Le site de Sefar, auquel nous avons consacré une bonne partie de la journée, constitue à n’en pas douter l’apothéose de ce voyage, du moins en terme de peintures rupestres. C’est en tout cas là qu’on en trouve la plus grande concentration, et aussi parmi les plus belles. Le suite lui-même est un enchevêtrement de cañons et de galeries creusées dans le grès, tellement complexe qu’on a parfois l’impression qu’il s’organise sur plusieurs niveaux.
Trek entre le Sefar et l’oued Tamrit en Algérie
Notre guide en possédait toutefois ce plan (un genre de document rarissime concernant le Tassili…) qui lui permettait de retrouver sans trop de mal les principales peintures (mais pour parvenir à le superposer avec Google Earth mieux vaut s’accrocher !).
Parmi les peintures de Séfar, une surtout retient l’attention, c’est peut-être la peinture la plus célèbre de tout le Sahara. Il s’agit du « grand dieu de Séfar », vaste fresque de plusieurs mètres carrés, représentant une fois encore une créature de genre indéterminé.
La célèbre peinture rupestre du « grand dieu de Séfar »
Cette figure négroïde mérite également d’être mentionnée.
Étant resté quelques instants à l’écart du groupe, alors que nous quittions le site de Séfar pour traverser une portion de désert plate, en direction de notre camp du soir à In Itinen, j’ai fait une soudaine rencontre qui m’a laissé à réfléchir. Plusieurs hommes, de souche subsaharienne, qui dès qu’ils m’ont vu se sont efforcés de se cacher. Il semble, d’après ce que m’a ensuite expliqué le guide, qu’il s’agisse d’une filière d’immigration clandestine passant par la Libye toute proche, et que ces hommes croisaient dans ces parages en raison de la présence d’une guelta facile à repérer dans le site de Séfar. Il est avéré en tout cas que le sud algérien est une véritable plaque tournante de l’immigration clandestine (que les autorités algériennes ne combattent que très mollement) et il semble bien que la traversée du Sahara à pied par ces gens-là soit une réalité. Et aussi, accessoirement, que le désert est loin d’être aussi désert que l’on se l’imagine !
L’un des plus beaux endroits du Tassili nous attendait le lendemain matin, après une petite heure de marche au milieu des formations de grès. Il s’agit de l’oued Tamrit et ses cyprès millénaires. Cette quinzaine de résineux qui pousse au fond de ce cañon, date de l’époque où le Sahara n’était pas un désert. Les arbres survivent en puisant l’eau dans la nappe phréatique à plusieurs mètres de profondeur, mais ne peuvent se reproduire, car il n’y a pas d’eau en surface et des jeunes pousses ne pourraient donc pas s’hydrater. Inutile de dire que ces végétaux sont très menacés, d’autant qu’il semble que l’espèce soit endémique. Le plus vieux de ces arbres aurait 4700 ans.
Nous avons également rencontré pas mal de fleurs dans l’oued Tamrit, eu égard aux récentes pluies dans la région. Ce spécimen est paraît-il assez rare.
L’oued Tamrit se prolonge par un gigantesque cañon qui entaille sur toute sa hauteur le plateau des Ajjer. Quand on débouche ex abrupto sur ses bords l’effet est particulièrement saisissant ! Bien évidemment il n’y a pas d’akba à cet endroit, les parois sont bien trop escarpées pour être franchies.
Cela n’a pas empêché ce voyagiste toulousain dont j’ai déjà parlé et qui avait découvert mes photos sur Internet, de me demander ce que je pensais de la praticabilité de ce cañon : son idée était de le remonter par le fond ! L’idée me laisse quand même perplexe. J’attends de voir cette petite excursion programmée au catalogue de quelque agence…
C’est en contournant ce cañon que j’ai trouvé cette charmante petite bête quasiment sous ma chaussure. Cela m’arrive assez souvent en randonnée ; peut-être parce que j’ai l’habitude de regarder mes pieds en marchant.
Dernière attraction majeure de cette journée particulièrement remplie, les peintures dites des « Dames Blanches » de Tin Zoumaïtek. Elles figurent parmi les plus célèbres du Sahara, bien qu’elles soient paraît-il assez peu visitées en raison de leur isolement (néanmoins on les voit assez souvent en photo).
Il se trouve que j’ai eu l’occasion, à la fin de cette même année 2006, de visiter une autre fresque appelée « Dame Blanche », dans les monts du Brandberg en Namibie. Pourtant il n’ y a pas photo : elle n’arrive pas à la cheville de sa cousine du Tassili ! Je vous laisse néanmoins deviner laquelle des deux est la plus visitée…
La fin de cette journée (et d’ailleurs la fin du trek) s’est avérée nettement moins captivante : les plus beaux endroits avaient maintenant été visités, et ne restaient plus que des étapes de jonction. Nous avons rejoint le soir le camp d’Akar Fafadao () près duquel se trouve le point culminant du Tassili. Notre guide l’a fait gravir au crépuscule aux « volontaires », empruntant un itinéraire plus que scabreux au-dessus d’une petite dune… sans nous préciser qu’il existait un passage beaucoup plus facile de l’autre côté ! (Il paraît que c’était coté IV… et je ne fais jamais d’escalade !).
Il restait une journée et demie de marche : descente par l’akba d’Issélihouène, puis marche le long d’un oued. Ce n’était pas ce qu’il y avait de plus beau, mais il fallait sans doute le faire… Nous nous sommes finalement arrêtés à une demie journée de marche de Djanet, pour finir la boucle en 4 × 4… histoire sans doute de ne pas pouvoir dire que nous avons tout fait à pied !
