La Birmanie semble être actuellement le pays le plus courtisé de la planète. Chacun veut sa part de gâteau de ce fabuleux pays traversé par Marco Polo et qui, de retour de ses voyages écrivait « Le devisement du monde ». Il avait mis tant de couleurs et de saveurs incroyables dans ses mémoires que plus tard, on qualifia ses écrits de « millions de mensonges ».
Une chose est certaine en ce qui concerne le Myanmar, ce pays est follement riche en gaz, pétrole, minerais (l’or du pays Shan) fer, étain, pierres précieuses et bois de teck (forêts archi pillées, teck acheminé vers la Chine et la Thailande). Le jour où la Corée du Nord s’ouvrira, je me demande s’il y aura autant de candidats aux soi-disant « échanges ». C’est ce que clame la Thaïlande par la voix de son ministre des affaires étrangères : « Nous ne devons pas profiter de la Birmanie, mais établir un pont entre les deux pays. Ce n’est pas seulement l’occasion de faire du profit et du commerce, nous devons aussi consolider la stabilité et coopérer dans divers domaines tel l’éducation. » (sic)…
Sauf que ce sont peut-être les birmans et les karens qui pourraient donner quelques leçons en matière d’éducation aux élèves thaïlandais. En effet, les thaïs ne s’intéressent pas à ses voisins et ne parlent aucune de leur langue. En revanche les birmans, karen, shan refugiés en Thailande parlent plusieurs langues locales, plus l’anglais et le thaï !!
Le monde est plein de bonnes intentions envers la Birmanie…comment aider ce pays à se démocratiser par exemple. Démocratie mot galvaudé s’il en est ! Je pense que la Thailande est assez pressée de renvoyer vers leur pays d’origine, tous les réfugiés de Birmanie qui vivent actuellement dans les camps le long de la frontière. Tout en gardant la main-d’œuvre « cheap », de la femme de ménage des hôtels de Bangkok, en passant par les gardiens d’immeubles à Chiang Mai, ils viennent presque tous « d’ailleurs », ce qui ne saute pas aux yeux des touristes.
Les périodes de transition sont des périodes dangereusement intéressantes. Des périodes de tous les possibles, d’exaltations, d’espoirs, de tâtonnements et de grandes plongées dans l’inconnu et donc… de vertiges. Des fins de règne et de nouveaux horizons, d’opportunités pour les bonnes volontés, les rêveurs et les profiteurs.
Encore considéré comme un exotique pays bouddhiste par beaucoup, comme un pays de gens souriants, c’est aussi et encore un pays dirigé par la plus répressive des juntes, mais surtout un pays carrefour de toutes les civilisations du sud-est asiatique.
« Se rappelle-t-on » écrit Thant Myint-U, historien birman, « qu’au 16e siècle, les pirates portugais puis les samouraïs japonais et les princes persans manigançaient et complotaient pour obtenir le pouvoir à la cour d’Arakan, ou de la première guerre anglo-birmane de 1824 alors que les rockets et les bateaux à vapeur de la Compagnie des Indes se battaient contre les éléphants et les porteurs de « mousquets » du roi de Ava. Et plus proche aujourd’hui, de l’occupation britannique durant un siècle, de la dévastation occasionnée par la seconde guerre mondiale, de la sanglante guerre civile de la fin des années 40 et de l’invasion chinoise du début des années 50 ? »
Il est intéressant, en découvrant ce pays, de jeter un œil sur son passé, pour en comprendre son présent. Passé tumultueux ou glorieux que les autorités « bétonnent » ou « restaurent » (selon le point de vue où l’on se place)… comme les temples de Bagan.
Le danger aujourd’hui est que tout va vite, trop vite, et que pour accommoder un tourisme pressé, les dirigeants se contentent de colmater le passé, comme ils colmatent les vestiges des temples par exemple.
Colmater à toute vitesse pour gommer le passé, colmater pour faire du vrai-faux ou du faux-vrai pour les nouveaux visiteurs que nous sommes.
Avoir le sang vert
La Birmanie, pays convoité. La misère la plus noire pour une majorité de la population. La production de pierres les plus précieuses et les plus fabuleuses qui font rêver les hommes et les maffias pour leur commerce et l’argent qu’ils en tirent, qui font aussi rêver les femmes qui se parent de leur éclat ou de leur sombre froideur : rubis, jade.
90 % de la production mondiale de rubis est birmane. 70 % de la production de jade est birmane (une autre partie vient du Tibet)
Les Kachin (ethnie du nord du Myanmar), l’extraient du sol autour des rivières Uru et Chindwin.
– « J’ai ça dans le sang et c’est la même chose pour tous les kachin de la région » avouait un kachin à un voyageur-ecrivain anglais il y a quelques années. « On dit qu’on a le sang vert »
Les chinois vouent un véritable culte au jade qui se dit « yu » en chinois. Et rapprochement magnifique avec l’écriture chinoise, Chine s’écrit 中国 Le premier signe « zhong » : « milieu » et le second signe « guo », pays. (Empire du milieu) En fait le signe « guo » est une forteresse enfermant le jade (jade :玉).
Le jade est importé de Birmanie à travers le Yunnan et les chinois l’appellent donc « Yunnan yu » le jade du Yunnan. Le vrai jade (il y a tellement de faux… joli marbre souvent !) est vert ou d’un blanc laiteux. Le vert caractéristique de la jadéite provient de la présence du chrome dans sa composition (même chose pour l’émeraude) tandis que la teinte plus foncée provient du fer. Sur l’échelle de Moh, utilisée par les géologues, la jadéite est à 6.5 ou 7 tandis que l’acier ordinaire est à environ 6. Donc une lame ne peut laisser de trace sur le jade.
On reconnaît donc le jade à sa froideur. Mais pas seulement. A sa dureté aussi. Et puis le jade est paré de vertus inégalées : bonté, droiture, sagesse, courage pureté.
Aux frontières terrestres, entre Birmanie et Thaïlande : Maee Sai, Maee Sot, les marchands de pierres précieuses (toutes fausses) – rouges ou vertes – abondent. Je ne sais pas reconnaitre un rubis, il parait que les faux sont plus beaux et plus purs que les vrais qui, eux, ne le sont jamais tout à fait. Mais pour le jade : froideur et dureté.
La Birmanie – ou plutôt le Myanmar – un pays qui fait aussi rêver les voyageurs qui eux, accordent plus d’importance aux sourires qu’à ces richesses minieres.
Dans l’attente de mon visa…je caresse doucement le bracelet de jade autour de mon poignet. Sagesse et patience.
Photos de Chine, province du Guizhou
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