plus tard sortir du pays 30 jours plus tard, durée limitée du visa. En fonction de cette contrainte nous adapterons notre durée de séjour dans le nord du pays et des différents circuits que nous envisagerons afin de monter sur quelques uns des sommets réputés pour leur fabuleux point de vue, en particulier au lever du jour.
Concernant le Laos, le programme n’est pas encore calé. D’ailleurs nous n’avons pas l’intention de planifier grand chose. Nous savons que nous voulons dans toute la mesure du possible rouler par des pistes perdues avec peu de circulation. A travers les différents contacts pris avec des cyclistes qui ont emprunté les routes et chemins de ce pays, j’ai bon espoir que nous puissions partir nous perdre sur des plateaux loin des routes classiques suivies par les tour operateurs. Nous ne chercherons pas à traverser le pays en vue de préserver une semaine pour visiter le Cambodge, au contraire nous nous laisserons guider par notre inspiration et les informations que nous glanerons éventuellement au cours de notre avancement.
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Le Laos de la frontière nord à Luang Prabang
Mardi 5 février
Bonjour tout le monde, nous sommes dans les starting-blocks pour traverser le Mekong de Chiang Khong en Thaïlande à Huay Xai au Laos, et être dans les premiers à la douane, dans la perspective de notre première journée de pédalage au Laos.
Je mets la carte de notre trajet approximatif au cours du mois à venir. Il y aura des variantes, car comme je l’ai dit, les pistes sont trempées et nous prendrons les routes. Donc dans la première partie, nous passerons un peu plus au nord par Louang Namha, puis nous redescendrons sur Luang Prabang et irons à Vientiane. La partie sud devrait rester conforme aux prévisions.
Le Laos de la frontière nord à Luang Prabang
Mardi 5 février Chiang Khong à Donchai 68 km
Dans notre chambre carcérale, nous passons une bonne dernière nuit en Thaïlande. nous nous levons afin de nous trouver au poste frontière un peu avant l’ouverture. A 7h45 il y a déjà une quinzaine de personnes qui attendent. Parmi celles-ci un Français de 80 ans, qui ne les fait vraiment pas!
Les formalités côté thaï sont vite expédiés; immédiatement nous descendons au fleuve, prenons nos tickets de traversée et embarquons dans une pirogue. Les vélos sont chargés tels quels avec bagages. J’ai un peu peur qu’une vague, qui ferait tanguer notre frêle embarcation, envoie par dessus bord l’une de nos montures avec toutes nos affaires.
Mais non, tout se passe au mieux. Les formalités de l’autre côté sont un peu plus longues. A neuf heures tout est terminé. Nous tombons sur un couple de cyclistes ardéchois qui s’apprête à passer en Thaïlande, après avoir traversé le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Ils nous donnent des renseignements précieux. Avant de partir nous petit-déjeunons dans la petite ville frontière de Houay Say. Ce fut très bon et copieux, cependant beaucoup plus cher qu’en Thaïlande, 6 euros par personne. La monnaie locale est au taux de 10700 laks pour un euro. Nous nous retrouvons avec une montagne de billets.
Il est 10 heures, il fait chaud et nous avons 70 kilomètres à effectuer. Cette première journée sera éprouvante, du fait de l’heure tardive, et aussi du fait que je vais casser un autre rayon sur mon vélo. Au pied d’une immense côte un bruit sec et métallique ne laisse aucun doute sur son origine. Christian est devant. Une fois de plus j’attaque la pente à pied, afin de ne pas aggraver le mal. Après deux kilomètres très raides, la pente ne faiblit pas. Un gros camion s’arrête et les chauffeurs chargent mon vélo entre la cabine et la remorque et ils me déposent au sommet de la côte. Je leur dis un grand merci. Christian est tout étonné de me trouver là lorsqu’il arrive. En effet, lorsque nous l’avons doublé, il était tellement absorbé par son effort dans la chaleur suffocante, qu’il n’a pas levé la têt lorsque le chauffeur a klaxonné et que je l’ai interpelé par la fenêtre. Nous effectuons la réparation, grâce au démonte-moyen que nous avons acheté à Chiang Rai. Cela devient inquiétant, c’est le second que je casse et il ne m’en reste plus qu’un!
Nous reprenons notre route. Le pays n’a plus rien à voir avec la Thaïlande. Les gens sont nettement plus miséreux. Leurs maisons alignées le long de la route sont de simples cabanes au planches disjointes.
Vers 16 heures nous atteignons le village de Donchai, assez éprouvés par la chaleur terrible de cet après-midi. Le gîte est des plus rustiques, une grande couche pour deux, le matelas une simple planche en bois. Mais mon dieu, je vais bien dormir. Dans ce gîte une jeune polonaise est arrivée un peu avant nous. Elle voyage seule à travers l’Asie durant 6 mois. Les bouteilles de bière au Laos ont une contenance de 0,64 litre. Mais après de tels efforts sur une route surchauffée ça se boit d’un coup ou presque! Le repas du soir est excellent, un riz accompagné de multiples légumes. Autant la chambre est incomparable avec le luxe thaï, autant la nourriture, tout du moins ce soir, soutient sans problème la comparaison.