Cañons du Tassili n’Ajjer : Tihent Maroualine
À Tihent Maroualine j’ai placé mon matelas loin des autres, sur les rochers des formations de grès. J’ai été réveillé en pleine nuit par des bruits de mastication : rien de bien méchant toutefois, vraisemblablement des gerbilles.
Nous avons continué la randonnée pendant plusieurs jours dans ce type de ce paysage ; mais il faut dire qu’on ne s’en lasse pas ! (Les photos de la série suivante mélangent deux journées, le 12 et le 13 mars, voir les légendes au cas par cas). Beaucoup également de peintures rupestres rencontrées au cours de notre périple, certaines regroupées en de véritables musées à ciel ouvert. J’y reviendrai le moment venu. Quittant notre camp de Tihent Maroualine, au pied d’une gigantesque cathédrale de pierre, nous sommes tombés sur une vipère à cornes endormie. Nous étions à la mi-mars, c’est pile la période où elles commencent à se réveiller. Il parait que le secteur en est infesté à partir du mois d’avril.
On remarquera cet oued au sol plutôt verdoyant : les pluies des derniers mois avaient transformé certains secteurs en véritables prairies ! On pouvait voir de nombreuses fleurs dont certaines très rares. Mais j’en ai pris peu de photos, n’étant pas par nature très emballé par la botanique.
D’autres monuments de grès, près du camp de Tin Mgharen où nous avons dormi le soir (et où nous avons dîné de cet incontournable mais fort peu léger plat saharien qu’est la tagueïla…).
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Le camp de Tin Mgharen est entouré d’un très grand nombre de peintures, de toutes les époques (on peut voir ici celle des chevaux, il y a également des dromadaires (peintures récentes) ainsi que des animaux de la savane). Sur la dernière peinture se trouvent aussi des alvéoles laissées par les guêpes.
En fait nous avons vu tellement de peintures, ce jour ainsi que les deux suivants, que nous avons très peu marché : ce voyage de randonnée s’était transformée en visite de musée… (ce qui est au moins aussi épuisant).
Après quand même une petite marche, au lieu-dit de Tin Aresou, nous avons observé dans le grès (mais je n’ai pas pris de photo) des traces de pas qui dateraient de quelques milliers d’années. Quelques théories plus ou moins fumeuses existent là-dessus. Près du camp du soir, à Tin Tattaït, se trouve l’une des deux ou trois plus belles peintures de ce trek, de taille bien plus imposante que tout ce que nous avions vu jusqu’alors (et à ce que j’ai pu voir dans d’autres voyages). Elle représente un animal, mais personne ne sait trop lequel. Certains ont proposé un ours… Bref, là aussi, des théories toutes plus farfelues les unes que les autres se font concurrence.
Les deux jours suivants ont été presque intégralement consacrés aux peintures rupestres. Avec trois sites majeurs : Tin Abateka et Tin Tazarift le premier jour (14 mars) ; et puis, ce qui nous a pris presque une journée entière, le 15 mars, le fabuleux site de Séfar qui constitue sans doute le clou du Tassili. Dans tous ces sites on trouve quelques peintures de grande taille, des dizaines (voire des centaines) de peintures de petite taille, et de toutes les époques. Le tout, avec presque aucun touriste ! (nous en avons tout de même croisé quelques uns à Séfar). Certaines de ces peintures sont assez célèbres. J’avoue néanmoins que je me suis parfois un peu lassé des explications du guide, que je ne serai donc en mesure de vous transcrire fidèlement ici. Je me contenterai en définitive de vous présenter les principales œuvres.
À Tin Abateka, les plus belles peintures sont d’abord les « femmes de dos » (il s’agit bien évidemment d’une interprétation) ; il y a également cette sorte d’ours (à croire que des ours auraient vraiment vécu par ici !). Et enfin et surtout (photo principale), cette magnifique figure négroïde munie d’un arc, pour ainsi dire grandeur nature. D’autres peintures ont suscité de longs commentaires de notre guide, en particulier l’une d’entre elles (que je n’ai pas photograhiée) montrant des chars avec des roues, et qui remonte à l’époque des Garamantes. Il y a en tout cas vraiment beaucoup de très belles peintures à Tin Abateka.
À croire que je n’ai pu me retenir de faire apparaître devant la peinture cette participante, intermittente du spectacle de son état (ce qui comme quoi ne paie pas si mal…). Enfin ça permet toujours de donner l’échelle !
Toutes ces peintures sont situées dans un remarquable décor de pitons de grès que je n’ai pas manqué de photographier… Comme on peut s’y attendre, les peintures sont toutes localisées dans des anfractuosités les protégeant des rayons du soleil (et sans doute aussi, des rares pluies).
Venons-en maintenant au second site du jour, Tin Tazarift (parfois aussi orthographié Tin Tazareft), distant du premier d’à peine une demi-heure de marche. On y trouve surtout une magnifique peinture de têtes rondes (ci-dessous). Également, ces barques peintes ayant donné lieu à toutes sortes de théories farfelues (c’est une influence égyptienne bien évidemment !).
Nous avons tout de même dû marcher un petit peu l’après-midi pour rejoindre notre camp de Ouan et Touami, cheminant comme les jours précédents dans un véritable labyrinthe de grès. Nous nous sommes à un moment arrêtés pour escalader un piton de grès (c’était un peu scabreux) ce qui m’a permis de prendre cette photo d’en haut. Au cours de la soirée suivante où j’avais également placé mon matelas en hauteur, j’ai profité de la pleine lune pour faire quelques photos en pose dont je ne suis, ma foi, pas peu fier.