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Nouakchott – 8 ans avant… #2

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Deux jours après notre arrivée a eu lieu une tentative de coup d’état. Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, le président en place depuis vingt ans a failli se faire mettre dehors par le chef de son état major (on est alors en 2004 et c’est en 2005 qu’il se fera vraiment éjecter). Les policiers étaient donc remontés et nerveux, car en cas de coup d’état échoué, tout le monde est sur ses gardes, les coupables étant traqués. Ces policiers (tous des Maures blancs) font preuve de racisme évident envers les Noirs, et c’est d’eux dont j’ai eu le plus peur pendant mon voyage.
Car être une Blanche avec un Noir est vu comme un dégradation pour « notre race » et donc, c’est la mauvaise combinaison, surtout que les Européens sont vus comme des porte-monnaies ambulants – c’est sans doute pourquoi on a du donner 20€ à peine arrivés à l’aéroport de Nouakchott pour qu’on nous rende nos passeports… bienvenue en Mauritanie !

Pour lire le début et le contexte dans lequel cet article a été écrit, lisez ici !

L’ambiance dans la rue n’était donc pas très détendue. Les frontières de la ville étaient bloquées par des barrages de ces mêmes policiers, on n’a donc pas pu sortir de la ville de peur de se faire racketer ou piquer nos passeports.

Mes rêves de désert se sont donc effondrés deux jours après notre arrivée, au vu de notre impossibilité de se déplacer… J’ai eu droit à quelques instants de beauté quand un ami de la famille travaillant à l’ambassade de France est venu nous chercher avec sa voiture – avec sa plaque de l’ambassade on a pu sortir sans problème de la ville.
Première dune aperçue au loin, derrière les dernières maisons de la ville. Des frissons. Eblouie. Et puis on est descendu. Beau, pur, doux, le vent avait fait des marques dans le sable. Le soleil de 18h faisait de beaux dessins dans le paysage. Ce fut malheureusement très court. Mais déjà très très très fort.

J’ai surtout eu l’occasion d’observer la capitale : les rues, les gens de la famille, les amis…
J’ai eu l’occasion de rencontrer une voyante, j’ai eu envie de faire une photo, mais je me suis retenue… Grand boubou avec coiffe assortie, grosses lunettes aux verres fumés des années 60, téléphone portable à la main. Si on rajoute toutes les bières enfilées et cachées sous le boubou (c’est ici interdit de boire de l’alcool)… Une personne hors du commun. Difficile à concevoir par les Toubabs.

J’ai pas mal bougé dans la ville en taxi, la chaleur ambiante (40°C en moyenne) et la saleté ne m’encourageant pas à marcher…
Ca ne coûte pas cher : 200 Ouguiyas la course, soit 60 centimes d’euros. Il y en a tellement. En tant que Blanche, ils me klaxonnent dès que je suis dans la rue pour savoir si j’ai besoin d’eux. Tout conducteur est potentiellement taxi. Les voitures sont parfois dans un état de décrépitude avancée… Certaines n’ont pas de phares, sont très retapées. On se demande si d’autres arriveront encore à redémarrer.
Mais une course en taxi apprend toujours quelque chose. La conversation s’instaure rapidement. Souvent les conducteurs sont noirs. Les critiques sur les Maures fusent.
Et en taxi, je découvre la ville. Les banas-banas : ces petites gens qui commercent dans la rue (petite alimentation, cartes téléphoniques – à tous les carrefours, elles sont vendues au bout de branche tenue à longueur de journée par des Maures – ou viande à l’étalage avec son lot de mouches). Les gens dans les voitures : les taxis où s’entassent parfois 6, 7 ou 8 personnes, les Maures qui font leur business dans les grosses voitures… Les Mauresques qui roulent à 2 à l’heure. « Un million de conducteurs ne connaissent pas le code de la route. » Voilà ce que nous disait un vieux taximan sur Nouakchott. Sachant qu’il y a 2,8 millions d’habitants ici, que tous ne conduisent pas, il n’en reste pas beaucoup qui connaissent les règles de conduite.
La rue : du sable, des hommes qui dorment au bord des routes, des ferrailleurs qui y travaillent, des ânes qui embouteillent (qui sont à l’origine des nombreux embouteillages de la ville), des policiers tous les 200 ou 300 mètres. Et la saleté, la poubelle, c’est aussi la rue ; les égouts, c’est encore la rue. Et les WC, c’est parfois la rue aussi…

