Récit d’un voyage dans les Balkans à la découverte de la riche et passionnelle histoire de cette région marquée par les guerres dans les années 90. De Belgrade à Sarajevo, entre visites et rencontres…
J’ai quitté Belgrade en train pour rejoindre Sarajevo. Si la liaison a été rétablie depuis quelques mois, elle n’est pas encore très fonctionnelle. J’ai mis 12 heures pour arriver a Sarajevo. Heureusement, comme toujours dans les trains, les rencontres ont été nombreuses.
Belgrade – Sarajevo : 1 journée de train
Je me demande d’ailleurs pourquoi il existe d’autres moyens de transport que le train. C’est le seul endroit ou l’on peut réellement tisser des liens, avoir des discussions longues et passionnantes et partager a manger ou a boire avec ses voisins.
Je m’arrête devant la « VOITURE RESTAURANT » en me disant qu’il y a un truc qui cloche. En effet, c’est écrit en français ! Les wagons sont tous d’origine allemande ou française. Rigolo de voir le sigle de la SNCF au milieu de la Serbie.
Dans le premier train, mon compartiment était rempli de petits vieux bosniens se rendant dans des villes de provinces ou en Croatie. J’ai eu droit a environ 2000 sourires en 4 heures. Plus un sandwich. Génial.
Dans le deuxième train, j’ai voyage avec deux australiens qui effectuaient un grand tour d’Europe. Et quand j’écris grand, c’est vraiment le tour complet (sauf les Pologne, parce qu’il leur fallait un visa). 3 mois de voyage, uniquement en train. Ils étaient bien d’accord avec moi pour dire que les trains serbes et bosniens étaient particulièrement lents. Il faut dire que quand les gens a vélo vont aussi vite que vous, qui êtes assis dans un wagon ou il fait environ 30 degrés… c’est plutôt étrange.
J’exagère un peu, nous faisions des pointes a 50 km / heure. Et dès la frontière croate passée, nous avons file a un train d’enfer (au moins 100 km / heure). Nous avons admire les églises orthodoxes de la campagne serbe et les églises catholiques de la campagne croate. Ce sont les seuls bâtiments flambants neufs. Je revois Kerrie et Ross (oui, comme dans Friends !) dans un mois, lorsqu’ils passent a Paris. Hébergement et visites au programme.
Pendant que j’écris, une chanson française passe a la radio, ici, dans un petit cyber café a Budapest. Vraiment, la France, quelle grande nation !
Rencontre avec Sejad, bosniaque francophone
Jeudi 23 août 2007.
A mon arrivée a Sarajevo, je suis accueillie par Sejad, qui travaille de temps a autre pour une association française. Cette association a beaucoup travaille pour les enfants et est en train de monter des circuits de tourisme équitable en Bosnie. Avis aux amateurs : www.tourisme-equitable-bosnie.com
Sejad est contrôleur dans la compagnie des tranways de Sarajevo. Il a deux enfants (Aldin et Ajla, environ 8-10 ans). Sa femme est femme au foyer. Il m’explique qu’il est très difficile de trouver du travail ici. Parfois, on peut trouver un petit job pour un ou deux mois et au final, ne pas être paye. Lui est assez content, après 6 ans de contrats précaires, il vient de signer un contrat pour plusieurs années. Jusqu’ici, son contrat s’arrêtait chaque année. Il se retrouvait au chômage pour un ou deux mois et re-signait un nouveau contrat d’un an. La vraie galère.
Aujourd’hui, il a pu prendre un crédit, acheter une voiture et, pour la première fois depuis la guerre, emmener ses enfants a la mer. Sa maison est perchée sur une des collines qui bordent Sarajevo. Attention, dans les maisons bosniaques, on enlève les chaussures avant d’entrer.
Son travail : le boulot de contrôleur n’est pas facile. Leurs chefs leur donnent des objectifs a remplir. Objectifs a remplir… obligatoirement. Sinon, retenue sur salaire. Donc, pour ceux qui partiraient la bas en vacances, payez votre ticket, sinon, pas de quartier. Beaucoup de gens n’ont pas d’argent et n’ont même pas de pièce d’identité sur eux pour que les contrôleurs puissent remplir l’amende. Alors les touristes, c’est sur qu’ils ne les loupent pas.
Le père de Sejad : c’est un vieux monsieur dont le visage tout entier n’est que sourire. Il a fait partie de l’armée. Jusqu’en 1975, le service militaire durait 3 ans. Sur son avant-bras gauche, un tatouage de la « JNA », l’armée yougoslave. La sensation, quelques secondes, de me retrouver a l’époque Tito. La femme de son père s’occupe du jardin depuis la guerre. Elle continue encore aujourd’hui.
