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The Empress ki (drama coréen historique) : un tourbillon d’émotions

the empress ki

15 nuits à vivre au rythme des aventures de The Empress Ki. Arriver à la fin d’une série dans laquelle on a été emporté par un tourbillon d’émotions n’est jamais facile. C’est même presque douloureux. The Empress Ki n’y fait pas exception. Il y a ce mélange d’excitation, de fébrilité et d’appréhension, cette tension nerveuse qui fait redouter tout ce qui semblait inévitable d’emblée.

51 épisodes d’1h disponibles sur Netflix (par rapport à quelques dizis – séries turques historiques de 300 épisodes de 2h20 chacun, c’est une formalité). Pour certains ce sera bien trop long et un frein pour débuter, d’autant qu’il y a des longueurs et que la lenteur du rythme, très souvent, donne l’impression que cela aurait pu être plus court et plus efficace pour la dramaturgie. Foncez quand même! Etonnamment, je suis sortie de cette série avec des sensations mitigées, mais j’ai tout oublié pour n’en garder que la satisfaction d’avoir été au coeur d’une grande aventure tragique entre amours et haines, lutte de pouvoir et guerres ; cruelle comme je les aime!

Le cheminement compte souvent plus que l’objectif. C’est ce que m’inspire toujours The Empress Ki, un Kdrama historique emblématique, couvert de récompenses, considéré comme l’un des meilleurs par beaucoup de fans du genre. Hier, je répondais à une question posée sur un groupe : Que pensez-vous de The Empress Ki? Au cas où cela vous donnerait envie de découvrir… La force d’un bon trailer est de comprendre l’essentiel, sans avoir besoin de comprendre ce qui est dit (on pourrait se passer des titrages). La puissance des images se suffit à elle-même. Elle insuffle déjà l’âme du sageuk et sa quintessence.

Le synopsis? L’ascension de Ki, la seule concubine originaire de Corée à devenir impératrice du Yuan (Chine) épouse de Toghon Temür dernier empereur de la dynastie du Yuan. L’histoire est tellement transformée pour les besoins de l’intrigue et de son côté épique, qu’on ne retiendra pas la fiction pour sa rigueur historique et pourtant, cela n’est pas un problème. Cela deviendrait même une excellente source de curiosité.

L’histoire romancée de l’impératrice Ki : entre amours, rivalités, luttes de pouvoir et trahisons

Ce drame historique coréen (kdrama) de 2013, considéré comme culte dans son genre avec des acteurs phares en Corée comme Ha Ji-won et Ji Chang Wook, raconte l’histoire très romancée de Ki Yang ; son itinéraire tourmenté et l’accession au pouvoir d’une jeune fille de Goryeo (actuelle Corée) de basse extraction envoyée en tribut comme tant de femmes de ce pays trop pauvre et faible à l’époque, l’étaient pour devenir servantes ou concubines pour les dignitaires du Yuan. Elle fut la seule coréenne à avoir été couronnée impératrice de la dynastie du grand Yuan. Le genre de série avec une foule de personnages, des dizaines de péripéties et de rebondissements, des intrigues trépidantes, où tous les défauts, ce qui semble invraisemblable, surjoué, ou critiquable n’importe absolument pas.

Et contre toute attente, ce ce n’est pas forcément Seung Nyang / Yang Ki qui est le personnage le plus intéressant. Certes, cette fillette qui voit sa mère mourir en la protégeant et choisit de vivre comme un garçon pour mieux survivre et se venger, est l’héroïne. La variété de ses expériences et de ses facettes depuis Seung Nyang jusqu’à l’impératrice Ki devrait en faire le personnage le plus attractif. Seung Nyang, guerrière avec un soupçon de Mulan, servante, seule capable d’attirer la confiance de l’empereur est émouvante, remplie de force et de résilience, jusqu’à ce qu’elle se mure dans un personnage froid et implacable. Elle deviendra ainsi Ki Yang concubine, grande consort, puis dernière impératrice du grand Yuan. Mais en réalité, c’est Ta Hwan / Toghon Temür, le prince héritier constamment menacé par tous les ambitieux et devenu empereur malgré sa faiblesse de caractère et son manque de goût pour les affaires de l’empire, marionnette entre les mains de puissants dignitaires qui est le personnage le plus décisif de l’intrigue, le plus complexe et le plus passionnant… Son évolution est la plus profonde et la plus émouvante, alors que les autres personnages n’ont guère d’ambivalences et restent prévisibles et sans nuances.

seung nyang ta hawan balade a cheval au bord de la mer

Le triangle amoureux Seung Nyang / Wang Yu / Ta Hwan (empereur Toghon Temür) qui pour les amateurs de mélodrames dont je suis, semblait prometteur, ne fonctionne pas aussi bien que je l’aurais voulu, surtout que l’intrigue tournant autour de la jalousie de Ta Hwan ne permet pas de bien comprendre la nature de chacune des relations entre Yang et les deux hommes pour lesquels elle se bat. L’histoire d’amitié et la romance avec Wang Yu est classique, simpliste et survolée. Quant au développement de sa relation avec Ta Hwan, il est beaucoup plus enrichissant, mais il ne permet pas à Wang Yu de sortir de son rôle de parfait chevalier et de prince charmant trop charmant. L’histoire se perd dans quelques incohérences et dans des scènes qui auraient nécessité une clarification de leurs rapports, alors que la succession de rebondissements les vide de leur sens.

