Le 9 novembre 1989, Le Mur de Berlin tombait après une suite d’événements mémorables tout au long de cette année 1989, annus miraculis selon un dirigeant de Solidarnosc, année riche en événements géopolitiques […]
L’Empire n’a pas contre-attaqué
Il n’aura échappé à personne que nous célébrons (que dis-je : nous fêtons) cette année les vingt ans de la chute du Mur de Berlin.
Die mauer ist weg !
L’occasion pour Le Monde de sortir un numéro spécial fort bien fait qui met en perspective cet événement dans le contexte plus général de l’année 1989.
Cette année 1989 (annus miraculis, pour reprendre la formule d’un dirigeant de Solidarnosc) a sans doute marqué la fin de notre XX° siècle aux plans historique et politique, et peut-être social si l’on voit l’Europe actuelle comme la continuité de cette ouverture.
L’histoire au quotidien c’est un peu comme une visite mal organisée des Champs-Élysées : au JT de 20h, tous les soirs, le tour-operator vous amène par une rue transversale et à chaque coin de rue, vous découvrez une nouvelle vue des Champs. C’est pas mal.
Vingt ans plus tard, vous revenez en visite à Paris, le tourisme s’est organisé et Le Monde vous emmène au sommet de l’Arc de Triomphe : voici la perspective royale des Champs, depuis Le Louvre et sa Pyramide jusqu’à la Grande Arche de la Défense en passant par le Carrousel, la Concorde, etc …
Ça a quand même une autre gueule et on a le sentiment de comprendre quelque chose.
Ce numéro du Monde nous donne ce même sentiment d’être intelligent … vingt ans après !
Une intelligence guère partagée à l’époque sans la perspective acquise depuis. Tonton Mitterrand et Papa Bush commençaient tout juste à envisager une Allemagne confédérée d’ici quelques années, Gorbatchev faisait des efforts pathétiques pour contenir les réformes mises en branle, perestroïka [restructuration] et glasnost [transparence] et multipliait depuis des mois les signes vers les pays frères : nous n’interviendrons plus militairement.
En RDA, seul Honecker vieillissant faisait preuve d’une rare clairvoyance : Dans cinquante ans ou cent ans, le Mur sera toujours là. C’était le 19 janvier. Dix mois plus tard, le mur tombait.
On trouve dans ce numéro spécial plusieurs interviews de personnalités politiques de l’époque dont une de Gorbatchev qui analyse cette année 1989 en parfait marxiste : Nous étions conscients de ce que notre politique, la politique en général, était incapable d’accompagner le processus historique. […] L’histoire a débordé. […] L’histoire est sortie de ses gonds.
Pourtant, il suffisait de regarder le JT tous les soirs à 20h …
En janvier 1989, Vaclav Havel, cofondateur de la Charte 77, est emprisonné à Prague après la violente répression des manifestations. En Pologne, Jaruzelski autorise légalement Solidarnosc et entame des négociations avec le syndicat.
En mai, les autorités Hongroise et Autrichienne commencent à cisailler les barbelés le long de leur frontière. Première brèche dans le Rideau de fer, plus de quarante ans après que Churchill rendit cette expression célèbre en 1946 : […] De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer s’est abattu à travers le continent.
En juin, les élections « semi-libres » (le PC se « réservant » une bonne part des sièges) en Pologne se soldent par un raz-de-marée de Solidarnosc. En Hongrie, on commémore officiellement la révolution de 1956.
En juillet, le Soviet Suprême accorde une relative autonomie aux États Baltes.
Dès l’été, les allemands de l’est vont faire du « tourisme » en Hongrie et passent à l’ouest au travers de la frontière autrichienne désormais ouverte, sous l’oeil bienveillant des autorités, aussi bien d’est que d’ouest. Les stations-service s’approvisionnent même en mélange 2 temps nécessaire aux fameuses Trabants.
Certains de ces évadés se retrouvent à Berlin-Ouest chez famille et amis, à quelques centaines de mètres de leur point de départ.
En octobre, Gorbatchev est en RDA pour le 40° anniversaire et donne un célèbre baiser empoisonné à Honecker dont il critique ouvertement l’immobilisme : Celui qui vient trop tard sera puni par la vie.
Il y croise un dirigeant de Solidarnosc membre du gouvernement polonais qui lui demande :
[…] – Mikhaïl Sergueïevitch, vous comprenez l’allemand ?
– Suffisamment pour comprendre ce que scandent les manifestants.
– Vous comprenez que c’est la fin ?
– Oui.
Les manifestations se multiplient dans tous les pays, jusqu’en RDA et en Tchécoslovaquie, les pays mieux « tenus ».
Le 18 octobre, Erich Honecker démissionne.
Le 9 novembre, lors d’une conférence de presse Günter Schabowski, porte-parole du Polit Buro de RDA, est interrogé par un journaliste italien sur la date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation assouplie sur les voyages. Question de routine.
Schabowski cafouille, bafouille, … d’après ce que je sais … : tout de suite. Immédiatement.
Ça y’est le mur est ouvert. C’était le 9 novembre, il y a vingt ans.