Mercredi 6 février Donchai à Vieng Phouka 51 km
Ce matin lever très matinal, nous voulons pédaler avant la chaleur. Cependant notre cuistot n’est pas à l’heure et nous partons seulement à 6h50. Mais il nous a cuisiné une grosse omelette avec des tomates et des oignons. Dès le départ une côte interminable nous fait sortir de la vallée embrumée et nous montons durant une bonne heure. Peu de circulation, des petits villages le long de la route desquels des multitudes de gamins nous disent bonjour. Vers 11h30 nous atteignons le village de Vieng Phouha. La chaleur commence à être très forte. Nous décidons de nous arrêter. Immédiatement une femme nous interpelle et nous propose son gîte. Il est très sympathique, quelques cabanes de palmes en bordure d’une belle pelouse très bien entretenue. Là aussi, une jeune Européenne nous a précédée. Elle est de nationalité allemande et voyage seule pour une durée de 9 mois.
Nous passons un après-midi très agréable dans ce village du bon du monde. Je pars à la recherche éventuelle de rayons de vélo adaptés à mes roues. Hélas, je ne trouverai pas. Notre jeune Allemande est avide de discussion, je ne me fais pas prier, car je ne rate jamais une occasion d’exercer mon allemand!
Le repas du soir sera sympathique par l’ambiance, mais la nourriture pas terrible. Le poulet est à la limite du mangeable, non par le goût, mais du fait de la manière dont il avait été découpé. On aurait pu penser qu’il avait été tué à la grenade et les morceaux d’os et les lambeaux de chair récupérés sur les murs! Particulièrement désagréable à manger, une multitude de fragments d’os très pointus, qu’il ne faut surtout pas avaler.
Jeudi 7 février Vieng Phouka à Na Teuy 87 km
Ce matin après une excellente nuit, lever 5h45, pour un petit-déjeuner prévu à 6h15. Une fois de plus notre hôtesse est en retard et nous partirons avec 40 minutes de retard sur notre horaire prévu, il est 7h15. C’est la dernière fois que nous demandons le petit-déjeuner. A l’avenir nous mangerons ce que nous aurons acheté la veille afin d’éviter d’être dépendants du lever tardif de nos hôtes!
Il fait frais, 10 degrés, le brouillard intense et de plus il mouille particulièrement. Nous ruisselons de grosses gouttes. Je comprends pourquoi Schoendoerffer appelait dans ses livres le Laos le pays des brumes.
Le long de notre route les habitants sont sortis de leurs habitations et se chauffent à de minuscules feux à même le bord de la chaussée. De ces silhouettes assises et blotties auprès de leur minuscules bûches incandescentes qui fument, le tout noyé dans une brume épaisse, il ressort une impression de grande pauvreté. Nous sommes vraiment très loin de ce que nous avons connu en Thaïlande.
Aujourd’hui les côtes ne sont pas très raides. De ce fait nous avançons rapidement. Je fais cependant attention de ne pas trop forcer sur mes rayons arrières.Dans une partie raide, je préfère pousser mon vélo afin de ne pas trop solliciter mes rayons abîmés. Mais en courant à côté de mon vélo je monte quand même à 9km/h, plus vite qu’en pédalant. Cependant, je tiens moins longtemps à ce rythme!
Vers midi nous avons effectué 87 kilomètres. Nous trouvons une guest house de bonne qualité et de plus il a l’eau chaude.
Nous partons nous promener dans ce petit village qui n’est situé qu’à 20 kilomètres de la Chine. D’ailleurs si les routes sont en bon état depuis notre entrée au Laos, on le doit aux Chinois qui investissent pour le développement de ces régions près de leurs frontières. Le petit marché est miséreux, quelques fruits et légumes, deux bassines de gros poissons chats et puis c’est tout.
Vendredi 8 février Na Teuy à Oudom Xay 80km
Ce matin nous partons à 6h45, à l’heure prévue car nous petit-déjeunons dans notre chambre. Comme les jours précédents un brouillard assez épais nous accompagnera durant deux heures, jusqu’à ce que le soleil réchauffe l’atmosphère. Tout le long de la route des maisons misérables sont alignées. Les habitants sont assis à même la terre devant de minuscules feux. partout des enfants qui se préparent et qui en groupes partent à l’école à pied. Malgré l’humidité et le froid, ce matin 11 degrés, certains sont très peu vêtus. Une petite fille de cinq ans, ne porte qu’un t-shirt à manches courtes.
Mais dès que le soleil fait son apparition dans un ciel dégagé, la température monte rapidement et cette sensation de grisaille et de tristesse se dissipe rapidement.
Vers midi nous atteignons notre but de la journée. Nous nous installons dans une guest house où nous rencontrons un couple constitué d’une jeune Allemande et d’un Mexicain, sans doute un peu plus âgé qu’elle, et qui sont en route à vélo depuis 18 mois. Nous déjeunons ensemble. Leur conversation est très intéressante, et nous parlons dans plusieurs langues, allemand, anglais, espagnol et même un peu français. Après le repas, avec Christian nous partons à la recherche de rayons pour mon vélo, mais sans trop d’espoir, car les roues de 700 sont très peu utilisées. Il me faudra sans doute plus tard m’acheter un vélo aux normes standardisées! Mais si nous ne trouvons pas de rayons, nous retrouvons Stéphane, le cycliste français rencontré à Chiang Rai. Nous allons boire un verre ensemble. Il nous parle d’un couple de Chinois à vélo, qu’il a doublé ce matin. Et voilà nos Chinois qui arrivent. Nous les invitons à notre table. Elle est professeur d »anglais et s’exprime très correctement. Nous passons un bon moment, puis ils reprennent leur route pour aller bivouaquer plus loin. Quel courage, il fait au moins 35 degrés.
