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Lorsqu’on découvre l’arc du Carrousel à Paris, ce qui surprend le plus, c’est de découvrir combien la folie des grandeurs du pouvoir a été gravée dans le marbre.
Les points de vue sont si merveilleux qu’on ne s’attarde pas en général à lire les dédicaces inscrites au-dessus des baies de l’Arc de triomphe du Carrousel à Paris. Ou on les lit distraitement. Et pourtant !
Un Prince égal de(s) Dieu(x)
1- La maîtrise du temps et de l’espace par l’ubiquité
On relève une inspiration comparable dans les dédicaces de l’Arc du Carrousel. À l’égal des dieux, doué d’ubiquité, le prince est maître du temps et de l’espace : « En moins de cent jours », l’ennemi est vaincu et l’Europe reconfigurée. Une image emphatique vise à en convaincre. Pour parcourir aussi vite de si longues distances (1.500 kms au moins), à pied et à cheval, avant l’invention de l’aviation, il dispose du mode de transport de l’oiseau : « Les Français volent de l’océan au Danube », est-il affirmé sans rire.
2- L’ordre chronologique amalgamé à une logique de cause à effet
Sans avoir l’extrême concision de César, les phrases sont néanmoins très courtes pour insinuer le même amalgame entre relation chronologique et relation logique de cause à effet. Les actions s’enchaînent non seulement selon un ordre de succession dans le temps mais selon une suite logique où chacune est cause de la suivante et effet de la précédente sans qu’aucun obstacle puisse arrêter cette force tranquille en mouvement jusqu’à l’objectif à atteindre : débarquement projeté en Angleterre contrarié par une coalition continentale – projection immédiate de l’armée sur le Danube – Libération de la Bavière – armée autrichienne défaite à Ulm – entrée dans Vienne – victoire d’Austerlitz – reconfiguration de l’Europe au gré du Prince victorieux.
3- Une mise hors-contexte par ellipses pour une épiphanie solitaire du Prince, seul contre tous
L’ellipse qui consiste à omettre tout ce qui est inutile à la compréhension, devient ici mise hors-contexte d’où ne ressort que la grandiose et solitaire silhouette du prince. Il se dresse d’abord seul contre tous : il a contre lui une coalition. Et à lui seul revient la gloire des exploits de son armée : « Napoléon entre dans Vienne, triomphe à Austerlitz ». Où sont donc passé ses soldats ? Dans les coulisses de l’Histoire. Seul le Prince trône sur la scène.
4- Une intericonicité associant le Prince au Dieu de la Genèse
Et par intericonicité, le Prince est comparé à Dieu lui-même qui, dans la Genèse, créé l’univers à la force de sa seule parole. Une image d’une emphase grotesque montre le Prince, le pastichant, en train de recréer semblablement à sa guise l’Europe au seul son de sa voix : « A la voix du vainqueur d’Austerlitz, est-il écrit, l’empire d’Allemagne tombe. La confédération du Rhin commence. Les royaumes de Bavière et de Wurtemberg sont créés. Venise est réunie à la couronne de fer. L’Italie entière se range sous les lois de son libérateur »
5- Les périphrases de la recréation du Prince par lui-même
Dans le même mouvement de création de l’Europe, le Prince se recrée lui-même au fil de ses exploits modifiant jusqu’à la représentation que ses sujets doivent avoir de lui. Des périphrases remplacent sont patronyme et composent la titulature de l’être nouveau qu’il est devenu : « Le vainqueur d’Austerlitz », le « libérateur » de l’Italie.
6- L’immortalisation du Prince dans un présent de toute éternité
À l’exception enfin d’un imparfait dressant le décor d’un débarquement prévu en Angleterre, l’usage du présent historique, pour relater ces actions passées, visent sans doute à les inscrire encore vivantes dans le temps du lecteur, mais surtout à les immortaliser hors du temps qui ne connaît ni passé ni futur mais un éternel présent.
Des outrances qu’on autorise à la farce et à la fiction
Deux cents ans après, hélas, ces exploits ont pris un sacré coup de vieux et cette prétention du pouvoir absolu à l’immortalité fait sourire. Le lecteur des albums d’Astérix peut-il s’empêcher d’établir un rapprochement entre ces dédicaces et le récit des exploits du petit Gaulois et de son ami Obélix ? On y relève la même disproportion des forces en présence, la même puissance de destruction et la même rapidité dans les victoires. Seulement les héros de la bande dessinée doivent leur héroïsme à une potion magique. Ce sont autant d’outrances qu’on autorise, mais seulement à la farce et à la fiction. Or, sur l’arc du Carrousel, c’est l’Histoire que le pouvoir absolu prétend écrire. Napoléon a certes été un génie de l’art militaire mais sa prétention à rivaliser avec Dieu et les dieux devant ses sujets montre comme le génie peut être aussi borné.
On sourit aujourd’hui devant cette démesure. Comme celle des empereurs romains, elle illustre le degré de folie où le pouvoir absolu peut conduire un homme. Devant une des plus splendides perspectives urbaines qui soient, l’arc de triomphe du Carrousel est un vestige instructif des égarements du passé. Paul Villach
Façade Est :
« L’armée française embarquée à Boulogne menaçait l’Angleterre
Une troisième coalition éclate sur le continent
Les Français volent de l’océan au Danube
La Bavière est délivrée, l’armée autrichienne prisonnière à Ulm
Napoléon entre dans Vienne, il triomphe à Austerlitz
En moins de cent jours, la coalition est dissoute »
Façade Ouest :
« A la voix du vainqueur d’Austerlitz
L’empire d’Allemagne tombe
La confédération du Rhin commence
Les royaumes de Bavière et de Wurtemberg sont créés
Venise est réunie à la couronne de fer
L’Italie entière se range sous les lois de son libérateur »