Étrange étrangère que je suis. Étrangement perdue parmi tant d’étrangetés. Des semaines, des mois ont passé, et mon lyrisme exacerbé vous permet sans doute de remarquer que les choses ont évolué. De nouvelles aventures ont eu lieu, de plaisantes et de beaucoup moins agréables. La vie à Bytom se révèle nettement moins facile que ce qu’on pourrait penser. Tellement différente de ce à quoi je m’étais attendue que je connais actuellement ma deuxième « crise existentielle à tendance dépressive » du séjour. Cependant, le bon côté de la chose c’est que je suis devenue rousse entre temps…
« J’lève très haut ce foutu drapeau, ma terre d’exil, mes idéaux. Mes couleurs et mes peines pèseront sur mon fardeau. » « Mes racines sont toutes celles qui porteront le flambeau. Mon nom est inscrit sur une pièce d’identité, mon cœur a deux pays, Qui suis-je en vérité ? «
« Là-bas où ici je suis toujours étranger… »
En changeant de ville, en me déplaçant de vingt kilomètres, je me suis retrouvée confrontée à une nouvelle mentalité. Les habitants de ma nouvelle agglomération ne sont pas des anges. Loin de là. Il règne ici une violence ambiante, qui se ressent partout. De leur comportements à leurs visages, tout exprime une dureté que je n’avais jamais encore expérimentée. Leur visages fermés restent cependant illuminés par ces yeux, ces fameux yeux que seuls les polonais possèdent.
L’hostilité extérieure des gens ne s’arrête pas à cette face de chacals généralisée. Les Bytomois ne souhaitent pas d’étrangers sur leur sol. Parler anglais ici, est un signe extérieur de richesse qui attire l’attention et provoque moults réactions. Assises dans le bus Arta et moi avons souvent l’impression de jouer une scène de Shakespeare. Pour ne pas décevoir notre publique nous continuons à parler, à rire, et à nous montrer. Même si la tentation est grande de cesser toute communication entre nous. Nous ne sommes pas à Paris ici. L’étranger est une denrée rare. Etre l’exception dans cette région n’est vraiment pas agréable. Parlant anglais dans la rue avec Justyna (une nouvelle stagiaire de Kronika), les enfants s’esclaffent et se moque de nous. Justyna lâche un léger : « Rozumiem, rozumiem » (je comprends). Ce qui ne fait pas taire les jeunes gens. Bien au contraire, ils rient de plus belle. Pour eux, le fait de parler deux langues est inimaginables. Ce sentiment désagréable d’être une bête de foire est renforcée par le fait que les Polonais ne parlent pas anglais. Il ne le souhaite tout simplement pas. L’usage d’une autre langue que la leur, leur paraît être une absurdité. Même la banquière de Western Union, qui travail pourtant pour une compagnie dont de le nom est écrit dans la langue de Marlowe, ne fait aucun effort. Les contrôleurs de train encore moins.
Ah, là je m’arrête quelques minutes pour vous parler des trains.
Ici, il y a deux, ou trois sortes de trains. N’allez pas croire que tous se valent. Justement, non. Si vous prenez votre billet pour un « osobowy », et que vous montez dans un autre (qui peut partir du même quai à la même heure), votre erreur est fatale. A bord, le contrôleur vous demandera de racheter un autre billet (et ce même si les deux billets sont au même prix). Et si vous n’avez pas de quoi payer, on vous demandera purement et simplement de descendre du train, là où il est au moment du contrôle. Ce fonctionnement engendre des situations très cocasses. De façon générale, même en faisant de mon mieux, je me retrouve toujours dans le mauvais train. Cela dit, même les polack cent pour cent pur souche n’y comprennent rien.
Donc, les contrôleurs de trains se foutent royalement de la complexité du système. La loi est la même pour tous. Même pour les étrangers qui ne comprennent même pas qu’il puisse exister différentes sortes de train.
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J’ai tapé « crise existentielle » (d’expatriée ;)) dans Google et je suis tombée sur cet article. Ce que vous dites sur l’anglais me surprend ; j’habite en Irlande et les Polonais ici sont légion – c’est la première population étrangère du pays ! Ne sont-ce que les citadins qui s’exaptrient, alors ? J’aurais pensé que tout le monde connaissais quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui était parti en Angleterre ou en Irlande et que parler anglais aurait donc été un peu plus banalisé qu’auparavant (même si, de fait, mon propre séjour en Pologne en 1997, aussi court fût-il, ne m’a pas permis de parler beaucoup d’anglais ; tout le monde voulait nous parler en russe…) ; telle n’est apparemment pas votre expérience !