Les cinéphiles connaissent surtout le fils, Sergueï Eisenstein (1898 – 1948), cinéaste réalisateur entre autres du « Cuirassé Potemkine », d’ « Alexandre Nevski » et d’ « Ivan le Terrible ». Les amateurs d’art connaissent, eux, surtout le père, Mikhaïl Eisenstein, célèbre pour ses réalisations d’immeubles Art Nouveau.
Quand je fais visiter Riga, je demande, généralement dans le quartier Art Nouveau, quel est l’architecte letton célèbre dont le fils fut encore plus célèbre que lui. Quand j’ajoute que le fils était cinéaste, ça n’éclaire généralement pas la lanterne de mes interlocuteurs.
Et pourtant, une bonne partie des immeubles Art Nouveau de Riga, qui constituent 1/3 des immeubles du centre historique et moderne, ont été construits par l’architecte Mikhaïl Eisenstein. Et son fils, Sergeï Eisenstein, est un cinéaste universellement connu, grâce notamment à son film « Le cuirassé Potemkine », considéré en 1958 comme le meilleur film de tous les temps.
Mikhaïl Eisenstein, figure majeure de l’art nouveau à Riga
Ci contre : Mikhaïl Eisenstein, son épouse et le petit Sergueï
Né le 5 Septembre 1867 à Saint-Pétersbourg (sous réserve qu’il n’y ait pas eu confusion entre calendriers julien et grégorien, certaines sources citant le 17 Septembre), Mikhaïl Eisenstein est d’origine germanique juive du côté paternel et suédoise côté maternel, assimilé dans la société russe.
Il sort parmi les premiers de l’Institut des ingénieurs civils de Saint-Pétersbourg en 1893 et s’installe à Riga, a priori en 1895, alors dans l‘Empire russe, gouvernement de Livonie. Il devient architecte des édifices publics de Riga puis de toute la Livonie. Il se marie en 1897 et s’installe alors au 6 avenue Nikolayev, aujourd’hui Krišjāņa Voldemāra, où il habitera jusqu’au 10 Août 1917.
Parallèlement à son emploi de chef du département du trafic routier de la province de Vidzeme, il maintiendra une activité architecturale soutenue, et c’est pour cela qu’il est connu à Riga. Car, pendant les deux décades 1897 – 1917, il construira à Riga 19 bâtiments dans le style à la mode du moment : l’Art Nouveau.
Séparé de son épouse, à qui il reproche son infidélité, en 1909, la famille va finir d’éclater avec la révolution d’octobre 1917. Sergueï s’engage comme volontaire dans l’armée rouge, alors que son père rejoint l’armée blanche comme ingénieur. Avec la prise du pouvoir par les bolcheviques, Mikhaïl s’enfuie à Berlin où il mourra le 2 Juillet 1920 (Sergueï n’apprendra sa mort que 3 ans plus tard). Il est enterré au cimetière orthodoxe russe de Tegel.
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Sur les pas de Mikhail Eisenstein à Riga
Photo : 19 Strelnieku iela
Mikhaïl Eisenstein construit trois immeubles entre 1897 et 1901, le premier au 19 Strēlnieku ielā, mais dans le style neo-classique. Même s’il n’est pas certain qu’il ait voyagé à Paris pour voir l’Exposition Universelle de 1900, celle-ci a eu une importance essentielle, ne serait-ce qu’à travers les catalogues, sur la découverte de l’Art Nouveau par Mikhaïl Eisenstein.
On se souviendra par exemple des entrées de station de métro (la ligne Vincennes – Maillot a été inaugurée le 19 Juillet 1900) dessinées par Guimard. Cette influence se ressentira dès 1901 avec le bâtiment du 33 Elizabetes ielā.
Mikhaïl Eisenstein construira d’autres immeubles, jusqu’en 1911 (Lomonosova ielā 3), mais dans un style géométrique plus rigide, l’Art Nouveau étant brusquement passé de mode.
Six des immeubles construits par Mikhaïl Eisenstein sont situés dans l’Alberta ielā, devenue la concentration la plus dense de bâtiments de ce style en Europe.
On notera les deux sphinx qui flanquent l’entrée du 2a Alberta ielā, le dernier bâtiment Art Nouveau construit par Mikhaïl Eisenstein en 1906. Son fils Sergueï, qui était aussi un dessinateur prolifique dès l’âge de 10 ans, aimait ces deux sphinx et les avait croqués. On les retrouve paraît-il dans « Le Cuirassé Potemkine » (réalisé en 1925), je vous laisse vérifier.
« Mikhail Eisenstein, Themes and symbols in art nouveau architecture of Riga (1901 – 1906) » de Solvega Raša, Neptuns Riga, 2003 (en letton et anglais).
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