seung nyang et wang yu amoureux

Comme dans toutes les séries de ce genre, les personnages sont très manichéens et manquent de profondeur : il y a les très très méchants, comme le diabolique et tout puissant grand conseiller Yeon-Chul (Jeon Gook-hwan), les ignobles et perfides, les méchants serviles qui ont choisi la mauvaise voie sans qu’on puisse toujours les détester, les lâches et les courageux, les bons et les gentils, comme Wang Yu, et ses fidèles amis, toujours loyaux et enracinés dans leurs principes inébranlables au risque d’être un peu ennuyeux. En dehors du personnage de Ki qui en rentrant au palais pour poursuivre sa mission de vengeance et de conquête du pouvoir devient de plus en plus monolithique, voire parfois aussi antipathique que les méchants qu’elle combat. La performance de Ji Chang Wook est indéniable pour donner une dimension touchante à Ta Hwan : il interprète avec conviction ce personnage d’empereur fragile, immature, comique par moment, versatile, perturbé et de plus en plus proche de la folie et de la dépression à mesure qu’il conquiert le pouvoir, un homme qui aurait voulu aimer une femme et rien de plus, pour qui la solitude est pesante et maladive, en dépit de son amour absolu pour Yang, et à cause de cette cour qui n’aspire qu’à sa disparition, même quand il se conforme à ce qu’elle demande.

L’histoire est un hymne aux femmes fortes, cultivées, obligées de lutter pour ce qu’elles veulent. Ce soupçon de féminisme auquel je ne suis pas sensible aurait pu m’agacer, si l’histoire de la véritable impératrice n’avait pas illustré aussi cette capacité rare à cette époque de prendre le pouvoir par l’intelligence et si, en définitive, toutes les femmes de cette histoire n’étaient pas elles aussi gouvernées par ce besoin de pouvoir à leur échelle. A commencer par Yang qui rêve de changer l’Empire Yuan pour le rendre plus juste et de transformer Goryeo en paix fort et indépendant, l’impératrice Tanashiri, l’impératrice Bayan qui veulent une place dans la vue d’un empereur qui n’a d’yeux que pour Yang et l’impératrice douairière dont l’obsession est conforter sa place dans la cour intérieure, dans la cour tout court pour que l’Empire Yuan ne perde pas sa grandeur supposée, même si elle est acquise au prix de guerres, de famines et de maltraitances du peuple.

Outre les décors et costumes splendides, qui plongent dans la cour de Daedo (actuel Pekin) au XIVème siècle, la bande OST sublime avec ses chansons romantiques entêtantes, la balade agitée entre Chine et Corée avec des tas de combats pas toujours bien tournés, la cruauté et la perfidie qui révèlent les thématiques de la corruption et de l’obsession du pouvoir, je retiendrai une scène qui est la plus touchante et l’une des plus belles dans la relation entre Yang et Ta Hwan. Car la solitude de Ta Hwan, c’est pour moi ce qui donne toute sa dimension tragique à l’histoire de Ta Hwan, surtout quand il conquiert le droit de devenir un empereur qui décide et non pas un fantoche manipulé. Quand il se repose sur Yang, encore servante, pour tout oublier ne serait-ce qu’un instant, et sentir qu’il peut faire confiance au moins à une personne, cela retranscrit la cruauté de cette destinée, où l’on ne s’appartient pas et ne peut rien y changer.

servante ki yang et empereur ta hwan

Au-delà de la fiction, cela permet d’ouvrir une porte vers l’Histoire et la vie réelle de ce personnage exceptionnel que fut Ki, dont l’intelligence, le courage et la combattivité, mais aussi le côté calculateur voire manipulateur, la conscience de son identité, ont permis de faire face à de nombreux obstacles, trahisons et tentatives d’éliminations par ses nombreux ennemis.

Addenda en réponse à la question : que pensez-vous de The Empress Ki ?

Il y a des séries que j’ai beaucoup plus appréciées et qui, même si elles sont moins bonnes, occupent dans mon panthéon personnel une place particulière. Néanmoins, sans The Empress Ki, je n’aurais jamais plongé dans cet univers des kdramas historiques et forcément, il est assez fondateur. Il contient tous les codes pour faire comprendre l’esprit d’un sageuk et est visuellement, esthétiquement très réussi, avec des personnages stéréotypés efficaces et surtout très nombreux. On ne trouve quasiment plus de séries de cette envergure depuis quelques années, d’autant que les formats se raccourcissent pour mieux correspondre aux habitudes de consommation des spectateurs (plus de séries plutôt qu’une longue série) et les personnages sont en nombre plus réduits pour être mieux développés, mais on perd aussi cette dimension d’aventure. Je regrette ces sagas comme The Iron Empress, Jumong… On prenait le temps de s’installer et de pénétrer dans l’histoire et dans toutes les intrigues rattachées au point qu’on pouvait avoir l’impression de plusieurs séries en une.