Loger chez l’habitant en Bosnie Herzégovine
L’hospitalité n’est pas un petit mot en Bosnie Herzégovine. Bien entendu, je paye ma chambre (sobe) ; 15 euros mais quand même. Ils me prêtent leur chambre et dorment dans le salon. Surtout, la femme de Sejad me gave comme une oie. A mon arrivée (22h30), petit gâteau avec sirop de fruits rouges fait maison. Puis repas (poivrons farcis). Le lendemain matin, café turc comme la tradition le veut pour le petit-déjeuner bosniaque (il n’est pas filtre, délicieux). Omelette, saucisse, fromage de Travnik (un bon, cette fois-ci) et de la saucisse fumée. Puis gateau, puis, une heure après, un épi de mais tout chaud qui vient juste d’être cueilli dans le jardin. Bref, un banquet permanent.
Discuter de la guerre et de la politique en Bosnie
Le lendemain de mon arrivée, Sejad ne travaille pas. Nous passons donc la matinée sur la terrasse, a discuter, en compagnie de ses parents. Sejad est ne en France et y a vécu jusqu’à l’age de 12 ans. Son père parle encore un tout petit peu français. Nous discutons beaucoup de la guerre et de la situation en Bosnie.
La politique : Sejad a un temps été proche du SDP (le parti social-democrate que j’ai rencontre), mais aujourd’hui, il est un peu désabusé. Les politiques promettent beaucoup et ne font pas grand chose quand ils arrivent au pouvoir (si Sarkozy pouvait faire pareil…). Pour lui, l’essentiel est d’arriver a assurer une vie correcte pour lui et sa famille.
La guerre : Sejad avait 18 ans au début de la guerre. Beaucoup des hommes de sa famille sont partis (cousin, oncle, frère). Il a été mobilise a 19 ans. Il m’a raconte un épisode avec les casques bleus, qui leur ont donne du vin. Grosse engueulade après par son chef. Certains de ses amis on fuit le pays pour se réfugier en Espagne ou en Allemagne. Quand ils reviennent aujourd’hui, ils ont beaucoup plus d’argent que la moyenne des gens et sont plus respectes. Va chercher une logique.
Le siège de Sarajevo : Sejad et son père m’en parlent tous les deux. Période difficile. Pas d’électricité, pas d’argent, pas d’eau. Un kilo de sucre valait l’équivalent de 50 euros, un kilo de café, 75 euros. Quand je sors le livret de l’exposition sur le siège et que Sejad regarde les photos, il dit « oh, j’avais presque oublie ». Puis rectifie « non, on n’oublie pas… juste, on passe a autre chose ».
Il me raconte que les gens devenaient fous. Il a vu des hommes et des femmes marcher a reculons dans la rue en parlant tous seuls. Une des conséquences du siège, selon lui, c’est que les gens ont pris l’habitude de ne rien faire. Pendant 3 ans et demi, ils ne pouvaient ni travailler, ni sortir, ni téléphoner, ni écrire. Remarque qui me fait sourire : pour d’autres, cette soi-disant caractéristique des bosniens (la flemme et le manque d’initiative) est une conséquence du communisme…
Autre histoire de guerre : au marche, on pouvait trouver des sachets de farine ou de poudre de poivron. Parfois, il s’agissait en réalité de plâtre ou de briques réduites en poudre. Sejad me dit que les gens pouvaient s’entretuer pour ce genre d’arnaques.
Quand il m’emmène a l’aéroport le lendemain (en échange, je lui laisse toute la monnaie bosnienne qu’il me reste), il me montre les différents bâtiments abimes pendant le siège. Et ceux plutôt épargnés : l’immeuble des journalistes, l’immeuble de l’ONU. En me montrant 4 hautes tours qui dominent la ville, il m’explique que les soldats serbes étaient positionnes la haut. J’ai froid dans le dos, soudainement.
Les communautés : il me donne quelques exemples de choses qui marchent sur la tête. Pour l’enseignement primaire et secondaire en Bosnie, les croates font venir des livres de Croatie et les serbes de Serbie. Certains enfants bosniens apprennent la géographie de la Croatie, d’autres des chants nationalistes serbes ! Il me raconte des engueulades avec des copains contrôleurs ou chauffeurs de bus croates qui font exprès d’employer des mots typiquement croates. Il me raconte qu’a Mostar, les guides croates expliquent aux touristes que le pont s’est écroulé « a force d’usure »… Petit rappel : cette merveille architectural de l’Empire Ottoman a été bombardée en 1993.
