Ecrire c’est arpenter des univers, ceux que l’on connaît déjà et, de façon plus excitante ,ceux qu’on ne connaît pas encore et dans lequel on va se lancer. Challenge ! On ne peut en ressortir qu’enrichi.
Avec « La vie aussi est voyageuse » (à paraître), j’ai arpenté l’univers d’un astrophysicien, j’en ai appris un peu plus sur les étoiles et les trous noirs. J’ai aussi parcouru les terres d’Isan avec Amata à la recherche de sa mère biologique, là, j’étais en terrain connu parce que ma fille adoptive est de cette région et que j’y ai enseigné pendant 4 ans.
Mais cette histoire est terminée, elle est maintenant entre les mains de mon agent et des éditeurs, alors » aléa jacta est » !
Je me sens un peu orpheline de personnages qui m’ont accompagnée tout au long de l’écriture de ces 3 romans, j’en ai pourtant fini avec cette trilogie qui se déroulait en grande partie en Thaïlande. Je me rends compte à présent, que ces romans décrivaient une quête : celle d’un demi-frère Karen, pour « Théâtre d’ombres« , celle d’un amour ayant perdu la mémoire dans les montagnes birmanes pour « Là où s’arrêtent les frontières », et celle de la mère biologique dans « La vie aussi est voyageuse ». Ce n’était pas voulu, j’en fais le constat après ces 4 années d’écriture. Mes 3 « opus » (comme disait un illettré prétentieux) étaient des remontées dans le temps, aux origines, ou dans la mémoire, ils se referment sur la Thaïlande, du moins pour l’essentiel, ainsi en ai-je décidé.
Ecrire me manque, alors je me suis mise à la recherche d’un sujet loin des précédents. Pour le terreau inconnu, ce sera sûrement 2 univers qui vont se rencontrer, et l’un détruira probablement l’autre. Celui de la blonde Camille, linguiste, chercheuse au CNRS et traductrice de langues asiatiques à ses heures (une façon de ne pas oublier la Thaïlande, car Camille parle thaï et mandarin) et celui de la jeune et brune Floriane, beauté étrange autant que désarmante mais manipulatrice perverse.
L’une est intellectuelle. Elle a le don des langues et pense qu’il faut lire plus d’une langue pour « déconstruire les fausses idoles » (Georges Steiner). Erudite mais naïve. L’autre, plus jeune, est une pyromane des sentiments qu’elle fait naître avec un don de manipulatrice monstrueuse. Sans quasiment user de mot. « L’une parle, enseigne et écrit, l’autre se tait. », là se trouvera certainement la trame de ce prochain roman. La mort – accidentelle ou pas – sera au rendez-vous. Fatale, inévitable.
En attendant je me plonge dans les études sur la perversité, le harcèlement moral, sur les travaux de Claude Hagège et de Chomsky et sur l’œuvre de Georges Steiner, philosophe du sens. Avec mes petits carnets de notes toujours à portée de main. Petit carnet qui va devenir ma bible, ma thora.
Et c’est fou, dès l’instant où la pensée s’organise autour d’une idée, j’ai l’impression que « tout vient à moi », que « tout est signe » : la conversation avec mon ami japonais au petit déj , un article dans libé, un livre qui me fait des clins d’oeil dans la librairie « L’œil écoute » où je passe quasiment chaque jour… Et bien sûr l’excitation d’écrire à nouveau.
Ecrire : Avancer nue … avec pudeur
Il doit y avoir quelque chose de prétentieux à vouloir écrire un blog chaque jour, mais sans doute existe –il autant de raisons qu’il y a d’individus qui se plient à cet exercice sur la toile. Écrire c’est s’exposer, car c’est – fatalement – prendre partie, émettre une ou des opinions, réagir aux événements du monde qui vous entoure… et tout cela en fonction de votre personnalité, de votre sensibilité, de votre culture et de vos expériences.
Écrire c’est une façon de se mettre à nu, même si certains auteurs utilisent des masques ou des avatars ou si d’autres – plus talentueux – ont le don de brouiller les pistes en se cachant derrière les mots. Écrire un blog est un peu diffèrent du travail de romancier, c’est une sorte d’écriture intime rendue publique. Il doit bien y avoir de l’exhibitionnisme dans cette forme d’écriture là, car plus qu’ailleurs, les mots sont impudiques puisqu’ils vous révèlent aux autres.
