On croise parfois dans une vie de voyageur des lieux un peu hors du temps, qui se gravent au plus profond de vous. Des endroits tellement magiques, tellement loin de tout que le temps semble s’y être arrêté, donnant l’impression de flotter dans une autre dimension…. à moins qu’ils ne vous livrent tout simplement un aperçu de vous même que vous ne connaissez pas.
Visiter la Cappadoce, un univers unique depuis les airs ou la terre
Des petits coins de rêve qui sont aussi un univers mental a eux tout seuls, délivrant l’esprit de ses ultimes barrières, le poussant à s’affranchir de ses pesanteurs occidentales et a vagabonder alors librement au gré de paysages qui, devant vos yeux émerveilles, changent sans cesse d’aspect, de dimensions ou de couleurs. Ainsi en est il de la Cappadoce, un monde à part plante en pleine Anatolie, à quelques dizaines de km au sud d’Ankara.
Aucun guide de voyage sur la Turquie, aucune brochure et sans doute pas ce mail ne pourra réellement décrire la beauté de cette région. Une seule randonnée de quelques heures dans cet immense shaker tectonique vous fera parcourir toute une mosaïque d’univers dont on a du mal a croire qu’ils cohabitent de façon si naturelle : on passe ainsi successivement, sans même s en rendre compte, d’un pur décor de Far West (immenses canyons ocres infranchissables) a un relief typiquement lunaire (cavités obscures creusées dans une roche grise), d’un environnement digne de la préhistoire (roches sculptées aux formes gigantesque, parfois effrayantes) à une réplique du village des Schtroumfs (maisons troglodytiques aux formes enfantines mais naturelles), d’une plongée au beau milieu de la Guerre des étoiles (étranges roches roses, jaunes ou grises d’où on s’ attend à voir surgir les créatures les plus fabuleuses) à un authentique voyage au Centre de la Terre (incroyables dédales des cites souterraines dont les « étages » descendent plusieurs dizaines de mètres sous terre), d’un monotone paysage mongol (interminables steppes arides) a une transposition ici bas du paradis terrestre (vergers aux fruits colores, vignes au raisin sucré,…).
Sans parler de deux autres «acteurs» entrés eux aussi dans la partie : le soleil d’abord, qui, selon les moments de la journée, peint à sa guise de rose, d’ocre, de blanc, de rouge ou de jaune les mille et un détails de ce monde à part; l‘homme ensuite, qui livre ici un authentique échantillon de génie pur : des villes entières, parfois souterraines, creusées dans la roche (avec quels outils ?), des églises rupestres taillées dans la pierre et merveilleusement illuminées, des pigeonniers perforant la roche de trous lui donnant l’air d’une fourmilière géante….. La Cappadoce semble être le creuset où la pureté de la nature et le génie humain se donnent rendez vous (pardon pour ce lyrisme pourtant pas du tout exagéré). Parcourir de tels endroits, évoluer au sein d’un tel univers, ajouté a la gentillesse et l’humilité des habitant, ce sont des moments qui pèsent lourd dans la mémoire d’un voyageur et s’inscrivent en lui. J’ai rarement connu, en dehors d ici, des journées aussi denses en découvertes et intenses en émotions.
Une intensité naturellement redoublée grâce au fait de partager tout cela avec Patricia et Amalia. Notre fille est, à elle seule, un voyage dans le voyage. İl faut la voir marcher avec nous dans des rando pourtant pas reposante du tout. Il faut assister à ses rencontres avec tous ceux qui croisent sa route. İl faut voir l’attention qu’elle éveille chez ces gens qui adorent les enfants. Je pense qu’elle a bien compris qu’elle évoluait dans un univers très différent du sien et semble s’y fondre à merveille. La voila qui nous parle du « monsieur qui chante » a l’heure de la prière, en nous désignant le minaret le plus proche. La voilà qui, à la table d’un resto, échange des regards avec la table voisine (une famille turque), créant d’entrée le contact, la voici encore disparaissant pour la retrouver quelques secondes plus tard a l’intérieur d’une maison (rarement fermée), regardant la télé avec une autre famille turque. La voila déambulant dans les cités souterraines comme dans un parc d’attraction pour enfants en bas âge… Sans parler de l’animation qu’elle peut mettre au moindre repas au resto ou dans telle ou telle pension. L’anecdote, c’est ce village de quelques dizaines d’habitants où nous avons séjourné quelques jours et où un passant lui a dit « Bonjour Amalia » alors que… c’était la première fois qu’il la croisait. C est dire la popularité qu’elle commençait à déclencher.
Dans cet océan d’émotions, nous nous sommes chacun accordé un plaisir perso : Patricia a fait du Cheval une bonne demi journée au beau milieu de ces paysages fabuleux, croisant des villages paysans dont elle se souvient encore de l’accueil. De mon côté, j’ai réalise un vieux rêve d’enfant : voler en Montgolfière, qui plus est au lever du soleil sur cet univers féerique.
Magie de cette lente ascension silencieuse au dessus des « cheminées de fée » (nom donne aux immenses rochers de forme conique, innombrables ici), seulement troublée par le bruit de l’hélium propulsé dans le globe de toile; féerie de ce relief teinté de rose qu’on survole, le souffle coupé. Emerveillement devant ces ballons multicolores qui semblent flotter au dessus d’un immense océan rocheux, aux couleurs sans cesse changeantes. Une errance au gré du vent qui pousse l’esprit à vagabonder…
Pour terminer, une belle histoire… Depuis le début du voyage (qui, pour les enfants, s’apprécie souvent mieux en fixant un objectif) nous racontons à Amalia que le but de tout ce périple est de trouver la Tortue, animal qu’elle craint mais qui la fascine. Et un soir en rentrant vers l’hôtel, nous garons subitement la voiture: au beau milieu de nulle part, une grosse tortue traverse péniblement la route goudronnée, semblant peu se soucier du monde extérieur. Joie d’Amalia devant cette apparition miraculeuse, qu’elle n’ose portant pas trop approcher, mais dont elle nous parle encore, les yeux soudain illumines. Sur cette douce émotion, nous nous sommes endormis.
La Cappadoce, région magique….
Ce soir, départ en bus de nuit pour Kas, petit port de pêche sur la cote méditerranéenne.
A bientôt
Lionel
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