Jeudi 23 août 2007
Retour… pas facile
Je suis encore remplie de ma matinée avec Sejad et suis un peu frustrée. Dans l’avion qui quitte Sarajevo et qui survole la ville, grosse bouffée d’émotion.
Ce séjour m’a définitivement touchée. Il a ouvert de nouveaux horizons, et notamment un horizon oriental qui m’était alors complétement étranger. C’est sur, la Turquie est sur la liste de mes prochaines destinations.
J’ai eu une chance inouïe de rencontrer beaucoup de gens : des serbes, des croates et des bosniaques, des bosniens et des étrangers. Des gens engages et d’autres un peu moins. Des jeunes et des moins jeunes. Des pacifistes, des désabusés, des motives… Ce voyage est, je pense, le plus riche que j’ai fait.
Mon voyage n’a dure qu’une semaine, mais j’ai l’impression d’avoir bourlingue presqu’un mois. Dans ma tête, il reste un mélange d’images (églises orthodoxes, catholiques, mosquées, icônes, ponts, bâtiments en ruine, morts…), de paroles, d’odeurs (les bureks, les travaux, le goudron, la pollution, la cigarette), de sensations (la brulure du soleil) et d’émotions.
Je reste malgré tout sur ma faim. J’ai envie d’aller plus loin, de comprendre encore plus, et surtout, de trouver des solutions. Et la, la petite voix d’Ana résonne : « je crois qu’il faut que la communauté internationale arrête de penser qu’elle va sauver tous les petits bosniens. C’est aussi aux gens ici de se prendre en main et de décider de leur avenir commun ». Comment faire pour ne pas être simplement touriste. Peut être que témoigner permet déjà de changer les choses.
Merci a tous ceux qui m’ont accompagnée. Dans la préparation du voyage puis tout au long de ces journées. Un merci tout particulier aux parents et a tous les autres :
Pier-Paolo, qui m’a encourage a partir en Bosnie
Raphael, qui vient réaliser un film expérimental a Sarajevo
Milene, étudiante a l’ENS Lyon, avec qui j’ai partage une douche
Dem’s, étudiant anglais en géologie qui traverse l’Europe
Le grand voyageur berlinois que j’ai rencontre dans le train
Jelena et sa famille bosno-serbe
Damir et son collègue, deux jeunes socialistes bosniens
L’etudiant de Paris 2 qui veut devenir militaire, mais « qui n’est pas facho »
Oriol et Nuria, deux éditeurs catalans de livres scolaires
Une jeune espagnole qui tenait son journal intime, croisée a la terrasse d’un café de Sarajevo
Laurence, l’anarchiste écolo et son fils Eddy
Ana, la croato-quebecqoise et Jean-Sebastien, le 100% québecois (et fier de l’être !)
Les deux gérants du Monster’s hotel (Belgrade) qui nous ont parle des heures de la Serbie
Adeline, qui galérait dans un voyage en bus Istanbul – Paris
2 jeunes polonais qui faisait un tour des pays de l’Est et qui m’ont invitée a Varsovie
Kerrie et Ross, les deux australiens qui traversaient TOUTE l’Europe
Sejad et toute sa famille
Celine et Guillaume pour les coups de fils et les commentaires
et a tous ceux qui ont croise quelques minutes ma route « Hi », « Hello », « Where are you from ? »… etc
Depuis un petit cyber café d’une ruelle sombre de Budapest, je me prépare donc a rentrer a Paris. Pas trop envie en fait… Et si je repartais ?
Visiter mon blog : Aventure bosniaque
Coucou ! Je viens de trouver ton article sur le voyage entre Sarajevo et Belgrade en train ; franchement ça me fait rêver qui plus est avec ton petit article bien sympa (merci de l’avoir écrit !). J’ai une petite question est-ce qu’il y a bcp de trains entre Sarajevo et Belgrade, tu as réservé en gare (par exemple en aout il y en aurait? car j’hésite à prendre le bus qui je sais est existant sans aucune incertitude)
Ah oui, 2007. Quand même. J’ai fait le chemin inverse en aout…2013. Voyager la truffe au vent. Dés qu’on parle des Balkans. Et en plus le bouquin de Ozren Kebo m’a ému. C’est un vieux bouquin. Mais à lire pour rester optimiste. Dans toutes les bonnes crèmeries. C’est un prof d’ici qui me l’a prêté Ancien casque bleu en Bosnie.
Wooowww ! Tu dois en avoir de belles discussions avec lui
ce qu’il y a de bien avec les trains dans les Balkans c’est qu’on a beaucoup de temps pour discuter….