Je ne pourrai pas parler de mon séjour sans évoquer les Français de Nouakchott. Ceux qui vivent ici bossent en général pour l’ambassade ou sont dans la religion. L’esprit général semble bel et bien néo-colon. Ils sont à des kilomètres des préoccupations de base de la population. Pas un ne doit savoir comment se passe la vie quotidienne des gens d’ici. Ils ont de l’argent (salaire français et primes d’expatriation) et donc la vie facile et le comportement qui va avec… Histoires de coucheries, on n’imagine pas. Ils donnent en plus une image très pédante des français : ceux qui se croient supérieurs. Des missionnaires néo-colons quoi ! En plus ils sont considérés comme des porte-monnaies ambulants. D’ailleurs, ils se rendent en général ici uniquement pour l’argent. Quelle non-expérience d’échange…

Le dernier jour en Mauritanie fut celui du voyage retour vers la France. Une fois à l’aéroport, toute la rage que j’avais s’est réveillée en voyant comment se passent les départs. S’enregistrent d’abord ceux qui connaissent quelqu’un, qui paient des policiers ou qui ont quelqu’un qui fait les démarches pour eux. Cette ambiance a révélé en moi de mauvais sentiments à l’égard de la plupart des Maures de Nouakchott : beaucoup sont racistes et affichent un air satisfait, supérieur et pédant. Particulièrement ces petits policiers qui ne se sentent plus car ils possèdent un peu de pouvoir. Même jusqu’aux employés de l’aéroport. Ils sont sales, presque en guenilles et ont cet air malsain de ceux qui réussissent sur le dos des autres…
En montant dans l’avion, je cause avec un Maure doctorant en France. Je lui demande son avis sur l’avenir du pays. Il est optimiste. Il y a des gens qui aiment leur patrie. Ce ne sera pas par les urnes selon lui. Et ce changement se fera contre tous ceux qui volent l’argent public. Il parle aussi d’investisseurs privés qui peuvent aider. Mais il n’est pas aveugle face au système de piston (qui est roi ici). Il parle d’une qualité des Maures : la solidarité familiale. Il y en a qui s’enrichissent sur le dos du pays pour nourrir plusieurs familles.
Mais c’est cette même solidarité qui mène directement au système du « piston roi » et qui empêche donc d’avoir une élite réelle aux postes importants pour faire avancer le pays. Et puis, quand il parle de patrie, j’ai du mal à voir ce qu’il veut dire : ça ressemble plutôt à des gens réunis ici par hasard et qui s’en sortent en luttant les uns contre les autres, car tous leur business fonctionnent par la magouille… et donc l’entube des gens. Quelle patrie pour tant d’ethnies différentes ? et tous ces gens ne parlant ni le français, ni l’arabe.
Dans l’avion qui me ramène en France, j’essaie de mon convaincre que ça ne pourra que s’améliorer…

A la lecture de ces lignes, huit ans plus tard donc, je souris, face à mon étonnement sur l’attitude des Français expatriés par exemple. C’est bien sûr généralisé dans de nombreux pays, et cette attitude est tellement habituelle que je pense ne l’avoir jamais évoquée à propos des expats’ de Chine par exemple…
L’ensemble de ce texte est plutôt noir, une fois n’est pas coutume. Je l’avais écrit à destination de ma famille et amis, et je suis retombée dessus ces jours-ci et j’ai donc pris le parti de le conserver tel quel.
Qu’en pensez-vous? si vous êtes passé par Nouakchott, quel est votre avis, notamment sur les problèmes de relations Maures – Noirs?…

Votre avis m’intéresse ! 

 

Qui est l’auteur?

ye liliBlogueuse curieuse et plume voyageuse, mon nom emprunté à la Chine est Ye Lili. Pendant 4 ans j’ai côtoyé la Chine, de près ou de loin, dans mon travail, mes voyages et mes loisirs. Je partage ici mes expériences en Chine, mes impressions, mes questions, mes vues et entrevues, subjectives inévitablement, mais toujours sincères. « Si la beauté est dans l’oeil de celui qui regarde, le voyage est dans l’esprit de celui qui le vit… »

Visiter le blog Curieuse voyageuse…

Ye Lili

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