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Portrait de Chine, portraits chinois : rencontre avec Juanjuan, Wang Qing, Catherine, Woody, Abby

portrait chinois

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Je vous propose le portrait de Chinois à qui je demande de me parler de leur vie et de leurs envies, pour partager ces instantanés de vies chinoises ici avec vous. Rencontre avec Juanjuan, Wang Qing, Catherine…

portrait chinois

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Nous partons aujourd’hui à la rencontre de Juanjuan, une jeune barmaid. Pourquoi elle ? simplement car je l’ai rencontrée quelques heures après avoir pris la décision de faire cette série, et son dynamisme et sa gentillesse m’ont paru assez représentatifs du caractère des Chinois.

Peux-tu te présenter?

juanjuan portrait chineJe m’appelle Juanjuan, je viens de Kaili dans le Guizhou et j’ai 25 ans. Je suis d’une minorité ethnique, les Miao. Ma maman est morte quand j’étais jeune, et à la maison, il y a mon père, mon frère et ma sœur.

Pourquoi as-tu quitté le Guizhou ?

Je n’avais pas d’argent pour étudier, car j’ai une grande sœur qui étudiait déjà et pour deux, c’était trop cher.

En 2004, après avoir fini le lycée, une tante éloignée qui vivait à Ningbo m’a proposé de venir travailler là-bas. Depuis toujours, je suis très indépendante, car je n’ai pas eu de maman, alors je suis partie seule. C’était la première fois que je prenais le train, ça a duré 30 heures !

Quand je suis arrivée j’étais perdue, je n’avais jamais vu cette tante. Elle m’a trouvé un travail dans un pub, où je vivais également. Au début les 3 autres serveuses ne me parlaient pas, et on ne parlait pas le même dialecte, je me sentais seule. Après ça s’est bien amélioré.

Ma tante m’a conseillé de parler le plus possible avec les étrangers, de ne pas être timide. Dans ce bar, c’était la première fois que je parlai avec quelqu’un qui n’était pas chinois, j’ai eu très peur. Après je me suis habituée, et j’ai pu progresser en anglais. Les premiers mois à Ningbo n’ont pas été faciles, j’ai souffert de la chaleur, j’ai eu des problèmes de santé. Heureusement les autres serveuses me soutenaient. Et je voyais aussi souvent ma tante. Chaque mois, j’aidais ma sœur à payer ses études, et j’envoyais aussi de l’argent à mon père.

Au bout d’un an, un Américain m’a proposé de travailler pour lui. J’étais son interprète et je m’occupais aussi de ses enfants. Je vivais chez eux. Mais ça ne s’est pas très bien passé avec sa femme, elle passait son temps à critiquer la Chine. J’ai eu une nouvelle opportunité et je suis partie: un ami de cet Américain m’a proposé de travailler comme assistante dans son entreprise. Il était Australien. J’ai beaucoup appris à ses côtés, il m’a formé au travail en entreprise : à ce moment là, je ne savais même pas comment répondre au téléphone ! Je suis restée 3 ans à ses côtés.

Pourquoi es-tu partie ?

Ma tante a ouvert un pub à Shanghai avec son conjoint australien, je suis venue les aider. C’était il y a 4 mois.

Comment trouves-tu la vie à Shanghai ?

Ça n’a pas été facile au début, on a eu beaucoup de problèmes pour avoir la licence, en Chine, l’administratif, ce n’est pas simple. Et la vie à Shanghai est chère : les transports, la nourriture, tout est cher ! Les gens sont plus sympas qu’avant, quand je venais pour travailler depuis Ningbo. Mais il y en a qui ne sont vraiment pas sympas : comme je ne parle pas le dialecte de Shanghai, ils me demandent d’où je viens, et vu que le Guizhou n’est pas développé, ils me prennent de haut…

Quel est ton rêve ?

Je rêve de m’acheter une maison, à Ningbo, car Shanghai c’est trop cher, et une voiture. J’aimerai aussi voyager dans de beaux pays.

Et dans 10 ans, comment te vois-tu ?

Avec une famille, un mari que j’aime et 2 enfants !

Comment trouves-tu ta vie, ton parcours ?

Je me trouve très chanceuse : j’ai rencontré beaucoup de personnes bien qui m’ont beaucoup appris, beaucoup aidée. La vie en Chine est mieux qu’avant : on vit mieux, les salaires sont meilleurs, les transports aussi…

Qu’est-ce que tu aimerais dire aux étrangers qui liront notre entretien ?