Le soir nous nous retrouvons avec Stéphane, encore un repas bien sympathique. Après avoir croisé peu de cyclistes au long cours depuis un mois, je me dis qu’aujourd’hui nous sommes vraiment servis. Vers 20h30 nous nous séparons en nous disant simplement au revoir, car nos routes devraient se croiser à nouveau dans deux jours. Je dis un grand merci à Stéphane, qui m’a donné l’un de ses rayons de rechange, car il roule aussi avec des roues de 700, ce qui fait que j’ai encore deux rayons de rechange. Et je le remercie aussi d’avoir dévoilé ma roue, ce que je n’avais pas réussi à faire lors de la dernière réparation que j’ai effectuée il y a trois jours.
Samedi 9 février Udom Xai à Muang Khoua 100 km
Ce matin départ à 6h50, après avoir petit-déjeuner dans notre chambre, avec entre autre du pain que nous avons acheté hier soir. Ce pain est un compromis entre la baguette et la brioche. il n’est pas très frais mais on le trouve quand même bon.
Ce matin comme les jours précédents, le brouillard est présent. Que tout semble triste dans ces petits matins mornes. Les bords de route ne sont pas très propres, une multitude de déchets plastiques constellent la végétation. La France à vélo n’offre jamais un tel spectacle de désolation. Peut-être faut-il partir pour se persuader que notre pays est vraiment la destination la plus merveilleuse?
Nous commençons par quelques bosses. Si le profil de la route reste le même sur les cent kilomètres que nous avons à parcourir, l’étape sera sportive. Mais il n’en sera rien. Après vingt kilomètres les bosses s’affaissent et alternent montées et descentes peu raides. Nous allons suivre une vallée dominée de forêts inextricables et au fond de laquelle coule une rivière à l’eau claire. De nombreux villages jalonnent notre itinéraire. Fréquemment, nous voyons des pêcheurs qui réparent leurs filets accrochés devant leur maison. Cette étape me ravit, ce qui n’est pas le cas de Christian. Des goûts et des couleurs, il en faut pour tout le monde. Pour ma part, dès qu’au détour d’un virage je peux voir de l’eau courir sur des galets ou chercher dans des gros trous d’eau verts quelques poissons, je suis aux anges!
Nous croisons un cycliste au long cours. Bien évidemment nous nous arrêtons et nous lançons dans une discussion passionnée. Il s’agit d’un jeune Allemand qui est sur la route depuis 13 mois. Il a entre autre parcouru une bonne partie de l’Himalaya, en passant par différents pays, en particulier l’Inde et le Népal. Il nous montre carte à l’appui son trajet à travers ce gigantesque massif montagneux. Ca fait rêver. Ne t’inquiète pas Danielle je n’envisage pas de partir si longtemps, déjà deux mois le temps me semble long sur certains points! Ces cavaliers au long cours de la route et des pistes ont dans l’expression du visage une forme de sérénité, que j’ai vue chez les religieux des ordres réguliers. A chacun sa religion, ses croyances et son mode de vie. Mais l’accomplissement dans la durée, qu’il soit de renoncement ou d’effort amène une forme de béatitude, à laquelle j’aspire.
Les cent kilomètres vont être effectués sans trop de difficulté. Les trois premières heures de brouillard sont certes assez désagréables, mais cette période permet d’avancer sans s’épuiser sous une chaleur accablante.
Vers 13heures nous atteignons notre but, Muang Khoua. C’est une petite bourgade alanguie au milieu d’une forêt impénétrable, qui doit sa notoriété à sa position au bord de la rivière Nam Ou. Nous somme presque à l’extrême nord du Laos. La chine est toute proche.
Après avoir posé nos affaires dans une guest house, nous partons manger dans un petit restaurant qui surplombe la rivière. Nous pouvons voir les bateaux, le long des berge, qui demain feront le trajet vers Nong Khiao, 115 kilomètres plus au sud. Nous comptons prendre cet itinéraire fluvial demain. Cela nous fera une journée de repos après nos 400 premiers kilomètres au Laos. Je dois dire qu’ils ont été moins difficiles que nous pensions. Les raidillons de la Thaïlande sont incomparablement plus difficiles que ce que nous avons parcouru ces cinq derniers jours.
Ce soir je pars pêcher dans la Nam Ou, que nous allons descendre demain. Je vois bien quelques poissons de petite taille sauter, mais je n’ai pas de touche.
Ce soir nous retrouvons le français Stéphane. Cela fait la troisième fois. Il compte rester un jour supplémentaire dans ce village. Nous nous donnons rendez-vous dans deux jours à Luang Prabang. En effet, il roule plus vite que nous et il effectuera les 150 kilomètres un un jour. Pour notre part tranquillement nous étalerons ce trajet sur deux jours.
Lundi 11 février Nong Khiao à Luang Prabang 145 km
Cette petite bourgade perdue au milieu des montagnes, nous n’en ferons même pas une photo, car la visibilité ne sera jamais suffisante. Seulement une fois la nuit tombée, hier soir nous aurons pu constater tout un magnifique cirque de montagnes.
