Deux princes tombent amoureux d’une même femme, une lutte pour le trône sur fond de jalousie, de rancoeurs et de trahisons. Du très classique mais efficace. Grand Prince Daegoon: Sarangeul Geurida est un drama historique coréen très agréable et émouvant qui mélange un soupçon d’action, une bonne dose de romance, des pincées d’intrigues politiques sur fond de réflexion sur les relations familiales.
Qu’il est difficile presque douloureux, ou du moins éprouvant de quitter une série qu’on a adorée… Même si la prochaine attend déjà et que le plus dur est d’ailleurs de la choisir, il y a un sentiment de vide, d’épuisement émotionnel après avoir été emportée dans un tourbillon d’aventures, de sentiments et de luttes aux côtés de personnages passionnants… Grand Prince Daegoon: Sarangeul Geurida (대군 – 사랑을 그리다) disponible sur Viki fait partie de ces sageuk que j’ai envie de conserver longtemps dans mon panthéon, même s’il n’est pas le meilleur. Qu’importe. Ce qui compte, c’est ce qu’une fiction réveille en nous profondément, au-delà de la surface des émotions qui sont inhérentes aux ressorts narratifs. Comme The King’s affection, le sageuk qui a réveillé en moi des prises de conscience sur ma propre vie et est devenu un révélateur et un refuge, au point d’occuper une place particulière dans mon coeur, sans que je me soucie de savoir si la réalisation était bonne, l’intrigue bien ficelée ou les acteurs convaincants. Pourtant, Grand Prince réalisée par Kim Jung Min (The Man princess) n’est pas exempte de défauts, ni de reproches, mais après avoir achevé les 20 épisodes de 1h10, je n’ai aucune envie d’en faire la critique. Je la ferai ultérieurement, quand j’aurais pris un peu de distance avec toutes ces émotions. J’ai beau regarder beaucoup de kdramas et notamment des sageuk, les drames historiques coréens, ce n’est pas pour autant que tous m’emballent ou m’émeuvent au point d’en pleurer. Je pleure rarement face à une oeuvre.
Pour mieux quitter un sageuk, je m’amuse à lire ce qu’en pensent les internautes qui ont jugé utile d’émettre un avis dessus. Je ne m’en tiens pas aux français, j’essaie de faire un petit tour de la réception de l’oeuvre pour voir les perceptions dans divers pays. J’aime l’idée de ne pas partager l’avis général. C’est le cas pour Daegoon Grand Prince qui a été moyennement apprécié par les spectateurs français, une intrigue et une réalisation considérées comme trop classiques et banales, avec un manque d’action (ce que je ne partage pas), un triangle amoureux entre deux frères adversaires, le gentil presque parfait et le méchant, obsessionnel, et une jeune femme passionnée, bienveillante et curieuse qui est à la fois obstinée, courageuse et assez naïve pour aggraver les situations voire les générer au lieu de les régler. Des acteurs certes fort appréciés pour leur prestation réussie et le charme et le physique séduisant de Yoon Shi Yoon en Lee Hwi, mais qui sont pris dans une histoire de trône jugée trop classique aussi pour apporter aux spectateurs ce qu’ils auraient espéré.
Grand Prince : un kdrama historique intense en émotions
Personnellement, j’ai juste A-DO-RE. J’ai savouré chaque seconde, chaque scène, sans le moindre ennui (mis à part la facilité du réalisateur qui à mis chemin reprend les 25 min initiales et génère une certaine frustration). J’avais le sentiment de voir évoluer des personnages de façon passionnante pour les accompagner dans leur turbulent chemin de vie, leurs épreuves si injustes et parfois traumatisantes.
La réalisation est maîtrisée, malgré une forme de paresse, qui consiste à reprendre un bloc entier et de le copier sans chercher à éviter cette longue redite entre le début de l’épisode 1 et le début du 9. Les 20 premières minutes de la série qui plantent le contexte en disent trop, bien qu’elles soient nécessaires à la compréhension de l’intrigue. Mais de là à reprendre ces scènes sans coupe, survenant déjà après une très très longue phase de souvenirs, c’est poussif. Ce choix évite les sempiternels flashbacks pour éclairer l’histoire ou les souvenirs des personnages, mais cela crée une forme de construction artificielle et quelque peu bancale, où l ‘on finit par se perdre dans la temporalité et ne plus trop savoir combien de temps est passé.
Les décors, les costumes, les paysages sont superbes comme souvent. Ils plongent à merveille dans l’univers du Joseon du XVème siècle, bien qu’il soit assez regrettable de ne pas avoir pu passer plus de temps dans le Nord avec l’expédition pour mater les Jürchen pour mieux découvrir ces terres hostiles et ces vastes étendues enneigées qui laissent entrevoir l’âpreté de la vie pendant l’errance de Lee Hwi et de ses compagnons. L’OST est spectaculaire, bien que les musiques et mélodies s’avèrent trop limitées à 2-3, mais dans les moments de tensions, elles sont très prenantes et créent cette aggravation de la tension dramatique. Dommage qu’il n’y ait pas eu plus d’effort pour l’enrichir. Le générique très beau en fait un bon résumé, comme la chanson finale.
Des personnages principaux et secondaires bien travaillés
Surtout, j’ai aimé les personnages qui des principaux aux secondaires sont fouillés, profonds, leur caractère et leur itinéraire personnel et social étant bien travaillés. Non seulement ils sont très performants du point de vue des émotions transmises, mais ils sont riches et complexes, très intéressants sur un plan symbolique et idéologique, d’autant qu’ils entretiennent des relations et des échanges intenses qui font réfléchir sur la famille (dans la Cour de Joseon ou en dehors) et gagnent en épaisseur au fur et à mesure du développement de l’intrigue. Toute leur densité tient à leur capacité à faire des choix et à les assumer et ces choix vont les transformer profondément en révélant leurs défauts, qui rendent leurs qualités encore plus admirables.