Mais écrire c’est être libre. On ne le fait jamais sous la contrainte ou pour des raisons alimentaires. Écrire c’est s’exposer au jugement des autres (quand ils en ont), c’est informer de façon arbitraire puisqu’on choisit soi-même les sujets que l’on va développer…même miss météo est soumise à contestation.
Écrire, c’est consciemment ou non, vouloir convaincre, c’est donc être responsable de ce que l’on avance, c’est surtout enfanter chaque mot, chaque phrase, chaque idée, comme le produit de votre imagination, de votre conscient ou de votre travail.
Écrire c’est respecter ceux qui vous lisent tout en leur donnant éventuellement du plaisir, de la distraction et parfois des informations. Écrire publiquement c’est partir du principe que le lecteur est « intelligent », c’est en tout cas lui accorder ce crédit.
Écrire c’est s’accaparer un droit fondamental : celui d’occuper un espace, de le faire savoir et d’entrer insidieusement dans l’esprit de certains lecteurs, avec l’envie parfois de le convaincre, de le faire rêver et au mieux, de le faire réfléchir.
Écrire c’est aggraver son égo. Oh ! Ça vient tout seul et subrepticement, et on ne s’en rend pas toujours compte au début. Comme les comédiens, soucieux de savoir combien de spectateurs ont vu leur film ou leur pièce, comme les animateurs de télé, obsédés par l’audimat et la culture du toujours plus…. Mais avec l’ego qui grossit, la sensibilité elle aussi se développe et s’expose. Une sensibilité à fleur de peau qui fragilise et déstabilise. « Tout se paye dans la vie, le bien comme le mal. Le bien forcément, c’est plus cher » écrivait Céline.
Écrire c’est être accessible à tous ceux qui le souhaitent, c’est donc abolir certaines distances et en même temps c’est constater qu’une barrière entre vos lecteurs et vous est nécessaire, plus haute que jamais. Par nécessité. Parce qu’il faut se protéger des réactions de frustration, de jalousies ou d’envie. (Ou pire… je n’ose pas écrire certains mots…)
Écrire c’est assumer ce que l’on écrit parce que cela nécessite un minimum de réflexion, de recherche, d’élaboration.
J’ai vécu plus de vingt ans à côté des plus grands (hommes politiques, écrivains, acteurs, créateurs) et raconter cette partie de ma vie avec ceux auprès de qui j’ai beaucoup appris, pourrait paraître prétentieux, alors il faudra vous contenter de cela, TOUS – excepté certains – avaient mis de la distance entre eux et ceux qui les faisaient vivre (lecteurs, spectateurs, admirateurs, votants), une distance nécessaire qui allait jusqu’à marteler pour quelques uns : « Les autre n’existent pas » !
Ce qui est la pire des formules et la meilleure des protections si l’on veut continuer d’avancer, de jouer, d’écrire, de créer. A un certain niveau du parcours, pour avancer sur un chemin qui n’est jamais facile, il faut savoir oublier les autres, car si les blessures font trop mal, elles vous empêcheront de continuer, et alors ce sont les autres qui auront gagné. Et bientôt ils n’entendront plus que ce qu’ils ont envie d’entendre, que : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », ou l’inverse – tout aussi stupide – que « tout le monde est méchant, et que la guerre c’est pas bien »
J’écris, et là je parle de mon blog (et non de scenario ou autres formes d’écritures auxquelles j’ai participé à la télévision ou à la radio), je ne me pensais pas capable de le tenir sur la longueur. Il est devenu une sorte d’exercice dispensateur d’adrénaline. C’est ce que doit ressentir le coureur de fond, j’imagine.
Enfin écrire c’est osciller entre deux vérités et deux mensonges. C’est « créer » ,de façon modeste et à sa mesure, c’est, en fin de compte « avancer nue avec pudeur… Et surtout seule ».
Et je crois bien que c’est tout le paradoxe de l’écriture quelle qu’elle soit. C’est donc accepter ce paradoxe avec une vraie humilité et un immense orgueil.
Parce que tout est paradoxe : l’amour, la vie.
Parce que tout est complexe : l’amour, la vie.