La Chine est un beau pays, les Chinois sont très chaleureux, très amicaux, très sympas. Il y a beaucoup de solidarité ici, je ne sais pas comment c’est ailleurs, mais je pense qu’ici c’est plus important. La famille est très importante aussi. On n’oublie pas ses parents à 18 ans…

Si je gagne au loto, j’aimerai donner la moitié de mes sous aux étudiants du Guizhou. Y en a qui n’ont même pas de chaussures pour aller en cours. Il y a des problèmes de développement ici.

Il y a vraiment des très riches et des très pauvres. La différence est énorme.

C’est commun à toute la Chine ?

Oui, vraiment. Je sais que c’est dur pour les pauvres, car dans ma famille, on manquait de riz quand j’étais jeune, j’ai connu la faim. Il y a beaucoup de régions très pauvres en Chine, et qui se développent moins à cause de la corruption.

Par exemple, quand j’étais petite, on a été exproprié pour le passage d’une voie ferrée. On nous a donné 700 yuans par morceau de terrain. Deux ans plus tard on a appris que le gouvernement aurait du nous donner 2000 yuans pour ces mêmes morceaux.

Tu penses pouvoir changer ce genre de choses ?

Non, on n’a aucun recours car les corrompus se protègent entre eux, il y a toujours quelqu’un pour couvrir l’autre. Si j’essaie de changer cela, je vais avoir des problèmes. La Chine est grande, le gouvernement chinois a trop de gens à gérer ; même s’il y a des améliorations il y encore a de gros problèmes.

Penses-tu que la plupart des Chinois partagent ton point de vue ?

Oui, la majorité sont au courant de la corruption et sont d’accord avec moi. J’ai vu un chef d’entreprise donner de l’argent à un gouverneur pour que son entreprise puisse investir et agir comme elle le voulait. Le problème c’est que les dirigeants des entreprises et les politiciens se protègent mutuellement. Comme tout se fait en liquide ou que ce sont des cadeaux, il n’y a jamais de preuves, alors on ne peut pas changer cela. C’est comme une règle dans le commerce ici. Et le problème vient des deux côtés : si personne ne donne, personne ne prend.

Mais maintenant c’est quand même mieux qu’avant, le gouvernement fait changer les choses, il communique et veut éduquer les gens à ce propos. Et je suis fière de mon pays, et du gouvernement qu’il fait ce qu’il faut pour développer la Chine, je suis confiante en l’avenir de mon pays.

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[tab name=’Wang Qing’]

Nous rencontrons Wang Qing, « mon » Ayi… Pour les étrangers vivant en Chine, une Ayi est la personne qui fait le ménage chez eux et/ou garde les enfants, à la base ce terme signifie tante en chinois, mais il a bien évolué dans le jargon Laowai. Et mon ami et moi étant bien occupés par nos boulots respectifs, nous avons le luxe d’avoir une femme de ménage quelques heures par semaine.

Wang-QingPour ce portrait, c’est la Chine de tout en bas que nous rencontrons. Rencontre, comme vous allez le voir, bouleversante, et qui reflète pourtant la vie de beaucoup, beaucoup de Chinois…

Qui es-tu?

Je m’appelle Wang Qing, j’ai 37 ans. Je suis Shanghaïenne depuis 3 mois (après des années dans une demi-illégalité, elle a obtenu le hukou de Shanghai, ou sorte de passeport interne à la Chine, obligatoire pour changer de lieu de vie). Mon mari est de Shanghai, je suis originaire du Jiangsu.

Pourquoi es-tu venue à Shanghai?

Je suis venue quand j’avais 15 ans. On était 5 enfants chez moi et on avait très peu d’argent. Mes parents étaient paysans. Mon père ne gagnait que 30 rmb par mois (équivalent de 3 euros). J’ai été envoyé à Shanghai avec mon grand frère.

Qu’as-tu fait à ce moment-là?

