Katyn est le premier grand film à s’intéresser de près au massacre de Katyn, un traumatisme majeur dans l’histoire moderne de la Pologne. Andrzej Wajda, dont le père figure parmi les victimes de ce massacre, ne pouvait que s’intéresser à ce sujet, lui qui aura ausculté l’Histoire polonaise à travers chacun de ses films.
En avril 1940 dans la forêt de Katyn, des milliers de polonais sont massacrés par les armées de Staline. Les charniers sont découverts un an plus tard par l’armée Nazie lors de son offensive vers le front Est, après la rupture du pacte germano-soviétique…
Le début du film montre une Pologne prise sous l’étau, attaquée à la fois par les soviétiques et par les nazis. La Pologne est dévastée et le peuple se déchire. Wajda revient sur ce traumatisme fondateur de l’histoire moderne de la Pologne, alors que les faits sont à peine digéré aujourd’hui.
Il s’intéresse à la trajectoire d’une famille vite déchirée dès lors que le père est fait prisonnier par les soviétiques. Sa femme, sa fille, sa mère sa soeur, ne le reverront jamais mais elles le chercheront tant que l’espoir sera permis. Avant d’être envoyé à la mort, Andrzej écrit des lettres dans lesquels il raconte ce qu’il vit et ce qu’il voit. Ces lettres finiront toutes par parvenir à Anna, son épouse, même des années plus tard, après la guerre.
Le tabou autour du massacre s’explique par le fait que la Pologne n’a pas su reconnaître l’URSS comme la responsable de ce massacre. La Pologne n’a pas su admettre que ces charniers ont été découvert par l’ennemi Nazi ; et qu’ils auront été l’oeuvre d’une armée soviétique qui aura finalement libéré Varsovie de l’emprise Hitlérienne. Ainsi le film raconte le traumatisme de Katyn au-delà de la guerre en elle-même. Lorsque le temps de la reconstruction arrive, le poids des évènements de Katyn va encore peser lourdement sur les consciences. Il n’est pas permis de prétendre qu’un proche à été tué à Katyn. On empêche les familles de graver les pierres tombales avec la référence au massacre. On peut empêcher une embauche ou une admission à l’université sous ce prétexte là aussi.
Le film Katyn s’achève de la manière la plus douloureuse qui soit. Wajda montre le massacre dans toute sa barbarie. Les milliers de polonais tués dans la forêt de Katyn l’ont été individuellement, les uns après les autres, d’une balle dans la tête. La mise en scène est sobre mais l’effet est malgré tout saisissant. On en vient aussi à se poser une question. Quels genre d’hommes sont ses soldats russes qui ont exécutés sommairement par centaine ces milliers de polonais ? Quels genre d’hommes étaient-ils et qu’on t’il pu devenir après la guerre ? Une telle barbarie est difficile à concevoir, alors même que d’autres guerre horribles se poursuivent aujourd’hui, parfois dans l’indifférence.
L’indifférence, elle aura aussi touché le film de Wajda, en France tout au moins. Ce maître incontestable du cinéma polonais, palmé à Cannes en 1981 pour L’Homme de fer, honoré par un Oscar d’honneur en 2000 et nommé en 2008 à l’Oscar du meilleurs film étranger, n’a toujours pas eu le privilège de voir sortir son film chez nous. La sortie à pourtant été annoncée. Mais Katyn n’a pour le moment été diffusé qu’en catimini sur Canal + le mois dernier. Wajda mérite plus d’égard, et son film aussi, car Katyn est édifiant mais hautement recommandable, essentiel même.
Benoît Thevenin
NB : l’actualité pour Wajda, c’est aussi la présentation de son dernier film, Tatarak lors du festival de Berlin (5-15 février).
EDIT : Katyn bénéficie finalement d’une sortie salle grâce au distributeur Kinovista. Sortie le 1e avril 2009
Avec Artur Zmijewski, Maja Ostaszewska, Andrzej Chyra, …
Année de production : 2007
Un reportage historique éloquent sur le massacre de Katyn : Staline et les bourreaux de Katyn
Sandrine Monllor vous recommande un très bon reportage pour découvrir ou réviser l’un des massacres les symboliques en Pologne pendant la Seconde guerre mondiale : Staline et les bourreaux de Katyn éclaire sur le processus d’élimination d’une grande partie de l’armée et de l’élite polonaise.
La forêt de Katyn est tristement associée à un massacre de plusieurs milliers d’officiers de l’armée polonaise entre le 3 avril et le 13 mai 1940. Les exécutions ordonnées par Staline et le Politburo furent l’oeuvre de la police politique de l’Union soviétique, le NKVD, qui choisit l’élimination par balle tirée dans la partie postérieure du crâne. Le NKVD fut entraîné pour que le massacre soit réalisé de la manière la plus efficace et professionnelle et avec des munitions allemandes pour qu’il soit considéré comme l’oeuvre des Nazis… Le nombre de morts et déportations des officiers, soldats, cadres de l’armée et de la vie civile polonaise (médecins, enseignants) pour les massacres de Kharkov, Kalinine en Mednoïe, Katin près de Smolensk s’élèverait à 66 000 à 85 000 victimes, auxquels s’ajoutent ceux de Biélorussie orientale et occidentale.
Entre propagandes russes, positions des gouvernements occidentaux, il fallut des décennies pour faire toute la vérité sur le massacre de Katyn. Il fut l’objet d’une longue bataille, constituée de recherches historiques, d’analyses scientifiques, de démarches diplomatiques, jusqu’à ce que l’ouverture partielle des archives soviétiques permette de clore une passionnante enquête pour la reconnaissance de la seule responsabilité des soviétiques dans les massacres.
Katyn reste un événement d’autant plus douloureux dans la mémoire des Polonais, que le 10 avril 2010, alors qu’ils se rendaient aux célébrations du massacre de Katyn, une 100 aine de personnes, officiels et officiers, familles des officiers décimés, périrent à leur tour dans un crash de leur Tupolev, lors de la catastrophe aérienne de Smolensk.
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Je ne connaissais pas – Merci, ça m’intrigue et me heurte en même temps . Je pars en recherches de documentations –
J’ai entendu ça à la radio ce matin sa disparition… entre la météo et le foot. Désolant.
(et je passe sous silence la prononciation désastreuse de son nom…)
Un petit tour sur Forvo.com et les journalistes peuvent prononcer comme il faut 🙂
En plus il y avait matière à développer un peu, Katyn est justement indirectement d’actualité : c’est en se rendant à la commémoration de ce massacre que Lech Kaczyński a perdu dans la vie dans l’accident d’avion de Smolensk. C’est cette catastrophe que le pouvoir polonais actuel remet sous les feux de l’actualité, accusant ouvertement Poutine d’être à l’origine de ce qui est pour eux un attentat et non un simple accident.
Terrible catastrophe qui vient de frapper à nouveau la Pologne 70 ans après cette tragédie où plusieurs milliers d’hommes ont été massacrés. Le film est remarquable, il donne la mesure de ce que fut cet épisode longtemps tabou et méconnu de la 2ème guerre mondiale. Il est très dense, prenant de bout en bout et interprété avec justesse.