Mais hélas, ce matin plus rien, sauf la grisaille à laquelle nous sommes habituée au lever depuis que nous sommes au Laos. Que ces départs matinaux sont mornes, et ce matin tout particulièrement. La visibilité réduite ne nous permet pas de voir plus loin que le bord de la route, jonché de détritus en particulier plastiques. Les trente premiers kilomètres sont vraiment tristes et c’est un véritable effort que je dois fournir pour pédaler dans ce décor de décharge publique sans intérêt.
Nous nous arrêtons boire un café, très bon que nous agrémentons du gâteau au chocolat que nous avons acheté hier. L’endroit très poussiéreux, carrefour de routes non goudronnées, est cependant très sympathique, car les gens y sont accueillants.
Nous repartons dans un meilleur état d’esprit. Le soleil fait de timides apparitions et vers les dix heures il s’installe vraiment. Le décor change prenant de la profondeur. De loin en loin des points de vue intéressants se laissent découvrir. Nous visitons les abords d’un temple. Il est orné à la manière des églises orthodoxes balkaniques.Un bonze s’approche tout sourire; mais hélas nous ne pouvons communiquer du fait de la barrière de la langue.
Tout au long de notre itinéraire les enfants très nombreux nous saluent avec des « sabadi » en insistant bien sur le i. Nous répondons à chacun, ce qui fait que nous sommes en permanence à envoyer des sabadi.
Nous comptions faire 80 kilomètres aujourd’hui. Nous ne rencontrons aucun point de chute susceptible de nous accueillir pour la nuit à venir. Vers treize heures trente, nous avons effectué 98 kilomètres. Nous nous arrêtons manger en bordure de route. Dans la chaleur une heure plus tard nous repartons. Nous ne verrons aucun hôtel avant Luang Prabang, voilà la raison pour laquelle nous effectuons cette longue étape d’une traite. Les quinze derniers kilomètres nous les parcourons au milieu d’une circulation très dense. Ce trafic très fourni est dû à la présence de nombreux Chinois qui viennent fêter leur nouvel an. Nous avons de la chance, car les jours précédents c’était bien pire! Nous arrivons à 17heures. Nous venons d’effectuer notre plus longue étape, presque huit heures sur le vélo, 7h51mn exactement.
La ville est grande, devant un hôtel manifestement chinois, on nous donne gentiment un pal de la cité, qui nos est bien utile. Nous trouvons rapidement un point de chute pour 12 euros à deux. Bien que ce soit plus cher que les jours précédents, cela reste très bon marché, pour une chambre de belles dimensions équipée d’une salle de bain fonctionnelle.
Cette cité est absolument remplie de touristes occidentaux. Une multitude de restaurants et de magasins, typiques des villes touristiques, sont très largement éclairés. Cela me fait une drôle d’impression. J’ai vraiment la sensation de me trouver sur la côte d’azur un soir du mois de juillet. Christian est moins critique.
Attendons demain, quand il fera jour, pour se faire une idée de l’endroit.
Nous avons passé aujourd’hui les 2000kilomètres à vélo, et sans doute la moitié de notre périple à deux roues.
Mardi 12 février repos à Luang Prabang
Journée sans vélo, mais cela ne va pas durer nous reprenons la route demain matin. Nous comptons cinq jours de trajet jusqu’à Vientiane, capitale du Laos. J’ouvrirai une nouvelle note de Luang Prabang à Vientiane, troisième partie.
Je vais essayer de mettre quelques photos de notre longue étape d’hier, mais internet est très lent, donc je risque d’attendre une prochaine étape où le débit sera meilleur.
Aujourd’hui nous nous sommes promenés dans la ville et le long du Mekong. Il est toujours aussi impressionnant par sa largeur. De très nombreux bateaux de transport de passagers occupent les rives. Je dois dire que j’envie de la route me rend impatient d’enfourcher ma monture. Ce que nous ferons demain dès le lever du jour.
De Luang Prabang à Vientiane 400 km
13 Février Luang Prabang à Kiou Ka Cham 78 km
Ce matin, nous partons à trois, avec Stéphane, sur une portion de route qui passe pour l’une des plus appréciées des fous des grands voyages à vélo. Le temps reste voilé, la visibilité réduite, ce qui enlève sans doute au spectacle des montagnes qui nous entourent. Le relief est accidenté, nous allons subir deux montées, l’une de 10 km et la seconde de 20 km, mais jamais au-dessus de 10%. J’arrive toujours à garder une vitesse de l’ordre de 8 ou 9 km/h. On est loin des terribles pentes thaïes. Le dénivelé est cependant important, sans doute supérieur à 1500 mètres. Stéphane me tire de temps en temps, et ça le fait rigoler de voir comme je m’acharne sur mon vélo pour monter.