Visiblement, c’est par cette série que beaucoup d’amateurs de dramas historiques ont commencé et grâce à lui qu’ils sont devenus au mieux amateurs, au pire complètement accros. C’est mon cas. Et cela se comprend, car les décors, les costumes, le grand nombre de personnages incarnés par des acteurs qui certes surjouent beaucoup, mais permettent de mieux renforcer certains émotions, le souffle épique qu’il y a dans certaines phases et les différentes parties de l’ascension de Empress Ki sont passionnantes. Chacune compose presque une série à part entière, malgré quelques longueurs dans le dernier tiers dont on sent qu’il surfe sur le succès exceptionnel pour jouer les prolongations. Au risque de rendre le personnage de l’héroïne de moins en moins intéressant.

Ce qui a initié mon engouement pour ce genre, c’était la volonté d’accepter et d’identifier les défauts finalement assez nombreux et un grand sentiment de répétition continuel, et de considérer qu’ils ne comptaient plus vraiment dans l’équation ou se faisaient oublier, tant la série répondait à sa mission d’embarquer dans une destinée hors norme. Certes l’histoire est très romancée et éloignée de l’histoire réelle, mais suffisamment efficace et riche en rebondissements pour ne jamais s’ennuyer et pour donner envie de découvrir l’histoire des personnages véridiques. D’ailleurs, je dois à cette série d’avoir soulevé des questionnements que je retrouve depuis de fiction en fiction (et cette permanence m’attire d’autant plus), et de m’avoir donné envie d’étudier les sageuk dans le cadre de recherches universitaires en anthropologie et ethnologie.

Grâce aux thématiques abordées dans The Empress Ki, on peut réfléchir au sens du pouvoir et la réalité de son contenu à l’épreuve des convoitises et trahisons des courtisans, au rôle des femmes à travers plusieurs portraits de femme esclave, combattante obligée de se déguiser pour échapper à son sort jusqu’à la servante du palais, en passant par la reine douairière, les épouses ou les concubines si décisives dans les stratégies politiques. La série condense tous les ingrédients d’un sageuk : trahisons, complots, avidité, quête du trône, vengeance, combats personnels, entre factions ou entre peuples…

Et il y a aussi la plupart des éléments plus psychologiques comme l’appréhension de la profonde solitude du pouvoir qui parcourt quasiment 99% des sageuk avec plus ou moins de dramaturgie ou sur la quête du bonheur quand on ne s’appartient pas. Point très essentiel : l’ambivalence des sentiments de Seung Nyang / Consort et Empress Ki laisse toujours le spectateur dans le doute sur ce qu’éprouve réellement cette femme pour l’empereur et le roi de Goryeo, avant, pendant la conquête du pouvoir et une fois qu’il semble acquis et qu’elle doit lutter pour le conserver, oubliant souvent les valeurs et la morale qui l’avaient animée lors de sa construction en tant qu’adulte, certes forte et déterminée, mais capable de compassion et de bienveillance. J’ai eu envie de mieux cerner tous les codes culturels, les normes et stéréotypes, les sentiments et valeurs cultivés par les héros et personnages secondaires non moins instructifs. On ne s’interroge pas assez sur la réception que l’on fait de l’oeuvre après l’avoir vue et avoir digéré tout ce qu’elle a appris ou provoqué en nous-même. Or, tous ces éléments quand ils sont bien dosés génèrent une expérience aussi puissante chez le téléspectateur. Une expérience qui dépasse largement les émotions de joie, de peine, de tourment, ou de doute ou de peur, inspirées par l’histoire et le destin des personnages auxquels on s’attache ou qui inspirent la plus profonde antipathie, tout en étant aussi les plus enrichissants pour donner à l’oeuvre toute sa dimension romanesque. Avec The Empress Ki on est littéralement embarqué dans un flot d’émotions et on n’en sort pas indemne et c’est la force des grandes séries. On s’en souvient toujours, même si une série nous semble meilleure ou touche à quelque chose de plus intime dans lequel on se projette ou se reconnaît à titre personnel.

En terme de sageuk, j’apprécie néanmoins davantage le réalisme de The Red Sleeve plutôt que l’approche très prévisible des personnages dans The Empress Ki et ce n’est pas lié qu’à leur théâtralité un peu lassante à un moment. L’empereur est sûrement le personnage qui se sauve le mieux du lot et dont l’évolution s’avère la plus stimulante, car l’évolution de Ki, surtout quand elle conquiert le pouvoir en tant que concubine, ne m’a pas touchée. De même que la série perd beaucoup de son attractivité et devient de plus en plus convenue, après la chute du vrai méchant de l’histoire et de tous les membres de sa famille.

The Empress Ki est une oeuvre archétypale : elle condense tout ce qui fait un sageuk et même la distorision historique n’est pas dérangeante, puisqu’elle stimule la curiosité de savoir ce qui est vrai ou faux.

Sandrine Monllor (Fuchinran)

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