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Wien Tagedieb : une étrange colonne de la Peste sur l’avenue Graben

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Sur le Graben, ce cours prestigieux en plein coeur de Wien, entre la cathédrale Stephansdom, Kärntnerstrasse qui mène au Staatsoper et la rue Kohlmarkt qui conduit au palais de la Hofburg, on peut voir cet été, en plein milieu de la chaussée, à deux pas de la Pestsaüle, la colonne de la Peste, un bien curieux assortiment tout blanc propre à plonger le passant dans la plus grande perplexité.

Une intericonicité incertaine


Près d’un réverbère filiforme dont la lampe pend à la potence recourbée, une statue stylisée de gamin couvert d’un chapeau en forme d’écuelle est assise jambes ballantes au sommet d’une chaise très haute à pieds écartés qu’on prendrait pour celle d’un arbitre de tennis. L’intericonicité est incertaine. Ce qui est sûr, cependant, c’est que son nez fait penser à une canne à pêche et à celui de Pinocchio qui voyait le sien s’allonger quand il mentait. À son bout, on ne sait trop pourquoi, pend à un fil ce qui peut ressembler à une grosse araignée, tandis que, dans le dos du gamin, on ne sait trop pourquoi non plus, attachée à l’oblique au réverbère fume une cigarette géante.

La lampe s’allume quand on approche et s’éteint dès qu’on s’éloigne. Serait-ce un dispositif d’alarme ? Un gardien est bien chargé dans le même temps, à 600 kilomètres de là, de veiller à la sauvegarde de la statue, blanche elle aussi, de « L’enfant à la grenouille », sur la pointe de la Dogana à Venise, devant le musée du milliardaire Pinault (1). Un certain art contemporain qui se moque du monde, susciterait-il des pulsions vengeresses contre lesquelles le protéger ? (1)

 

Un paradoxe insoluble

Cette mise en scène insolite, en tout cas, n’est pas de celles qui déclenchent le frisson esthétique. L’assortiment offert tient surtout du paradoxe qui laisse interdit : quel rapport établir entre Pinocchio, son nez-canne-à-pêche, l’araignée qui y pendouille, la haute chaise d’arbitre de tennis, le réverbère qui s’allume et s’éteint, une cigarette qui fume, la couleur blanche ? On a beau chercher avec la meilleure volonté du monde, aucune solution cachée ne vient à l’esprit pour expliquer la réunion d’éléments aussi hétéroclites et si peu esthétiques. 

On finit par se lasser et laisser la place à ce genre d’ « artiste » qui se l’est accaparée. On reste cependant, comme à chaque fois, admiratif devant cette capacité prodigieuse qu’ont de pareils illusionnistes à jouer de l’argument d’autorité pour imposer leurs extravagances comme des œuvres d’art. Car il faut bien que, pour que cet attirail soit autorisé à encombrer le Graben de Wien, son auteur jouisse d’une audience auprès des autorités municipales. À quels charmes celles-ci ont-elles pu succomber pour donner leur accord ? C’est un mystère !
Loin de l’éclaircir, l’affichette explicative qu’en s’en allant, on découvre sur la grille de la fontaine voisine, le rend encore plus épais. On y apprend que l’auteur, Cosima Von Bonin, née au Kenya en 1962, se propose par cette « installation temporaire » appelée « Tagebied », c’est-à-dire « Fainéant », de dénoncer la fureur compulsive d’acheter qui agite un centre ville : Pinocchio offrirait par contraste l’image irénique de celui qui y résiste. Quant à la lampe qui s’éteint et s’allume, elle serait la métaphore de la notoriété éphémère que réserve le monde d’aujourd’hui.
La belle affaire !
 
On constate une fois de plus que plus une œuvre est indigente, plus elle a besoin d’un luxe d’explications pour en faire saisir la richesse absconse. C’est tout de même, de la part de son auteur, un singulier prosélytisme en faveur de la frugalité que de réussir à occuper la plus convoitée des avenues de Wien. On suppose que la place y est chère et la concurrence féroce. Est-ce vraiment par sa qualité esthétique supérieure que cette œuvre l’a emporté sur les autres ? On songe plutôt au mot de Jean-Pierre Marielle repris par Philippe Noiret : tout est affaire de « carte », c’est-à-dire de cooptation arbitraire par un cercle de gens influents, « assurant aux porteurs que quoi qu’ils fassent, pour leur plus petit pet, il y aura de l’écho ». Si on a « la carte », on est assuré d’avoir ses entrées, si insignifiante que soit sa production ; si on ne l’a pas, inutile d’insister ! Institutions et médias restent irrémédiablement fermés ! Il faut croire, cependant, que plus on a rien à dire, plus on a de chances d’être entendu et promu !
Paul Villach
 
(1) Paul Villach, « Petites jouissances secrètes devant l’art prisé d’un milliardaire à Venise », AgoraVox, 2 août 2010.

Énigme et passe-droits artistiques sur la plus prestigieuse avenue de Wien ?

Wien Tagedieb

Vienne Tagedieb sur le Graben

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