J’ai été employée par un restaurant pour faire la vaisselle. Je me levais à 2 heures du matin, et me couchais à 23 heures. J’avais un salaire de 80 rmb, c’était beaucoup: le loyer ne faisait que 16 rmb; on louait une grande pièce avec mon frère. Il n’y avait rien à l’intérieur, que 2 matelas sur le sol… Après j’ai travaillé dans un restaurant dans la rue. Je me levais encore à 2 heures du matin…

A 19 ans j’ai rencontré mon mari. Lui il avait 35 ans. Il avait eu une première femme et un enfant, mais comme j’étais très pauvre, je n’avais pas le choix. C’est une tante qui me l’a présenté. Il y avait plusieurs avantages: je pouvais rester à Shanghai, et si j’avais trouvé un mari à la campagne, il aurait été plus pauvre, ç’aurait été encore plus dur, il m’aurait sans doute battue… Mon mari est bien: il ne m’offre pas de fleur ni d’habits, mais il s’occupe de moi, il me sert, m’aide à porter mes sacs. Il est très simple.

A 20 ans j’ai eu ma fille. On ne pouvait pas s’en occuper, alors à 6 mois elle est partie chez ma mère. Là-bas, il fallait moins d’argent pour l’élever. Elle buvait de la soupe de riz, mais pas de lait. Ma mère l’a élevée pendant 3 ans et ma fille est venue à Shanghai quand elle savait marcher. Elle pouvait aller à l’école. A cette époque mon salaire était de 200 rmb.

Comment as-tu changé de travail?

Une voisine m’a demandé de faire des ménages chez elle. Ça a commencé comme cela. Sa fille m’a présenté à une entreprise et j’ai continué là-bas. C’était en 2001. Il y avait aussi beaucoup d’étrangers, et c’est ainsi que j’ai travaillé avec vous les étrangers. Et puis, ça a été des amis d’amis, comme pour toi.

Comment se passent tes journées?

Je me lève encore à 3 heures du matin, je commence par 2 ou 3 heures dans l’entreprise, et puis je vais travailler chez les gens. Je me repose le samedi, et les mardi et mercredi après-midis…

Comment se passe la relation avec ta fille?

Depuis le début, ça a été dur. Je n’ai pas d’autorité sur elle: elle me dit « je ne suis pas ta fille, ce n’est pas toi qui m’a élevé »… Il n’y a pas de solution. Elle n’écoute pas son père non plus. Elle ne vient vers moi que pour de l’argent. Elle me dit que je ne comprends pas sa vie: elle connaît les ordinateurs, et nous non. On a des points de vue différents sur la vie. On est vieux pour elle. Elle est très moderne… (Beaucoup de tristesse dans sa voix). Il n’y a vraiment pas de solution…

Quel serait ton rêve?

C’est très simple: avoir ma propre maison. Pas forcément grande, mais une maison où je puisse me reposer, et que je n’ai pas besoin de payer de loyer. Là on vit à 3 dans 18m2, on paye 1500 rmb…

Je souhaiterais aussi que ma fille ait un enfant pour qu’elle comprenne ses parents. Elle a honte de nous, elle préfèrerait qu’on ait de l’argent…

Que penses-tu de la Chine d’aujourd’hui?

Quelque chose ne va pas. Il y a un problème dans les mentalités, un problème de mœurs… Les jeunes ne veulent pas ressembler à leur famille. Ils ne réfléchissent pas à leur avenir… Les changements sont trop rapides. On n’y comprend plus rien. Ce qui se faisait avant en 10 ans se fait maintenant en 1 an… Je préfèrerais que ça ailler plus lentement, qu’on ait le temps de s’adapter…

Quel message aimerais-tu passer aux lecteurs de ce blog? Aux Français qui ne connaissent pas la Chine?

(Elle réfléchit)... Merci beaucoup. Vous essayez de comprendre la Chine, vous lisez des choses. Je ne suis qu’une parmi tant d’autres. Il y a beaucoup de choses en Chine que je ne comprends pas: je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de lire. Merci beaucoup pour notre relation… de toutes les nationalités que je connais (coréen, japonais, italien…) c’est les Français que je préfère. Vous nous respectez, vous ne vous croyez pas au-dessus. Je suis très heureuse avec ma vie aujourd’hui: je vois des maisons différentes, et surtout j’aime mon travail car j’ai des contacts avec des gens différents.

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Pour ce troisième portrait de Chine, ce n’est pas un Chinois qui a bien voulu répondre à mes questions, mais Catherine, journaliste française, qui côtoie la Chine depuis plus de 20 ans. Son histoire avec la Chine et son regard sur les Chinois m’ont tout de suite plu, et je voulais partager cette rencontre ici…


04e86 catherine expo 248x300 Vivre en Chine   Portrait chinois :  CatherineQui es-tu ?