Un jour peut-être… ou comment la vie devient un roman – parfois –
Ma vie est dans mes romans et je suis bien trop occupée à la vivre pour la rêver. Alors je l’écris et j’écris depuis que j’ai…probablement 12/13 ans, l’âge où, lisant « le Journal d’Anne Franck » comme tous les ados de mon âge, je décidais décrire un journal à mon tour. Ma vie n’était sûrement pas passionnante mais un jour peut-être…
Un pensionnat de jeunes-filles avec des bonnes-sœurs, la messe tous les matins, « chapelet » à 5 heures et prières du soir en commun, confessions chaque semaine et un aumônier au nez fleuri qui devait sûrement boire un peu trop de vin de messe… Un jour, il avait demandé à rencontrer mes parents pour leur dire : « Votre fille, comme l’archange Michel dont elle porte le nom et qui vainquit le démon, elle sera tout ou rien. Ou plutôt « tout » ou « tout »… » Comprenez par-là « ou bien elle tournera mal ou elle tournera bien mais ce sera toujours aux extrêmes. (Je crois avoir dit à l’époque que je voulais être missionnaire en Afrique !). Un tel jugement ne pouvait qu’affoler mes parents quant à mes fréquentations (archi surveillées) et mes écrits. Un jour ils sont tombés sur un des fameux cahiers dans lesquels je racontais que j’étais décidée, en allant à une surboum à laquelle je me rendais « en douce » un après-midi,,(oui on disait comme ça), que j’avais l’intention d’embrasser un maximum de garçons ». Les interdits ça rend un peu « wild ».
Donc je ne suis pas allée à la boom et à partir de cet instant j’ai confié mes cahiers à un copine qui, avec le temps, a prétendu les avoir perdus. Mais je la soupçonnerai toujours d’avoir voulu les garder pour tenter d’y trouver le nom des petits copains que je lui aurais chipés.
Comparé à aujourd’hui, embrasser une bande de boutonneux qui ne savaient même pas se servir de leur langue, c’était vraiment du pipi de chat quand on pense à une certaine jeunesse qui boit vite et fort. Après tout je n’ai goûté qu’aux échanges de salive, jamais à l’alcool, aux drogues ou ses substituts. Ca suffisait pourtant pour qu’on me promette l’enfer. Mais comme mon ange gardien avait vaincu le diable, je n’avais pas trop peur.
Terre d’Isan, pres de Loei
riviere pres de Phitsanulok
Donc ni drogue ni alcool, je voulais vivre ma vie en toute lucidité. Et finalement je suis ce que je suis, grâce ou à cause de mon éducation, de mes parents et de l’ombre de cet ange du bien et de ce bel et tentateur ange du mal. Les angelots et l’angélisme, pas pour moi !
Bien sûr parler du diable et d’un archange n’était absolument pas le propos prévu de mon blog ce matin, mais vous n’avez pas idée de ce qu’une phrase, un mot, une réflexion, une photo peuvent mettre en route et activer dans ma mémoire quasi intacte. Je l’entretiens d’ailleurs avec mille exercices, la mettant sans cesse à l’épreuve afin de la garder active le plus longtemps possible et surtout « réactive ». Pas comme mon ami thaïlandais par exemple, qui, lui lorsque j’évoque un évènement survenu il y a un mois ou une semaine, prétend ne pas se souvenir, « car », dit-il « je vieillis ». Là, j’ai envie de le battre. 63 ans et alors ? Et puis je n’ai pas le choix et finit par accepter cette fatalité thaïlandaise, car :
1) les thaïs en général n’exercent pas beaucoup leur mémoire (je demandais récemment à une prof si elle connaissait le nom du président des Etats-Unis. « Non » me répondit-elle « sauf si tu me dis des noms, je pourrais alors te répondre oui ou non ». « Carter ? » « Non » « Kennedy ? » « Qui ? » « Non » « Bush ? » « Non ». « Obama ? » « OUI ! » répondit-elle triomphante. Voilà un peu la base des examens à la mode thaïlandaise. Je n’invente rien, regardez une certaine chaîne de TV thaïlandais sur laquelle on diffuse en direct des examens)
2) Les évènements, faits, dates, noms, ne rentrent pas de façon définitive dans la cervelle des thaïlandais en général, ils s’arrangent, consciemment ou non, pour que « ça » glisse sur eux, comme l’eau sur les plumes des canards. Ça évite de souffrir. Il m’arrive de les envier.