Pour finir cette toujours même année 1989, en décembre, Vaclav Havel sera élu président de la Tchécoslovaquie.
L’un de ces événements faillit quand même passer inaperçu dans l’actualité quotidienne : le matin du 5 juin après la victoire de Solidarnosc aux élections semi-libres, Sylvie Kauffmann l’envoyée du Monde en Pologne, téléphone au journal pour demander la Une.
Mais l’info polonaise sera reléguée en bas à droite après une énorme manchette sur … l’intervention des chars chinois sur la place Tiananmen, le 4 juin 1989.
Au même moment, un autre Empire vacillait sur ses bases : vingt ans après, reconnaissons aux dirigeants chinois une clairvoyance politique et historique sans commune mesure avec celle de leurs homologues occidentaux.
Tout cela, et bien d’autres choses, est intelligemment mis en images et en perspective dans ce numéro du Monde.
Une belle leçon d’Histoire, pour nous qui avons attendu le mois de novembre pour enfin en ressentir le vent et pour nos ados qui n’étaient pas encore là.
Nous sommes allés à Berlin en 2000 alors que les différences entre les Berlins Est et Ouest étaient encore très marquées (urbanisme, habillement, …) et nous y sommes retournés l’an passé pour ramener quelques photos
d’une ville où les clivages est/ouest ont désormais disparu.À compléter par le DVD de Good bye Lenin et surtout celui du très beau La vie des autres, ou bientôt celui du film de Christian Carion sorti en septembre : L’affaire Farewell.
Telerama n’est pas en reste et sort également son numéro spécial avec en complément du Monde, la perspective murale d’autres dirigeants éclairés : Bush junior à la frontière Mexicaine (1.300 km de clôture aujourd’hui !) ou encore Ariel Sharon en Cisjordanie …
De quoi alimenter d’autres rétrospectives dans quelques années …
Pour celles et ceux qui aiment notre Histoire.
Die mauer ist weg !
L’occasion pour Le Monde
de sortir un numéro spécial fort bien fait qui met en perspective cet événement dans le contexte plus général de l’année 1989.Cette année 1989 (annus miraculis, pour reprendre la formule d’un dirigeant de Solidarnosc) a sans doute marqué la fin de notre XX° siècle aux plans historique et politique, et peut-être social si l’on voit l’Europe actuelle comme la continuité de cette ouverture.
L’histoire au quotidien c’est un peu comme une visite mal organisée des Champs-Élysées : au JT de 20h, tous les soirs, le tour-operator vous amène par une rue transversale et à chaque coin de rue, vous découvrez une nouvelle vue des Champs. C’est pas mal.
Vingt ans plus tard, vous revenez en visite à Paris, le tourisme s’est organisé et Le Monde vous emmène au sommet de l’Arc de Triomphe : voici la perspective royale des Champs, depuis Le Louvre et sa Pyramide jusqu’à la Grande Arche de la Défense en passant par le Carrousel, la Concorde, etc …
Ça a quand même une autre gueule et on a le sentiment de comprendre quelque chose.
Ce numéro du Monde nous donne ce même sentiment d’être intelligent … vingt ans après !
Une intelligence guère partagée à l’époque sans la perspective acquise depuis. Tonton Mitterrand et Papa Bush commençaient tout juste à envisager une Allemagne confédérée d’ici quelques années, Gorbatchevperestroïkaglasnostnous n’interviendrons plus militairement.
faisait des efforts pathétiques pour contenir les réformes mises en branle, [restructuration] et [transparence] et multipliait depuis des mois les signes vers les pays frères :En RDA, seul HoneckerDans cinquante ans ou cent ans, le Mur sera toujours là. C’était le 19 janvier.
vieillissant faisait preuve d’une rare clairvoyance :Dix mois plus tard, le mur tombait.
On trouve dans ce numéro spécial plusieurs interviews de personnalités politiques de l’époque dont une de Gorbatchev qui analyse cette annnée 1989 en parfait marxiste : Nous étions conscients de ce que notre politique, la politique en général, était incapable d’accompagner le processus historique.[…] L’histoire a débordé. […] L’histoire est sortie de ses gonds.
Pourtant, il suffisait de regarder le JT tous les soirs à 20h …
En janvier 1989, Vaclav Havel, cofondateur de la Charte 77, est emprisonné à Prague après la violente répression des manifestations. En Pologne, Jaruzelski
autorise légalement Solidarnosc et entame des négociations avec le syndicat.En mai, les autorités Hongroise et Autrichienne commencent à cisailler les barbelés le long de leur frontière. Première brèche dans le Rideau de fer, plus de quarante ans après que Churchill rendit cette expression célèbre en 1946 :
[…] De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer s’est abattu à travers le continent.
En juin, les élections « semi-libres » (le PC se « réservant » une bonne part des sièges) en Pologne se soldent par un raz-de-marée de Solidarnosc. En Hongrie, on commémore officiellement la révolution de 1956.
En juillet, le Soviet Suprême accorde une relative autonomie aux États Baltes.
