Jack o’Frost est un très séduisant drama japonais de la catégorie BL (*boys love, histoire d’amour homosexuelle masculine) réalisé par Yasukawa Yuka et Takahashi Natsuki. J’ai beaucoup aimé cette histoire sensible autour de la perte de mémoire initiée après une rupture, qui pourrait être assez dramatique. Car il n’est jamais facile de n’oublier qu’une partie de ses souvenirs ou une personne en particulier liée au traumatisme initial et de devoir partir en quête de cette partie manquante dont rien ne dit qu’elle saura être ravivée ou reconstituée…
L’amour en mémoire : une histoire sensible entre amnésie et seconde chance
Le synopsis démarre avec la rupture entre Fumiya et Ritsu, autrefois amis et colocataires devenus un couple en souffrance et victime d’une certaine routine. Insatisfait dans la relation, Fumiya prend l’initiative de quitter Ritsu le jour de son anniversaire. Choqué par la nouvelle, Ritsu préfère fuir sans entendre les explications de son amant. Mais un accident peu de temps après oblige Fumiya à reconsidérer sa décision.
Point de drame ou de pathos. Grâce à une écriture et une narration fluide, l’intrigue est abordée tout en douceur et portée par les valeurs de patience et de bienveillance. Les deux protagonistes sont attachants et pudiques dans leurs échanges aussi bien au temps où ils formaient un couple que quand ils se retrouvent confrontés à l’amnésie. Ils sont terriblement kawaï quand ils échangent des sourires et des regards affectueux et s’effleurent subrépticement, alors que Ritsu n’a pourtant toujours pas conscience de la nature de sa relation avec Fumiya. Ils interagissent à merveille, d’autant que les acteurs les incarnent avec un grand naturel, en toute simplicité, sans surjouer contrairement à ce qui arrive souvent dans les dramas bl japonais… J’ai apprécié la réserve de Fumiya, qui évolue intérieurement pour gommer ses frustrations de sa relation passée avec Ritsu et mesure peu à peu l’importance et la place qu’il tient dans sa vie et la manière dont Ritsu se retrouve petit à petit à travers l’art de l’illustration pour évoluer également et réapprendre ce qu’il avait oublié sans s’en rendre compte lors de la routine du quotidien.
Sur la voie des souvenirs perdus entre poésie et nostalgie
Jack o’Frost est poétique, attendrissant, dans l’esprit des séries et films japonais BL que je préfère comme His (Son) et His I didn’t think I would fall in love, Eternal yesterday ou Restart after comeback home. J’aime plus encore cette atmosphère hivernale mélancolique jusque dans les décors et la grisaille des cieux qui curieusement met très bien en évidence l’intériorité des personnages et leurs émotions entre nostalgie, positivité et espérance … Les réminiscences de Fumiya sont très émouvantes, surtout qu’il est probablement le personnage le plus perturbé et affectif. Il se trouve embarqué dans une profonde remise en question pour apprendre à communiquer ses ressentis également à travers les mots, bien que ce soit un exercice difficile pour lui et qui explique en partie l’échec de sa relation initiale avec Ritsu.
Le chemin des souvenirs est recomposé avec délicatesse ; tout d’abord à travers la mémoire individuelle de Fumiya qui forcément peine à la partager avec celui qu’il aimait et aime toujours mais n’a plus aucun souvenir de leur relation, puis peu à peu au fil de la nouvelle complicité qui les lie et restaure les sentiments profondément ancrés dans des gestes, des odeurs, des goûts, des dessins ou des lieux attachés au passé commun. Même si la question de l’amnésie n’est guère originale dans les histoires de seconde chance, elle est ici développée avec une grande justesse dans les intentions pour nourrir cette relation amicale et amoureuse, où l’on explore le passé pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné à un moment et a entraîné une séparation jusqu’à ce que le destin rappelle les évidences et les petits riens grâce auxquels deux personnes sont faites pour se retrouver et s’aimer.
Jack o’Frost est une oeuvre réussie de bout en bout et dans l’esprit « feel good », que l’on dévore avec un sentiment de frustration à l’idée qu’elle soit bien trop courte.