Mais l’intérêt de la journée, à mon avis, ne sera pas dû au panorama, certes joli mais sans plus, mais dans les rencontres de Martiens que nous faisons en chemin. Sur la journée on va s’arrête à plusieurs reprises, lorsque nous rencontrons des cylos lancés dans des périples au long cours. Tout d’abord un couple d’Allemands en route depuis plus d’un an, puis un couple de Belges aussi parti depuis longtemps. Une fois arrivés à l’étape, quatre jeunes Français en route depuis deux ans et demi font un bref arrêt avant de repartir vers Luang Prabang avec une arrivée très probablement de nuit. Alors arrive un OVNI, un couple de Belges sur la route depuis presque deux ans, chevauchant un très étonnant tandem. La discussion avec eux est un grand moment de plaisir. Ils viennent de traverser l’outback australien avec leur drôle d’engin. Ils terminent leur tour en Asie et réparent du Cap pour traverser l’Afrique. Ces routards du vélo constituent une population étrange. Ils ne rêvent que d’errance et de fuite en avant avec toujours avec au coin des lèvres un sourire béat. Ce couple de Belges comme bien d’autres, au cours de leur longue itinérance, ce qui généralement les a le plus marqué c’est le Chili, la Bolivie en traversant le désert de l’Atacama et l’altiplano. Je dois dire que ce que je vois de l’Asie est vraiment loin de m’enthousiasmer comme ces immenses zones sud-américaines. Mais ne comparons pas trop, ce que nous voyons est tout de même intéressant, bien que les grands espaces des Andes m’ont beaucoup plus marqué!
Sur la photo on voit de gauche à droite le couple d’Allemands sur la route depuis pas mal de temps, Christian, et puis Stéphane qui en est dans son huitième mois de vélo à travers l’Asie.
14 février Kiou Ka Cham à Kasi 95 km
Au lever depuis la terrasse de notre guest house nous avons une vue imprenable sur les vallées tout en bas et la brouillard, que pour une fois nous contemplons de haut.
La route de la veille monte le long de la crête aux deux bosses, que l’on voit plonger dans les brumes.
Après une bonne nuit, nous partons avec l’intention de rejoindre directement Vang Vieng, plus de 150 km. Cela me semble beaucoup, mais Stéphane ne doute pas. Il paraît qu’il y a pas mal de descente. Psychologiquement, je me mets dans l’état d’esprit d’atteindre le but fixé. Mais les 25 premiers kilomètres constituent une immense montée et après une courte descente ça repart ver le ciel. Très vite nous réalisons que nous ne ferons pas les 150 kilomètres prévus, bien que Stéphane seul les aurait effectués sans problème. En effet, nous parcourerons 95 kilomètres, ce qui est déjà pas mal pour l’entraînement que j’ai. Au cours de ce trajet, que l’on nous annonçait en descente, j’ai eu l’impression qu’il n’y avait que des côtes et le thermomètre est monté à plus de 40 degrés. Sur la route, beaucoup de circulation, essentiellement des Chinois avec de grosses voitures allemandes. Le camarade Montebourg devrait leur faire la remarque et leur dire d’acheter français! Pour une route tranquille, comme on nous l’avait prédit, nous avons été servis. En plus, dans leurs grosses voitures, ils doublent n’importe où, et attention dans les virages, s’il y a un camion en face, on risque de devoir s’effacer rapidement pour laisser passer une énorme BMW ou un Porsche Cayenne!
Le paysage carstique est joli, mais le temps voilé, une fois de plus, enlève tout relief. Heureusement nous croisons quelques fous du vélo pour nous faire rigoler. En particulier, un couple de paysans de Collias dans le Gard, tous les deux la soixantaine bien avancée. Ils ne doutent de rien et à 14 heures par 40 degrés ils sont lancés dans une interminable pente de vingt kilomètres, que nous sommes (heureusement) en train de descendre. Ils traversent le Laos en arrivant du Cambodge et vont enchaîner par le Vietnam, ben voyons tout est normal! La femme râle un peu avec son accent chantant du Midi, mais à peine, sans perdre son sourire. En effet, son mari lui a dit, c’est juste une bosse, mais il n’a pas précisé qu’elle faisait vingt kilomètres et que la pente était à 10%! Bon les 14 heures et les 40 degrés ça ne compte pas quand on habite le Gard!
15 février Kasi à Vang Vieng 60 km
Aujourd’hui l’étape sera de courte durée, 60 kilomètres sans grand dénivelé. En trois heures nous arrivons à Vang Vieng, tout en prenant notre temps. Nous nous arrêtons en chemin encore une fois pour discuter avec un couple de Chtis en voyage à vélo pour 15 jours. Arrivée à Vang Vieng vers les 11 heures. La région montagneuse qui entoure la ville est hérissée de pics, l’effet est magnifique. De notre chambre nous embrassons « cette forêt de pics ». D’après notre livre guide , il s’agit d’un site d’escalade majeur en Asie.
Mon vélo continue à avoir des défaillances. Une gaine de dérailleur s’est ouverte, j’ai trouvé une gaine neuve. Le pédalier émet des bruits des plus inquiétants. Après force graissage, les craquements sinistres se sont atténués. On verra à Vientiane, si je dois changer l’axe et les roulements.