Bien sûr, il y a des exceptions à cette généralité (j’entends déjà les voix qui s’élèvent… Non, non ! Ce n’est pas la peine, je sais déjà). Donc il y a des exceptions comme les évènements qui reviennent chaque année : Songkran, Loy Kraton, la fête des pères et des mères (du roi et de la Q). A l’actif de mon « chéri », je dois signaler qu’il se souvient très bien de la date de mon propre anniversaire (alors que moi je fais tout pour l’oublier… sans y parvenir). Jolie exception dont je suis fière. Honteuse aussi car moi j’oublie régulièrement la sienne, mais, malin, il me la rappelle toujours quelques jours avant.
Je pensais raconter une histoire qui se passait il y a quelques longues années entre l’ile de Pâques et le Chili… A cause de Julie et Catherine qui ont réveillé des souvenirs (elles se reconnaîtront). Elles ont ouvert le magasin à souvenirs. Donc pas d’ile de Pâques aujourd’hui. J’ai parlé de moi ( ?) sans rien toutefois raconter vraiment de ma vie. Mais j’ai soulevé un pan d’enfance… et ça je le dois aussi à une autre lectrice qui se reconnaîtra également : Brigitte. Décidément ! Mais j’ai quand même parlé de la Thailande. Donc, cette note n’était pas que « self concentrated ».
Etre libre c’est choisir : voyager indépendant
S’il existe une façon de voyager – dans le Massif Central ou au Lac Toba – c’est bien « l’indépendante ». Pas de voyages organisés avec arrêts pipi programmés, photos collectives, descentes obligatoires du bus pour achats de souvenirs, horaires contraignants, émotions formatées, éblouissements sur commande.
Et la fantaisie dans tout ça ? le goût de la découverte, de la surprise, de l’inconnu, de la flânerie, du caprice, de l’instinct… et le temps perdu… qui n’est jamais perdu ? et la complicité ? Il faut bien se dire « qu’on n’est jamais aussi libres que lorsqu’on a des décisions à prendre ». Parce qu’ être libre, c’est choisir. Pas être un mouton de Panurge.
Même la peur, le petit quart d’heure d’angoisse ou d’incertitude sont des piments qui resteront comme autant d’empreintes dans les magasins à souvenirs de la mémoire. Indépendants, on est « open » à la découverte, à la rencontre. Et il y a de fortes chances pour qu’on vienne vers vous… Et seul le temps peut vous offrir ce cadeau de la rencontre.
Vous ne parlez pas thaï, japonais, chinois, hindi, anglais ? Et alors ? Le langage du corps exprime autant que les mots (parfois menteurs). Pas besoin de discours pour dire « J’aime ! » « C’est beau ! ». « Est-ce que je peux prendre une photo » s’exprime avec un regard interrogateur, compréhensible dans toutes les langues. Apprenez seulement à dire MERCI dans la langue du pays, c’est un des plus beaux mots du langage humain.
A tous ces arguments (qui ne convaincront pas tout le monde… je n’écris pas pour convaincre, mais pour exprimer une opinion qui n’engage que moi. Donc discutable). A tous ces arguments, j’aimerais en ajouter un autre, et il est de poids. Il concerne la BIRMANIE.
Le leader de la ligne pour la démocratie, U Win Tin s’exprimait ainsi dans « The Nation » d’hier : « Boycottez les voyages organisés en Birmanie. Tout l’argent va directement dans la poche du régime, Nous souhaitons que les étrangers visitent la Birmanie, pas pour soutenir indirectement la junte, mais pour soutenir le peuple de Birmanie. En favorisant les petits hôtels, les petits restaurants, les commerces de rue. En essayant de comprendre ce pays, politiquement, économiquement, moralement. Le « package tourism » avec ses itinéraires programmés et surtout approuvés par les militaires ne profite qu’au régime en place, pas au peuple. « J’ai observé » – insiste U Win Tin – « des français, des allemands, des italiens, débarquant des bus à Rangoon, Pagan, Lac Inlee… Pour eux, ça n’était, à chaque fois, qu’une ville de plus, un hôtel de luxe de plus, une pagode de plus. Je doute qu’ils aient capté la moindre souffrance qu’endure le peuple »
Alors, soyez indépendants ! Soyez informés ! Et voyagez avec un but, c’est l’unique moyen de voyager intelligent.
Et j’ajouterai : apprenez à voyager avec les yeux et les oreilles grands ouverts. Apprenez à échanger avec les moyens du bord, soyez des ambassadeurs afin de rapporter ce que vous y avez vu… « C’est la seule façon pour le moment d’aider ce pays qui n’aspire qu’à la liberté ».
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