Je suis une aventurière, au sens noble du terme. Le goût de l’inconnu, se laisser surprendre. Mes modèles : les grands explorateurs, les découvreurs du 19ème siècle, Albert Londres (l’aventurier- journaliste).

Peux-tu me raconter ta première rencontre avec la Chine ?

Le déclic, c’est la lecture d’un livre d’Alexandra David-Neel sur sa traversée de la Chine, en 1937, de Pékin à Lhassa. J’ai commencé par prendre des cours particuliers de chinois. C’était en 1986, j’avais du temps libre et  le goût des langues. J’ai appris le chinois à l’oreille, je n’ai jamais réussi à l’écrire ni à le lire.

En texte encodé – javascript doit être activé, j’ai pris une année sabbatique. Le choix de la Chine s’est imposé à moi. Après m’être initiée  à cette  langue, il me paraissait logique de vouloir connaitre la civilisation chinoise. J’ai préparé mon voyage pendant 3 mois. A l’époque, je travaillais pour la radio, je pensais que je pourrais faire des reportages sur la Chine, de manière approfondie, des sujets magazine.

Je suis arrivée en janvier texte encodé – javascript doit être activé à Pékin. J’ai été tout de suite accueillie par la famille de mon professeur de chinois en France, la famille Wu. Elle m’a hébergée dans l’appartement du fils. C’était une « hutong », une cour à l’ancienne, où habitaient plusieurs familles dans de toutes petites pièces. Je partageais un robinet d’eau dans la cour,  il n’y avait ni toilettes, ni salle de bain. Je chauffais la pièce principale avec un poêle à charbon. C’était l’hiver, il faisait très froid, je n’ai pas tenu longtemps ! Par la suite, j’ai déménagé une douzaine de fois. La famille Wu m’a toujours assistée, conseillée, c’était mon ancrage à Pékin.

Comment as-tu vécu les fameux événements?

Les premières manifestations d’étudiants ont commencé mi avril, texte encodé – javascript doit être activé. La place est vite devenue un lieu de débat, de texte encodé – javascript doit être activé En mai, les jeunes ont décidé de faire une grève de la faim. Ils étaient exaltés, passionnés, ils semblaient n’avoir peur de rien. Les étudiants  d’autres villes chinoises sont arrivés par centaines à Pékin: ils prenaient le train sans payer ! La place a pris les allures de campement permanent, avec ses bâches en plastique, sa distribution d’eau, ses jeunes qui passaient la nuit à la belle étoile…

As-tu senti que la répression allait arriver ?

A force d’aller tous les jours sur la place, je me suis laissé emporter par l’enthousiasme général. Les jeunes, malgré leurs revendications excessives et naïves, étaient considérés par une partie de la population, comme des héros. Le discours politique était  peu structuré chez l’étudiant de base, ils faisaient confiance à leurs leaders. Les slogans concernaient  la lutte texte encodé – javascript doit être activé, le désir de davantage de démocratie. La texte encodé – javascript doit être activé a été instituée le 20 mai, les militaires ont tenté d’entrer dans la ville mais ils ont été repoussés de manière pacifiste par la population. Le 30 mai, les étudiants des Beaux Arts érigent sur la place, une Déesse de la Démocratie qui rappelle la statue de la liberté à New-York.

Et comment le reste de la population a ressenti ce printemps?

Je me souviens très bien d’une texte encodé – javascript doit être activé au mois de mai à Pékin. Un million de personnes ont défilé dans les rues. Etudiants, ouvriers, employés. Les habitants, au passage des manifestants, applaudissaient depuis les fenêtres des immeubles ! Une partie de la  population de Pékin a soutenu le mouvement de manière active en montant par exemple des barricades à partir du 1er juin pour empêcher l’arrivée des texte encodé – javascript doit être activé jusqu’à la place !

Comment as-tu vécu cette fameuse nuit du texte encodé – javascript doit être activé ?

En début de soirée, j’ai assisté à l’arrivée d’un texte encodé – javascript doit être activé, finalement immobilisé par une foule très dense. Je suis revenue à mon hôtel informer ma rédaction et envoyer mon témoignage en France. J’ai mis  plusieurs heures avant d’obtenir la communication téléphonique. Lorsque j’ai voulu revenir sur la place, vers 4 heures du matin, tous les accès étaient déjà contrôlés par les texte encodé – javascript doit être activé. Je n’étais pas présente au moment où l’armée a délogé les étudiants mais j’ai entendu les coups de feu et vu les premiers blessés sortir de la place sur des brancards.