16 Février repos à Vang Vieng
Le lever du jour et l’arrivée du soleil sur les montagnes en face de notre fenêtre, je les guette avec l’espoir de faire de magnifiques prises de vue. Le brouillard est du meilleur effet, mais les couleurs sont estompées. Je vous laisse juger:
Vientiane Paksé par les plateaux du centre
20 février Vientiane à Thaoy Noy 116 km
Ce matin petit-déjeuner à 7 heures pour un départ prévu une demi-heure plus tard. Mais c’est compter sans les rencontres de dernière minute. Tout d’abord, un jeune Irlandais, qui voyant nos vélos chargés vient nous parler. Il a traversé les Amériques de l’Alaska à la Terre de Feu à vélo en 15 mois. Bien évidemment cela ouvre le champ des discussions! Ensuite, nous tombons sur un Français, déjà vu la veille, qui vit en Thaïlande. J’en profite pour lui demander son avis, carte à l’appui, sur les différentes options que nous envisageons dans la dernière étape de notre voyage, lorsque nous retournerons en Thaïlande. Mon choix serait plutôt de longer la frontière cambodgienne en se rapprochant de Bangkok. Christian serait plutôt tenté par une descente en train vers le sud pour aller au bord de la mer. Ma priorité étant de rouler, je privilégie toujours l’option qui nous permettra le plus grand nombre de jours à vélo. D’autre part, le trajet qui a ma faveur sera très certainement beaucoup plus tranquille que les plages du sud. Nous disposons encore d’une douzaine de jours pour trouver un terrain d’entente. Il y a aussi un aléas, la manière dont mon vélo va tenir!
Donc, notre départ se fera péniblement à huit heures passées. Il nous faudra affronter les chaleurs du début d’après-midi. Les premiers kilomètres sont effectués le long de la grande esplanade dominant le Mékong. A cette heure, somme toute matinale, nous sommes presque seuls.
Une fois arrivés à la limite sud de la ville, nous prenons une route secondaire qui nous permettra de rester au plus près du fleuve. Dans un premier temps, nous passons sous le pont qui communique avec la Thaïlande en enjambant le Mekong. Nous sommes passés sous ce même pont mais sur l’autre rive, il y a tout juste un mois, alors que nous roulions vers le nord de la Thaïlande. Un peu plus loin nous voyons distinctement la petite ville de Nong Khai, où nous avions séjourné deux jours.
Un voyage de deux mois, parfois cela paraît long, et à d’autres moments cela semble très court. Je n’ai pas le sentiment qu’il y a déjà un mois, nous remontions la rive opposée du Mekong, et que nous avons parcouru presque deux mille kilomètres depuis. En effet, aujourd’hui nous allons dépasser les 2500 kilomètres.
Notre route, après le fameux pont « friendship bridge », pont de l’amitié en français, se transforme en piste. Tout d’abord elle est pleine de trous, ce qui rend la progression lente, pénible et dangereuse pour nos vélos chargés. Plus loin, elle se révèle plus plate, mais plus poussièreuse. L’expérience de la piste se déroulera durant quarante kilomètres. Nous retrouverons alors le goudron. Je m’y trouvais bien sur cette piste, bien qu’enveloppé de poussière. Dans ces cas j’ai vraiment l’impression d’être parti loin. Et puis la poussière, certes elle n’est pas très agréable à respirer, mais la fumée noire des camions sur les axes goudronnés ce n’est pas vraiment mieux! Car, bien que plusieurs personnes nous aient dit que le trafic n’était pas très important au Laos, il est loin d’être négligeable.
Vers 13h30, une halte dans un petit restaurant de bord de route est la bien-venue. Nous y mangeons une belle assiette de soupe aux pâtes, accompagnée de crudités, comme bien souvent au Laos. Nous repartons pour 45 kilomètres sous une chaleur importante. Je décide de remplacer mon casque par le chapeau que je me suis acheté il y a deux semaines. Où est la sécurité optimale: garder le casque pour éviter les chocs en cas de chute, ou mettre le chapeau pour éviter les coups de chaud à la tête?
Vers les 16 heures après quelques recherches nous optons pour un logement dans la petite bourgade de Thaoy Noy. Les prix ne sont pas aussi bas qu’annoncés au Laos, bien qu’ils restent très abordables. Mais ils ont une fâcheuse tendance à augmenter rapidement d’une année sur l’autre. Par exemple la guest house dans laquelle nous avons dormi deux nuits à Vientiane, le prix annoncé dans notre guide 2013, qui en réalité datait de trois ans, car seule la couverture avec en gros 2013 avait était mise à jour, et bien ce prix a été multiplié par trois. On nous a expliqué que ces pays asiatiques étaient en train de changer leur politique touristique. Ils ne seraient plus intéressés par le flux d’Occidents fauchés à la recherche de vacances pas chères. Ils se tourneraient plutôt vers une clientèle haut de gamme qui ne regarde pas à la dépense. Ainsi, nous avons constaté que les hôtels de bon standing se mettent à pulluler, et que la clientèle chinoise y est abondante. Je crois qu’en Europe nous ne sommes qu’au début de nos soucis économiques devant la montée en puissance de l’Asie avec ses milliards d’habitants, qui sont particulièrement durs à la tâche et de plus peu revendicatifs.
21 février Thaoy Noy à Paksan 67 km
Ce matin départ à 7h10, il commence à faire beau dès le matin. Finies les brumes matinales, nous pouvons assister au lever du soleil, ce que nous ne pouvions faire au cours des deux semaines précédentes. L’étape de la journée ne sera pas très longue, 67 kilomètres que nous parcourons en moins de trois heures, à la moyenne de 24km/h. Notre étape prend fin vers les 10 heures, mais c’est agréable de pouvoir prendre son temps. J’en profite pour faire une grosse lessive, enfin grosse toute relative!
