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Certains feignent de croire que la Lituanie est toujours aujourd’hui un pays au mieux soviétisé, au pire encore sauvage. C’est ignorer que c’est un Etat souverain depuis 1253, le plus grand Etat d’Europe au XVe siècle, qui a donné au cours des siècles de grands souverains, de grands hommes de guerre et de grands artistes. Que, malheureusement, on croit parfois polonais……
L’un de ces hommes est une femme, la comtesse Emilie Plater (1806 – 1831) qui a largement mérité son surnom de Jeanne d’Arc lituanienne.
Emilie Plater (Emilja Broel-Plater) est née le 13 Novembre 1806 à Vilnius, dans une Lituanie occupée depuis 1795 par la Russie tsariste. Elle appartenait à une famille lituanienne de grande noblesse originaire de Westphalie, qui s’était installée en Livonie (actuelle Lettonie) au XVe siècle. Ses parents, Franciszek Ksawery Plater et Anna von der Mohl, divorcèrent en 1815, lorsqu’Emilie avait 9 ans. Elle est alors placée chez des parents éloignés, la famille Plater-Zyberk, au manoir de Līksna, près de Daugavpils (aujourd’hui en Lettonie).
Recevant une très bonne éducation, elle fut élevée dans un environnement qui appréciait l’histoire et la culture polonaise, lituanienne et ruthène, notamment Kosciuszko, le prince Jozef Poniatowski et Mickiewicz. Elle admirait les grandes héroïnes, à commencer par Jeanne d’Arc et, ce qui n’était pas habituel au début du XIXesiècle, elle montra dès son plus jeune âge un grand intérêt pour l’équitation et pour le tir de précision.
Le tournant de sa vie eut lieu en 1823 (elle avait donc 17 ans), quand un de ses cousins germains, Michel Plater, âgé tout au plus de 13 ans, fut enrôlé de force dans l’armée russe pour avoir écrit au tableau noir de son école de Vilnius : « Vive la Constitution du 3 Mai ! ». (C’est à la même époque qu’Adam Mickiewicz, membre de l’association patriotique des Philarètes à Vilnius, est envoyé en exil en Russie).
Emilie Plater pendant l’insurrection de Novembre 1830
Après le déclenchement de l’insurrection du 29 Novembre 1830, Emilie Plater fut parmi la dizaine de femmes qui rejoignirent celle-ci. Elle coupa ses cheveux, se fit elle-même un uniforme et organisa une unité composée de 280 fantassins, 60 cavaliers et plusieurs centaines de paysans armés. Avec cette unité, elle entra en Lituanie et la légende dit qu’elle s’empara de la ville de Zarasai. Puis elle se dirigea vers Panevėžys et participa à plusieurs batailles dont, le 4 Mai 1831, à celle de Maišiagala (25 km nord-ouest de Vilnius). Elle fut nommée Capitaine (fait rarissime à l’époque) dans l’armée du Général Dezydery Chłapowski (un ancien Colonel de la Garde Impériale napoléonienne), prenant le commandement d’une compagnie du 25eRégiment d’Infanterie lituanien.
Mais la défaite d’Ostrołęka, le 26 Mai 1831, marque la fin de l’insurrection. Battu à Šiauliai, le Général Chłapowski se réfugia en Prusse. Emilie Plater voulait continuer le combat, mais elle tomba sérieusement malade. Elle décéda le 23 Décembre 1831, à l’âge de 25 ans, à Justinavas, succombant aux malheurs de sa patrie. Elle fut enterrée à Kapčiamiestis, près de Lazdijai.
La tombe d’Emilie Plater à Kapčiamiestis
Rapidement après sa mort, elle devint, aussi bien en Pologne, en Lituanie qu’à l’étranger, le symbole de l’insurrection contre l’occupation russe et celui de la femme combattante. Elle fut l’objet de peintures et d’œuvres littéraires, notamment par Adam Mickiewicz (Śmierć pułkownika – La mort d’un Colonel).
« Ayant pris Jeanne d’Arc pour modèle, elle égala cette femme sublime dans le dévouement et le courage » (Joseph Straszewicz)
NB : Ceux qui voudraient approfondir le sujet pourront lire avec profit « La Jeanne d’Arc de Pologne – Emilie Plater » de Marcel Bouteron (1937)
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