La liberté nait-elle de la mer ?A peine la fabuleuse Cappadoce quittée avec difficultés, l’étape suivante se devait d’être à la hauteur des merveilleuses impressions turques collectées tout au long du voyage. Petit port de pêche coincé entre des eaux turquoises et une végétation verdoyante, au pied d’une montagne abrupte, Kas nous aide un peu à digérer les fatigues et les émotions du voyage et nous sert de sas de retour progressif vers la réalité, tout en offrant à nos yeux le spectacle d’une véritable douceur de vivre, dans laquelle nous n’avons aucun mal à nous fondre…
« Fondre » est d’ailleurs ici le terme adéquat puisque la chaleur, humide et étouffante, rend indispensable la proximité d’un point d’eau, quel qu’il soit : du verre d’eau à la Méditerranée, en passant par le moindre tuyau d’arrosage ou l’une des innombrables piscines qui ont ici surgit, urbanisation oblige.
Pour tout dire, le village lui même, quoi que très tranquille, est un poil trop touristique a mon goût. Les hôtels, dont le nôtre, avec une magnifique vue mer, une belle piscine et une plage privée, ont ici poussés commedes minarets, donnant au lieu des airs de petites Côte d’Azur, heureusement à taille humaine et pas trop fréquentée. On entend moins le chant du muezzin ici, beaucoup plus lointain, et les bars n’arrêtent pas la musique a l’heure de la prière, comme a Istanbul ou en Cappadoce….
Néanmoins, ce lieu possède des avantages essentiels : il nous permet de nous poser un peu (5 nuits en tout), à défaut de nous reposer vraiment (Amalia a des nuits agitées),il nous plonge dans une belle langueur tropicale, où le temps n’a plus trop d’importance (il parait pourtant qu’on rentre dans 2 jours…) et, surtout, il sert de point de départ à de fabuleuses expéditions paradisiaco-culturelles au beau milieu de ruines magnifiques, de canyons grandioses, des baies aux eaux limpides et de villages restés eux authentiques.
Voici donc cette île fabuleuse (Kekova) que nous avons longés en bateau une journée entière, découvrant de belles ruines datant de plus de 25 siècles. Voici donc cette cité engloutie, au dessus de laquelle nous nous sommes baignés. Voici encore ces criques à la splendeur quasi divine, où le vert des arbres dispute la place aux eaux turquoises et limpides. Voici toujours ce vertigineux Canyon – sorte de Verdon local – aux eaux argileuses réparatrices, que nous avons eu toutes les peines du monde à parcourir avec Amalia (roches glissantes, toboggans naturels, marécages argileux…) mais qui constituent un merveilleux souvenir de famille et de voyage. Voici enfin ces villages anciens, accrochés à flanc de montagne et dominés par quelques ruines d’une forteresse d’où le point de vue exceptionnel vaut bien l’effort pour y accéder. Sans oublier ces plages (Kaputas, Patara…) à faire passer les brochures d’agences de voyage pour des prospectus en noir et blanc…
Et puis, il y a tous ces moments qui ne figurent sur aucun guide ni sur aucun programme. Ces instants où l’on se dit que la moindre parcelle de temps et d’espace est porteuse d’émotions nouvelles et de sensations brutes, encore inconnues. C’est toutes ces rencontres au hasard des sentiers de rando ou des rues de tel ou tel village. C’est tous ces gens qui prennent Amalia dans leur bras ou jouent avec elle, juste par simple envie de partager. C’est nous trois le soir, assis en bord de mer, écoutant silencieusement le ressac sous le ciel étoilé, partageant ces émotions silencieuses en ayant conscience que quelques liens nouveaux se tissent là entre nous. C’est ces familles rencontrées ça et la, ces promenades sans destination, juste pour savoir vers quoi elles vont nous mener. C’est ces milles et un moments de complicité avec des inconnus qui, grâce a Amalia, ont jalonnés notre parcours. Tout cela renforce notre socle familial tout en nous permettant de garder, quelque part, la tête dans les étoiles.
Pour terminer, il y a cette petite escapade réalisée en solitaire sur l’ile rocheuse de Meis, juste en face de Kas (à une demi heure de bateau). Là encore, petit village de 200 habitants à peine, pas le plus charmant mais qui possède une particularité de taille en Turquie : il est Grec ! Par un saisissant clin d’oeil géographique, me voici donc, pour quelques heures, de retour en Europe.
Que suis-je venu faire sans les miens dans ces petites ruelles désertes et ombragées, aux maisons peintes en blanc ou bleus et aux bougainvilliers merveilleusement colorés ? Que suis-je venu cherché dans cette minuscules rade occupée par une dizaine de bateaux de pêches, une forteresse oubliée et quelques cafés où le temps semblent s’être arrêté ? Peut être trouver un peu de calme et de silence, au cours de l’une de ces errances sans but dont je ne me lasse jamais. Peut être capter un peu de cette chaleur méditerranéenne, où je me sens chez moi même à plusieurs centaines de km de mon port d’attache. Peut être respirer un peu de cette atmosphère grecque, dans laquelle a baignée une partie de ma famille… Mais sans doute aussi pour retrouver, le temps d’une errance solitaire, cette impression étrange d’être toujours entre deux mondes, entre Europe et Asıe, Orient et occident, rêve et réalité,…
La sensation d’être « ici » et « ailleurs » en même temps, comme une sorte de voyage perpétuel….
Nous retournerons sans aucun doute dans ce pays merveilleux, où tout s’apprécie a condition de prendre le temps : le temps de contempler la vie à la terrasse d’un café, le temps que votre thé brulant refroidisse, le temps que le marc de votre café descende complètement au fond de la tasse, le temps que cette vieille goélette turque sur les eaux bleues quitte enfin votre champ de vision.
İci, nous avons redécouvert ce bonheur trop vite oublié de l’isolement, du partage et de la contemplation.
Merci a tous de vos messages et a très bientôt pour des impressions de vive voix.
Lionel
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