Nous somme dans une guest house très sympathique. Le propriétaire parle bien le français et sa femme l’anglais. Cette dernière nous offre des fruits à section en étoile de son arbre, caroube, je crois. Ce fruit nous l’utilisons en France pour la décoration de certaines présentations. Mais c’est la première fois que je mords à pleine dent dans ce type de fruit après l’avoir cueilli sur l’arbre. S’il est bien mûr, il dégouline d’un jus abondant un peu acidulé. Un couple de cyclistes allemands arrive un peu après nous. Au Laos ils ont suivi le même itinéraire que nous. Les deux jours qui viennent nous devrions encore faire route commune, puis ils partiront à l’est sur le Vietnam, alors que nous resterons au Laos en mettant la cap au sud.
22 février Paksan Viang Kham 91 km
Départ matinal, vers les 7h, après nous être concocté notre petit-déjeuner à base de café froid, de lait concentré et de gâteaux pas très bons. Contrairement à la Thaïlande nous commençons à trouver la nourriture peu variée et pas toujours très appétissante. A part quelques exceptions nous n’avons jamais mangé un bon poulet rôti comme en Thaïlande.
Question nourriture à plusieurs reprises des cyclistes rencontrés nous ont fait des remarques à ce sujet en comparant aux différents pays des environs par lesquels ils sont passés.
Le ciel est couvert, ce qui est agréable pour rouler. Cependant, un vent irrégulier se lève. Jusqu’à présent nous n’avions pas connu ce phénomène météorologique.Serait-il lié à l’approche des premières pluies de mousson, qui d’ici un mois au plus tard vont sévir?
Tout surpris, nous voyons arriver Stéphane, qui nous rattrape. Il nous dit un grand bonjour. Je suis tout content de le voir. Il a bien trouvé le petit mot que je lui avais laissé. Manifestement la brouille n’est pas d’actualité!
Tout en roulant, un petit clic métallique m’inquiète. Je m’arrête, et oui le constat est sans appel, encore un rayon de cassé. J’essaye de rejoindre au plus vite Stéphane et Christian qui me précèdent de cinq cents mètres. Je vais mettre plusieurs kilomètres et enfin ils m’entendent les appeler. Ma roue n’est presque pas voilée. Nous atteignons le prochain village et nous effectuons la réparation. J’utilise le rayon, un peu plus court que les miens, que Stéphane m’avait donné il y a dix jours. Ca a l’air d’aller. Il ne m’en reste plus qu’un. Notre itinéraire prévu dans quelques jours à travers pistes, il n’est plus question d’y penser. Nous allons rester sagement sur route goudronnée avec l’espoir d’atteindre Paksé dans quelques 600 kilomètres, sans nouvelle casse.
Après le réparation Stéphane nous dit au-revoir, cette fois définitivement. En effet, il compte encore parcourir plus de 120 kilomètres aujourd’hui, ce qui lui fera une étape de quelques 200km! Le 3 mars il compte être à Bangkok, ce qui fait des étapes bien supérieures à cent kilomètres chaque jour.
A l’étape, dans un village sans relief de croisement de routes, dans un vent fou, qui soulève des nuages de poussière nous trouvons après bien des recherches, un logement convenable. Nous y retrouvons notre couple d’Allemands. Nous déjeunons d’un excellent poulet bien grillé badigeonné avec une sauce au citron. Le restaurant est une cour des miracles, qui vibre au passage des camions et des cars, et où chats, chiens, poules et coqs viennent quémander quelques restes, et même vont directement dans les poubelles se servir sous le comptoir! Mais tout se passe dans le calme et l’impassibilité asiatique.
23 février Viang Kham à Nahim 44 km
Ce matin nous allons quitter pour quelques centaines de kilomètres la grande route du bord du Mekong. Cependant le trafic restera relativement important, car la frontière du Vietnam est à une centaine de kilomètres et le transport routier y est assez important. Mais les gros camions ne sont pas les plus dangereux, car ils sont très respectueux des cyclistes. Notre guide (livre) parle d’un trafic de chiens entre la Thaïlande et le Vietnam, ces animaux étant consommés dans ce pays. Certains poids lourds en transporteraient jusqu’à un millier. Ce commerce serait très lucratif.Nous n’avons pas entendu aboyer.
Nous nous attendions à de très longues montées. Il n’en est rien. Peut-être 500 mètres de dénivelé, mais nous les remarquons tout juste. Il faut dire que cela fait 45 jours que nous roulons et les muscles sont bien entraînés.
Les paysages deviennent plus jolis que ceux de ces derniers jours. Les formations karstiques font leur apparition. Il est étonnant de voir ces grandes falaises calcaires de couleur noire. Par moments, on pourrait se croire dans certains cirques de roches métamorphiques du Massif Central, alors que nous sommes en pleine zone calcaire, étrange!
Vers 10 heures nous atteignons notre but de la journée. Nous trouvons un logement de très bonne qualité. A 12h30 nous prenons le bus pour aller visiter la grotte de Tham Konglor située à 45 kilomètres. Un trajet en bus de temps à autre n’est pas désagréable! Nous remontons une immense vallée toute plate à la terre aride, entourée de belles falaises noires.