Tu ne pensais pas que le mouvement des étudiants allait se terminer ainsi ?

La texte encodé – javascript doit être activé avait été instaurée le 20 mai, j’avais bien senti la menace se rapprocher mais je partageais le quotidien des étudiants, j’étais portée par leur élan. Je n’avais aucune information sur les discussions au sommet du pouvoir. Une seule personne a tenté de calmer mon enthousiasme avant le texte encodé – javascript doit être activé. Le patriarche de la famille Wu. Avec l’expérience de ses 70 ans, ce vieux monsieur, membre du parti communiste, observait  les événements avec scepticisme. Il ne croyait pas que des étudiants puissent faire tomber le régime. Il connaissait la Chine mieux que moi !

Et après ? quelle a été l’ambiance à Pékin ?

C’est comme si  la cocotte-minute s’était refermée d’un coup. Black-out total sur le sujet … Plus personne ne voulait  parler aux étrangers. Mes amis m’ont tous demandé : pourquoi tu restes à Pékin? Comme journaliste, j’ai eu quelques difficultés à travailler. Je me rappelle avoir interrogé en juillet un étudiant de Shanghai sur sa participation au mouvement de texte encodé – javascript doit être activé. Il a accepté de me répondre , mais  en pédalant à vélo pendant 30 minutes  dans la ville pour que le vent couvre notre conversation… Le texte encodé – javascript doit être activé a tout repris en main: texte encodé – javascript doit être activé des meneurs, publication de listes de personnes recherchées, séances d’texte encodé – javascript doit être activé pour les étudiants qui s’étaient laissés entrainer texte encodé – javascript doit être activé, envoi des étudiants de quatrième année à la campagne… Le mouvement  a été qualifié de «texte encodé – javascript doit être activé». La propagande a duré des mois. Malgré tout,  je n’ai pas voulu quitter la Chine. Je suis restée jusqu’en novembre. Puisque plus rien ne me retenait à Pékin, j’en ai profité pour explorer quelques provinces chinoises où je me suis aperçue que la connaissance des événements de la texte encodé – javascript doit être activé était très partielle.

A ton retour en France, après ces 11 mois passés en Chine comme prévu, as-tu eu envie d’y revenir ?

Pas tout de suite. J’ai repris mon travail de reporter à la radio. Je n’appartenais pas au « service étranger », donc je ne me suis plus occupée de l’actualité chinoise. J’ai pensé que la Chine s’était refermée sur elle-même, pour quelques années. J’ai pris mes distances.

Tu y es revenue quelques années plus tard ?

Oui, en 1994. J’ai accompagné pendant une semaine, le ministre français de l’industrie. A l’époque, c’était Gérard Longuet. Ce qui m’a le plus marquée, c’est l’effervescence  économique. A Shanghai, j’ai rencontré des officiels de la municipalité. Ils nous ont montré leur projet de développement urbain à Pudong (l’actuel cœur financier de Shanghai) ! Nous y sommes allés: ce n’était alors que des routes mal carrossées et des maisons basses sans confort. La campagne, quoi…

Je suis revenue à Pékin  en 1999, pour le 50ème anniversaire de la République Populaire de Chine. J’ai revu les gens que j’avais connus 10 ans plus tôt et j’ai constaté que leur niveau de vie s’était amélioré. J’ai été frappée par l’ouverture du pays à la culture occidentale. Des restaurants  étrangers – je me souviens avoir mangé des huîtres importées de France par avion ! – de nouvelles boîtes de nuit, des hypermarchés, le premier magasin IKEA… Je ne reconnaissais plus Pékin : les immeubles d’habitation avaient poussé comme des champignons, on en était au 5ème périphérique autour de la ville… De plus en plus de voitures et d’embouteillages alors que 10 ans plus tôt, tout le monde se déplaçait à bicyclette!

Et en 2010, les changements doivent te sembler encore plus spectaculaires ?

