Delhi, l’Inde… fuite entre illusion et la réalité. C’est une passion enfouie , dont je parle peu mais qui, sans doute, doit se manifester par d’autres langages. C’est une fuite vers un « ailleurs » qui est aussi une plongée à l’intérieur de soi. C’est une attirance irrésistible pour cette terre où se mêlent les hommes, les religions, les époques et les pensées de façon incompréhensible. C’est le bouillonnement permanent d’une foule qui semble ici être le paysage principal.
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C’est le sentiment léger que l’esprit, enfin débarrassé des pesanteurs du quotidien, peut errer et vagabonder a sa guise, porté par une sensation soudaine de liberté. C’est une perte de repère complète au milieu d’une mosaïque improbable, d’un chaos urbain qui, selon toute logique, ne devrait pas exister. … Bref, c est l’Inde, un univers à part qu’il me tardait de redécouvrir.
Premiers pas dans Delhi et déjà, tout prend à la gorge : la moiteur, qui vous colle à la peau comme un film plastique, les odeurs, où se mêlent en vrac gaz d’échappements, fruits acidulés, pisse, aromates ou épices d’un quelconque marché voisin, le bruit aussi, sorte de grondement urbain hallucinant rythmé par le son des klaxons… Mais le sentiment le plus fort ici est celui d’une marée humaine permanente et colorée, d’une interminable coulée de piétons qui dégringole le long des rues étroites et embourbées, d’un magma humain en perpétuelle transformation.
Voila ce qu’est l’Inde, à mon sens : une immersion permanente dans l’humain, une terre ou la foule est toute chose. C’est l’humanité à l’état brut, dans ce qu’elle peut avoir de pire et de meilleur. A chaque pas, des dizaines de scènes colorées ou terribles vous entourent : mendiants qui s’accrochent a vous (j ai provoqué une émeute en donnant un jouet à un enfant), femmes en sari coloré aux allures de princesses, porteurs voutés sous le poids de leur charge, vélo-rickshaw trainant une famille entière, hommes à demi nus se lavant en public, commerçants hélant les passants pour mille et un services… J’allais oublier toute la ménagerie de vaches, chiens errants, écureuils, chats, chèvres et singes ici au grand complet. « L’Inde, écrit Jean-Claude CARRIERE, est une surprise à chaque battement de paupière une provocation incessante du regard. » Devant moi, cette phrase trouve à chaque pas sa concrétisation la plus aboutie.
Prenez un appareil photo, visez au hasard, appuyez… Vous obtenez 15 scènes de vie distinctes sur le même cliché ! Un patchwork humain d’une telle variété, d’une telle richesse qu’il en finit par parler à l’inconscient. Ici, on ne s’étonne pas qu’un homme d’affaires en costume cravate croise un mendiant couvert de cendres ou un autre en tunique bariolée. Ce serait nier qu’il existe mille et une façons d’être humain, de se sentir exister par le simple fait »d’être là »…
Voilà ce que je suis venu chercher ici, pour quelque jours : de l’humain, des repères chamboulés, un tourbillon d’images qui, peu à peu, fait vaciller l’intime et permet une redécouverte de soi… Le voyage ici sera, vous l’aurez compris, autant géographique qu’intérieur, quelque part entre la réalité et l’illusion…
Et il ne fait que commencer : demain soir, départ en train pour Bénares…
Quitter son train de vie pour prendre un train de nuit…. Toute ma conception du Voyage est là !
(Ambiance sonore :
« Street walk in Delhi’s Paharganj » – N. Mariette – www.soundtransit.nl)
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