Dès l’été, les allemands de l’est vont faire du « tourisme » en Hongrie et passent à l’ouest au travers de la frontière autrichienne désormais ouverte, sous l’oeil bienveillant des autorités, aussi bien d’est que d’ouest. Les stations-service s’approvisionnent même en mélange 2 temps nécessaire aux fameuses Trabants.
Certains de ces évadés se retrouvent à Berlin-Ouest chez famille et amis, à quelques centaines de mètres de leur point de départ.
En octobre, Gorbatchev est en RDA pour le 40° anniversaire et donne un célèbre baiser empoisonné à Honecker dont il critique ouvertement l’immobilisme : Celui qui vient trop tard sera puni par la vie.
Il y croise un dirigeant de Solidarnosc membre du gouvernement polonais qui lui demande :
[…] – Mikhaïl Sergueïevitch, vous comprenez l’allemand ?
– Suffisamment pour comprendre ce que scandent les manifestants.
– Vous comprenez que c’est la fin ?
– Oui.
Les manifestations se multiplient dans tous les pays, jusqu’en RDA et en Tchécoslovaquie, les pays mieux « tenus ».
Le 18 octobre, Erich Honecker démissionne.
Le 9 novembre, lors d’une conférence de presse Günter Schabowski, porte-parole du Polit Buro de RDA, est interrogé par un journaliste italien sur la date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation assouplie sur les voyages. Question de routine.
Schabowski cafouille, bafouille, … d’après ce que je sais … : tout de suite. Immédiatement.
Ça y’est le mur est ouvert. C’était le 9 novembre, il y a vingt ans.
Pour finir cette toujours même année 1989, en décembre, Vaclav Havel sera élu président de la Tchécoslovaquie.
L’un de ces événements faillit quand même passer inaperçu dans l’actualité quotidienne : le matin du 5 juin après la victoire de Solidarnosc aux élections semi-libres, Sylvie Kauffmann l’envoyée du Monde en Pologne, téléphone au journal pour demander la Une.
Mais l’info polonaise sera reléguée en bas à droite après une énorme manchette sur … l’intervention des chars chinois sur la place Tiananmen, le 4 juin 1989.
Au même moment, un autre Empire vacillait sur ses bases : vingt ans après, reconnaissons aux dirigeants chinois une clairvoyance politique et historique sans commune mesure avec celle de leurs homologues occidentaux.
Tout cela, et bien d’autres choses, est intelligemment mis en images et en perspective dans ce numéro du Monde.
Une belle leçon d’Histoire, pour nous qui avons attendu le mois de novembre pour enfin en ressentir le vent et pour nos ados qui n’étaient pas encore là.
Nous sommes allés à Berlin en 2000 alors que les différences entre les Berlins Est et Ouest étaient encore très marquées (urbanisme, habillement, …) et nous y sommes retournés l’an passé pour ramener quelques photos
d’une ville où les clivages est/ouest ont désormais disparu.À compléter par le DVD de Good bye LeninLa vie des autres, ou bientôt celui du film de Christian Carion sorti en septembre : L’affaire Farewell.
et surtout celui du très beau Telerama n’est pas en reste et sort également son numéro spécial avec en complément du Monde, la perspective murale d’autres dirigeants éclairés : Bush junior à la frontière Mexicaine (1.300 km de clôture aujourd’hui !) ou encore Ariel Sharon en Cisjordanie …
De quoi alimenter d’autres rétrospectives dans quarante ans …
Pour celles et ceux qui aiment notre Histoire.
Besoin d’aide pour préparer votre voyage en Allemagne?
Des questions auxquelles n’ont pas répondu notre guide de voyage sur l’Allemagne ou les brochures officielles de l’office du tourisme ? Les voyageurs, expatriés et autochtones spécialistes de l’Allemagne vous répondent!
En écoutant les médias, je sature d’entendre toujours les mêmes hommages aux dites personnalités, évidemment encore vivantes. On oublie beaucoup de choses, et notamment les mérites du Pape Jean Paul II (ça ne semble pas politiquement correct de l’admettre au vu d’autres positions critiques probablement). Jean Paul II n’a eu de cesse de s’engager « politiquement » pour que le mur tombe et que le bloc de l’Est ne soit plus soumis aux dictatures. Je suis reconnaissante à Solidarnosc d’avoir rappelé ce point qui me semble important. De même, il ne faut pas oublier que depuis le début des années 80, la situation économique à l’Est était en réalité catastrophique et que tout tenait à la capacité à faire croire à l’autre qu’on était le plus puissant. Et pourquoi nier l’importance de la catastrophe de Tchernobyl, qui fut un excellent fossoyeur du communisme… On reste focalisé dans les médias sur le symbole du mur, ce qui est logique, puisque visuellement, cela identifie une réalité mais aussi un imaginaire… On oublie trop d’évoquer à quel point le mur reste quand même présent dans cet imaginaire : ne serait-ce que par les préjugés sur les styles vestimentaires, les modes de vie, les apparences physiques des gens de l’Ouest et de l’Est. Le traitement médiatique est très limitatif et insatisfaisant…
Très bon reportage!
A bientôt
Elisa, Argentine