La Latgale est l’une des quatre régions historiques et culturelles de la Lettonie, reconnues par la Constitution lettone.
Latgale, une région à l’histoire particulière en Lettonie
La Latgale se trouve au sud-est de la Lettonie et a des frontières communes avec la Russie, le Bélarus et la Lituanie. Sa capitale administrative est Daugavpils (101 000 habitants), mais son cœur est Rēzekne (Latgales sirds). Elle se distingue du reste de la Lettonie par sa forte minorité russe et sa religion catholique.
A l’origine, le territoire actuel de la Latgale était habité par des tribus baltes orientales, dont le langage donnera naissance au Latgallien moderne (encore parlé) et au Letton. Comme le reste de la Lettonie, la Latgale a subi les invasions de tous ses voisins.
Le tournant se produisit pendant le Guerre de Livonie (1558 – 1583), pendant laquelle la Latgale fut annexée (1559) par le Grand-duché de Lituanie. Le Tsar Ivan IV (le Terrible) y renonça définitivement en 1582 par la Trêve de Jam Zapolski.
En 1621, alors que la plus grande partie de la Livonie était cédée à la Suède, la Latgale resta vassale de la République des Deux-Nations polono-lituanienne. Elle sera connue depuis lors sous le nom d’Inflantie polonaise. C’est à cette époque que le dialecte Latgallien sera influencé par le Polonais et se développera séparément du Letton. Cette longue période polono-lituanienne (1559 – 1772) explique également que la Latgale soit restée catholique.
La République des deux Nations en 1635
Car, en 1772, la Latgale fut annexée par l’Empire russe et en 1865 commença une période de russification pendant laquelle le Latgallien (écrit en écriture latine) fut interdit (de 1871 à 1904). C’est à cette époque que le dialecte Latgallien sera influencé par le Polonais et se développera séparément du Letton. Cette longue période polono-lituanienne (1559 – 1772) explique également pourquoi la Latgale soit restée en grande partie catholique.
En 1917, le Congrès de Rēzekne était partagé entre partisan d’une autonomie au sein de l’Empire russe et réunification avec le reste de la Lettonie. Finalement, la déclaration d’indépendance du 18 novembre 1918 stipulait que la Latgale faisait partie de la République de Lettonie, ce qui ne fut reconnu qu’en 1920 par la Russie soviétique.
En 1944, au début de la deuxième occupation soviétique, la partie orientale du district d’Abrene fut incorporée à la Fédération de Russie. Ce n’est qu’en 2007 que la Lettonie renonça à réclamer cette portion de son territoire, rebaptisée par les Russes Pytalovo.
Latgale aujourd’hui
Aujourd’hui, on parle de la Latgale car elle est sur la liste des objectifs potentiels d’une Russie expansionniste. Il se dit même que certains s’y livreraient déjà à de la propagande pro-russe dans les régions frontalières de la Russie et prôneraient même un rattachement à la Fédération de Russie.
En septembre 2014, un membre du Parlement letton avait signalé que des activistes pro-russes faisaient du porte-à-porte à Daugavpils. A l’époque on avait accusé l’Union russe de Lettonie (nouveau nom depuis les élections européennes de 2014 de Pour les droits de l’homme dans une Lettonie unie / PCTVL en letton) de Tatjana Ždanoka, député européen, « observateur » au « référendum » du 16 mars 2014 en Crimée.
En novembre, c’est le maire de la petite ville latgallienne de Kraslava qui faisait état également d’opérations de porte-à-porte, y compris dans les écoles et dans les administrations, par des militants prônant la sécession de la Latgale et son rattachement à la Russie.
Dans le cas des images signalées sur internet, la Police de Sécurité lettone (Drošības policija) orienterait ses investigations vers l’activiste pro-russe, leader du parti non reconnu national-bolchevique Vladimir Linderman (non-citoyen letton).
Un scénario comme dans le Donbass est-il à redouter ? Ce sera moins facile dans la mesure où la Lettonie est membre de l’UE et de l’OTAN. Et il n’est pas sûr que les Latgalliens / Lettons, même russophones, aient envie d’être « sauvés » par Vladimir Poutine ! En cas d’agression, même par « petits hommes verts », on se rappellera l’article 5 du Traité de Washington : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ». Mais, avec un Vladimir Poutine passé maître dans l’art de la maskirovka (terme qui regroupe à la fois camouflage, dissimulation, tromperie, désinformation), on peut s’attendre à tout !
QUE VOIR ET QUE FAIRE DANS LA RÉGION DE LATGALE ?
Basilique Aglona et son pèlerinage marial
Aglona est une localité située en Latgale, à une quarantaine de kilomètres au nord-nord-et de Daugavpils. Elle est célèbre par sa basilique catholique, centre du catholicisme en Lettonie, pays plutôt de tradition luthérienne. Le fait que la Latgale soit restée catholique lorsque le reste de la Lettonie (Livonie, Courlande) a accepté la foi luthérienne au XVIe siècle, puis qu’elle ait été sous domination polonaise de 1629 jusqu’en 1772, explique qu’elle soit encore aujourd‘hui majoritairement catholique.
L’église d’Aglona, de style baroque, a été construite par des Dominicains venant de Vilnius entre 1768 et 1789, en remplacement d’une église en bois datant de 1700 qui desservait leur couvent. Ce couvent avait été créé à l’initiative d’une riche propriétaire locale, Eva Justine Shostowicka-Selicka, qui avait invité les Dominicains à venir s’installer afin de renforcer le catholicisme dans la région, encore largement empreinte de paganisme. Le premier à venir répondre à cet appel, en Aout 1698, fut le Père Remigej Mosokowski, provincial des Dominicains de Vilnius.
Mais surtout c’est à cet emplacement que la Vierge Marie est apparue, le 15 Aout 1698, à une jeune fille du nom d’Anna. Le Père Remigej aura lui-même la vision d’une église blanche avec de grands clochers. Devenu le premier prieur du monastère d’Aglona, c’est lui qui entreprendra la construction du monastère et de l’église.
Au début de leur installation, les Pères Dominicains eurent à affronter les tourments de la Grande Guerre du Nord (1700 – 1721) entre la Russie et la Suède. Mais, ayant aidé les populations locales sur les plans matériel et spirituel, ils virent les pèlerins affluer en grand nombre pour prier l’icône de la Vierge Marie (icône datant probablement du XVIIe siècle, donc plus vieille que l’église), réputée avoir des vertus miraculeuses.
Les pèlerinages à Aglona ont continué au cours des siècles, y compris pendant la période de répression soviétique. Le point culminant fut la visite historique du Pape Jean-Paul II, devant 380 000 fidèles en septembre 1993, la première visite papale qui ait jamais eu lieu en Lettonie.
Aujourd’hui, le plus important des pèlerinages à la basilique d’Aglona a lieu le 15 Aout, Fête de l’Assomption de la Vierge Marie. Il attire des dizaines de milliers de personnes, non seulement de Lettonie, mais aussi de Russie, du Belarus et de Lituanie. Entre 30 et 40 000 pèlerins sont déjà arrivés à Aglona, certains à pied. Mais la police s’attend à ce qu’ils soient 100 000 aujourd’hui 15 Aout. Une façon de montrer sur le terrain que, dans cette partie de l’Europe, on se souvient de ses racines chrétiennes.
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