La visite de la grotte s’effectue en pirogue à moteur. En fait, il s’agit d’une rivière souterraine qui traverse une montagne sur 7,500 km. Le trajet aller-retour s’effectue en deux heures. Par endroits, il n’y a pas beaucoup d’eau et la pirogue émet des gémissements sinistres en raclant le fond! A une étroitesse de la rivière, notre équipage, deux adolescents, nous fait descendre Christian et moi, pour faire franchir à l’embarcation une petite cascade. Manifestement ils s’y prennent assez mal et la pirogue se remplit. On vient à la rescousse pour les aider à sortir le bateau des rapides, car il s’alourdit dangereusement. Il s’ensuit une bonne séance d’écopage.
Cette visite est intéressante et nous ne regrettons pas d’y être venus. Nous sommes aussi contents de nous être logés à 45 km, car le lieu est envahi d’une masse de touristes occidentaux qui cherchent le gîte et le couvert. Je suis toujours étonné de voir ces points de focalisation d’Occidentaux, alors qu’en dehors de ces endroits précis, nous n’en voyons quasiment aucun. D’autre part, il ne s’agit pas de retraités qui cherchent à occuper leur temps définitivement libre, mais de jeunes hommes et femmes entre 20 et 35 ans, qui se baladent des mois durant. Le problème de l’emploi en Occident n’a pas l’air de les préoccuper, ou alors c’est parce qu’ils n’en trouvent pas qu’ils partent se promener? Cela reste un mystère pour moi.
24 février Nahim à Lak Sao 59 km
Ce matin nous disons au revoir à Stefie et Marcus, le couple d’Allemands avec lequel nous faisons route depuis trois jours. Aujourd’hui nous attaquons par une côte de 8 kilomètres d’entrée. L’envie de pédaler n’est pas très forte. Je suis à l’écoute de tout bruit, qui pourrait se produire sur mon vélo, avec la peur d’un nouveau rayon cassé. Ne nous laissons pas submerger par le stress!
La route, ce matin, est magnifique, elle suit une vallée encaissée entre de belles montagnes, qui viennent s’immerger dans une forêt aux très hauts arbres. Le vent est bien souvent défavorable, mais l’étape est assez courte. Vers 9 heures nous faisons une longue halte dans une petite échoppe en bord de route. Nous y buvons un café chaud et mangeons quels gâteaux. Nous avons du mal à repartir tellement l’ambiance est paisible. Nous sommes dimanche et la circulation est faible. Cela nous change de la majorité des routes que nous avons parcourues depuis notre arrivée dans le pays.
Un serpent mort en bordure de route. J’en fais quelques photos et le prends par la queue. Les véhicules, qui passent freinent et les conducteurs sont intrigués. Avis aux amateurs: qui peut donner le nom de ce serpent?
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Retour en Thaïlande direction Bangkok
4 mars Paksé à Phibun Mangsahan 95 km
Aujourd’hui nous allons quitter le Laos pour retrouver la Thaïlande. Nous comptions partir très tôt. Mais le temps de dire au-revoir à nos amis néo-zélandais et il est déjà plus de 7h30. Et puis, je ne résiste pas à l’envie teintée de forte curiosité, d’aller faire un détour par le marché pour voir l’arrivage de poissons du matin.
A 8h30 nous passons le pont sur le Mékong en direction de la frontière distante de 40 kilomètres. Le pont en mesure 1,4. En le traversant, on prend bien conscience de la puissance de ce fleuve.
La frontière est vite franchie, car elle est déserte et les douaniers des deux côtés sont coopératifs et aimables. La route jusqu’à la petite ville de Phibun est parcourue facilement, bien que le vent ne soit pas favorable. En arrivant, nous déjeunons à même le trottoir. C’est délicieux, nous retrouvons le plaisir que nous avions il y a un mois dans ce pays. Enfin, je trouve des rayons pour mon vélo. Il était temps car je n’avais plus de rechange.
Le soir nous partons sur le marché de nuit. L’ambiance est adorable, une multitude de marchands proposent des mets plus tentants les uns que les autres. Nous optons pour une espèce de fondue, à base de viandes et de calamar, accompagnés de crudités. Expérience étonnante, mais à l’avenir resterons plus classiques, avec un bon poulet grillé, comme ils le font si bien. Et dire que cette petite vile ne figure même pas dans notre guide. Oui de toute évidence, seul le vélo permet ces arrêts un peu au hasard des contraintes horaires, dans des coins ignorés qui se révélent de vraies petites perles, bien loin des circuits fortement conseillés.
5 mars Phibun Mangsahan à Sisaket 107 km
Nous effectuons cette étape sur grande route à quatre voies, un espace est aménagé permettant la circulation des vélos sans danger. Il n’y a pratiquement plus de côtes, la moyenne se situe au-dessus de 20km/h. Cependant l’intérêt du paysage qui nous entoure n’est pas énorme. Sur cent kilomètres, je ne me suis pas arrêté une seule fois pour faire des photos.
Nous allons étudier la carte pour voir dans quelle mesure on peut rejoindre Bangkok par des routes plus intéressantes à vélo. En effet, il nous reste encore 6 ou 7 jours à pédaler. Nous voulons être à Bangkok le 12 mars au plus tard, afin de pouvoir visiter cette gigantesque ville tranquillement.
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