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Je suis en train de lire « J’ai choisi la Liberté » de Victor Andreïevitch Kravchenko, dans son édition originale française de 1947 (Editions Self, Paris). Ce livre est intéressant, je dirais même essentiel, à plus d’un titre. Car, comme le dit son traducteur de l’époque, ce document « n’est pas un livre comme les autres ».
En Avril 1944, Victor Andreïevitch Kravchenko (1905 – 1966), ingénieur soviétique ukrainien (région du Donbass), en mission à Washington dans le cadre d’une mission de la commission d’achat soviétique, demande l’asile politique aux Etats-Unis. Il rédige quelques mois après (1946) un ouvrage où il décrit « la vie publique et privée d’un haut fonctionnaire soviétique » et il explique pourquoi il a « choisi la liberté » (I choose Freedom). Dans son livre, il décrit, seize ans avant Alexandre Soljenitsyne dans Une journée d’Ivan Denissovitch, les méfaits de la collectivisation, la famine provoquée en Ukraine (Holodomor), les purges, les camps de concentrations, ……
L’ouvrage rencontre un immense succès, et il est traduit en Français et publié en France en 1947.
Victor Kravchenko |
Le 13 Novembre 1947, l’hebdomadaire communiste « Les Lettres françaises » publie un article, prétendument envoyé des Etats-Unis par un dénommé Sim Thomas, assurant que Kravchenko n’aurait pas écrit lui-même son livre, lequel aurait été en fait rédigé par des mencheviks (sociaux-démocrates opposés aux bolcheviks). Pendant des mois, André Wurmser, journaliste et écrivain communiste, publie des articles insultants, accusant Kravchenko de « mensonge et d’imposture ». Celui-ci porte finalement plainte en diffamation contre le journal.
Le procès ne s’ouvre que le 24 Janvier 1949, Sim Thomas étant introuvable, et pour cause : c’était une pure invention de Claude Morgan, rédacteur en chef des Lettres françaises, qui comparut alors avec Wurmser. Il durera jusqu’au 22 Mars 1949, comportant 25 audiences. Nina Berberova (1901 – 1993), la grande poétesse russe qui réside à Paris depuis 1925, relatera le procès dans L’affaire Kravchenko (paru en 1990).
Les Lettres françaises produisent des témoins prestigieux tels Frédéric Joliot-Curie, Vercors, Roger Garaudy ou le poète Jean Cassou. L’avocat des Lettres françaises prétendra que, derrière Kravchenko, il y a les services de renseignements américains, argument qui est encore utilisé de nos jours. Dans la salle, Sartre, Beauvoir, Elsa Triolet applaudissent.
A l’appui de Kravchenko, les témoins, pour la plupart rescapés des camps de concentration soviétiques, décrivent audience après audience la réalité du régime totalitaire soviétique : collectivisation forcée, arrestations arbitraires, pseudo procès. Le témoignage de Margarete Buber-Neumann (1901 – 1989), communiste allemande, réfugiée en Russie après la prise de pouvoir par les nazis, mais livrée par les soviétiques à ceux-ci en vertu du pacte Molotov-Ribbentrop, sera un des temps forts du procès. Selon Nina Berberova, ce témoignage « vaut à lui seul dix ans de propagande anticommuniste », puisqu’il peut établir un parallèle entre les camps nazis et les camps soviétiques. Pour la défense des Lettres françaises, toutes les atrocités évoquées sont des inventions !
Le 4 Avril 1949, Les Lettres françaises sont condamnées à verser 150 000 francs de dommages et intérêts. Le procès aura toutefois montré la force politique et intellectuelle du parti communiste français (aux municipales de 1947, il obtient 29,9 % des voix, et encore 25,5 % aux législatives de 1951. Il a réussi à mobiliser de nombreuses plumes pour condamner un livre remettant en cause l’URSS et la politique de Staline, « le petit père des peuples ». Après la mort de Staline, en 1953, les dirigeants français rechigneront d’ailleurs à s’engager dans la dénonciation des crimes de Staline par Khrouchtchev au XXe Congrès du PC d’Union soviétique (23 Février 1956).
« J’ai choisi la Liberté »de V. A. Kravchenko se vendra à plus de 500 000 exemplaires. Une belle leçon face à l’aveuglement idéologique.
La mort de Kravchenko d’une balle dans la tête, le 25 Février 1966, sera considérée à l’époque comme un suicide. Mais tout le monde n’est pas persuadé que le KGB soit étranger à l’affaire.
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Ayant lu « j’ai choisi la la liberté » je ne peux m’empêcher de penser à Serguei Jirnov en espérant que les russes le laisseront en paix!