Et cela ne se limite pas au couple du grand prince Lee Hwi (Yoon Shi Yoon) et de sa bien aimée Sung Ja Hyun (Jin Se Yeon), qui a forcément la partie facile puisqu’il se bat pour la justice, la stabilité et l’amélioration de son pays, le rétablissement d’une autorité respectueuse du peuple et très grandement pour vivre son amour tranquillement, souvent d’ailleurs plus pour cet amour, même si les motivations les plus vertueuses reviennent vite. Leurs petits égoïsmes et sentiments de culpabilité mettent en exergue les états d’âmes auxquels les situations de troubles ou les environnements plus extrêmes les confrontent, mais Lee Kang, le cadet obsédé par le trône, porte sur ses épaules l’essentiel de la réussite de l’histoire et sa prestation est à la hauteur du défi.
Un triangle amour efficace
Les triangles amoureux, c’est très commun, mais tous ne sont pas efficaces, ni convaincants et là les acteurs ont largement contribué à la réussite de cette rivalité et de cette opposition entre loyauté et dévouement et convoitise de l’interdit. Car finalement peu de moments partagés par Lee Hwi et Ja Hyun avant le départ du Grand Prince permettent de forger la profondeur de leur amour. Certes, quelques scènes cocasses et une forme de connivence s’installe rapidement, mais de là à ne vivre que l’un pour l’autre, c’est un peu excessif et c’est bien la convoitise de Lee Kang qui va encore plus renforcer cet amour inconditionnel et confiance inébranlable l’un dans l’autre.
Dans les sageuk fondés sur des romances qu’il s’agisse de drames ou de comédies dramatiques, je suis souvent stupéfaite par une forme d’instantanéité des sentiments qui sont certes soumis à de nombreuses épreuves, mais ne remettent quasiment jamais en question la véracité de l’instant initial où tout s’est joué pour les héros. Je me suis laissée emporter, j’ai été captivée et j’ai dévoré cette histoire, en saluant le final digne et très bien traité, alors que souvent les fins m’irritent. Ici, cela sonne juste et c’est une vraie réflexion sur le sens et la place de chacun dans la famille et le devoir de la préserver et à quel prix, face aux ambitions de ceux qui préfèrent convoiter le pouvoir, au risque de voir mourir des personnes auxquelles ils devraient être attachés.
Des femmes fortes et déterminées
(attention spoiler)
Et quel bonheur de trouver des femmes fortes et déterminées, qui assument leurs ambitions et leurs missions et ne jouent pas forcément que le personnage positif (Na Gyum, malgré son côté antipathique est efficace, Cho Yo Kyung, la gisaeng, magnifique et envoutante avec son désir de sortir de son extraction modeste et qui comprend si bien la psychologie de chacun), des méchants de l’histoire qui suscitent une forte empathie et qui permettent d’éclairer la douleur intrinsèque de la solitude et du sentiment de ne pas être aimé et d’avoir été injustement rejeté, ce qui aggrave rancoeurs, ressentiments et désir de revanche. Au point d’avoir une ambition et une avidité sans limite et de croire qu’en obtenant tout ce à quoi on prétend, on sera mieux aimé et respecté. Ici, Lee Kang, en l’occurrence, joué par l’excellent Joo Sang Wook, incarne le prince qui veut prendre le trône au Wonja prince héritier trop jeune pour y monter après le décès de son père. En tant que protagoniste « méchant », il a joué un rôle essentiel dans cet intérêt pour la psychologie des personnages, qui sortaient de leurs modèles archétypaux pour révéler leurs failles et leurs ambivalences, tout en donnant l’impression au premier abord d’être simplement envieux, avide et cruel. Il n’en est rien. Bien au contraire. Qu’est-ce qu’il transmet bien sa douleur, avec son regard infiniment triste quand il recherche en vain la considération de sa mère, la Reine douairière qui lui refuse son affection et sa confiance pour protéger le trône pour son petit-fils et plus encore quand il regarde Ja Hyun, et comprend peu à peu que malgré toutes ses actions, elle ne l’aimera jamais et que la posséder n’a pas de sens du moment que ce désir ne devient pas de l’amour réciproque. Na Gyum, son épouse, se retrouve confrontée à la même tragédie intérieure avec son propre cheminement, pas si facile, même si rapidement, elle préfère renoncer à son rôle d’épouse (mais pas d’amante jalouse) pour devenir vassale et donc une actrice qui reste proche et accompagne dans la « grande cause » du grand Prince poussé par son oncle frustré d’avoir été lui-même privé de toute chance de monter sur le trône.
Le personnage de la reine douairière qui choisit les affaires politiques au détriment de la protection de l’ensemble de sa famille et accepte de sacrifier son plus jeune fils Lee Hwi en qui elle a toute confiance, est capital dans la compréhension des relations familiales au sein de la Cour de Joseon et de l’éducation différentiée et du traitement porté à ses enfants, lesquels aggravent le fossé ente les membres et les transforme en rivaux, alors qu’il aurait pu en être autrement. Sauf que dans cette éducation royale, il semble logique de considérer les frères comme des ennemis et les élever en tant que tels, voire les éliminer parfois. Impossible de ne pas mentionner Roo Si Gae, la jeune fille Jürchen devenue compagnon de route de Hwi et Park Gi Teuk, après les avoir sauvés. C’est un personnage que j’ai trouvé essentiel et qui aurait pu avoir une place encore plus notable (et cela aurait été justice), car elle est authentique, directe, juste et le peu qu’elle exprime est crucial pour les messages développés.