C’est une autre Chine. Une Chine gagnée par la frénésie de la consommation. J’en étais informée avant de venir mais j’ai eu quand même un choc. Les centres commerciaux de Shanghai sont stupéfiants. J’ai découvert de jeunes Chinois plus individualistes. Ils soignent leur look, les filles s’habillent très courts, portent des talons hauts. Bien sûr, Shanghai est une ville où vivent beaucoup d’étrangers et les cultures se mélangent facilement donc c’est moins étonnant. L’exposition universelle semble donner des ailes aux Shanghaiens, un sentiment de confiance en soi et dans l’avenir  du pays.

Et au niveau politique, il y a une évolution ?

Non, pas vraiment. Les jeunes surtout  me disent: « La texte encodé – javascript doit être activé, ce n’est pas mon truc ». Il n’y a aucune aspiration à participer à la vie publique, à vouloir changer les choses. L’organisation du texte encodé – javascript doit être activé, très pyramidale, est très abstraite. Les citoyens s’occupent exclusivement de leurs affaires personnelles, ils ne s’engagent dans aucune cause, ils ne sont pas militants. Seule exception, peut-être, une élite qui s’intéresse à l’environnement. La majorité de la société estime sans doute que puisque le pouvoir actuel réussit à maintenir la croissance, on peut le laisser tranquille…

Il existe des problèmes sociaux dans le pays, penses-tu que ça va exploser ?

Les écarts de revenus entre les plus pauvres et les plus riches s’accentuent. C’est de là sans doute que viendra texte encodé – javascript doit être activé. Quel en sera le déclencheur ? Je suis incapable de le dire. Les événements de texte encodé – javascript doit être activé et mon erreur d’appréciation à l’époque m’ont rendue plus prudente dans mes pronostics.

Tu me disais, il y quelques jours, que tu trouves des similitudes entre la Chine de 2010  et celle que tu avais découverte, il y a 20 ans…

Comment dire… Je trouve que certaines traditions chinoises se perpétuent. Par exemple,  la vie de quartier. Les gens jouent entre voisins au mah-jong le soir, entourés de badauds. C’est convivial encore dans les quartiers populaires ! J’ai l’impression  aussi que  la cellule familiale reste toujours une valeur sûre : le sentiment filial, le respect pour les anciens. Même si je constate l’esprit rebelle de certains jeunes qui s’affranchissent de leurs parents. Je retrouve dans la société la même admiration qu’avant, pour ceux qui réussissent : les petits malins, ceux qui arrivent à entrer par la fenêtre quand on leur ferme la porte. Pour les businessmen qui affichent leur réussite sociale. Autre constante: un certain fatalisme face à la vie. Le genre de phrases « C’est comme ça, on ne peut pas changer les choses ». Beaucoup d’acceptation et peu d’esprit de révolte.

Et le rapport à l’argent ?

Il y a une continuité dans le désir d’ascension sociale, gagner plus pour pouvoir voyager, s’offrir des objets de luxe… C’était déjà le cas avant l’ouverture.

Finalement, je découvre une autre Chine, mais pas un autre peuple.

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Désormais, c’est Woody que nous rencontrons, il est mon prof de chinois depuis plusieurs mois. Attention, il n’a pas sa langue dans sa poche !

woody chine

Qui es-tu ?

Mon nom chinois est Hu Ding Bo, mon nom anglais est Woody. J’ai 25 ans, je viens du Sichuan (Yibing). Ma famille, c’est 2 personnes : ma mère et moi. J’ai fini mes études depuis 2 ans et j’ai étudié l’anglais.

Pourquoi es-tu venu à Shanghai ?

C’est par coïncidence. Après mes études, j’ai cherché du travail, et ce n’a pas été facile. J’ai trouvé du travail dans le Zhejiang, dans une entreprise qui fabrique des pompes à eau, c’était en juillet 2008. J’ai passé une semaine de vacances à Shanghai. Dans le Zhejiang, il n’y avait rien à faire : c’est loin de tout et il n’y a que des usines. Finalement j’ai quitté ce travail et je suis parti à Shanghai. Avant ça, je n’avais jamais imaginé que je pourrais aller y travailler.

J’y ai trouvé un travail : je suis devenu assistant pour une personne pour qui j’avais déjà fais des traduction quand j’étais dans le Sichuan. Aujourd’hui, je suis donc assistant et interprète. Mon travail me plait vraiment : je voyage beaucoup pour le business, je rencontre plein de personnes différentes, je fais plein de choses variées. Mon chef est un journaliste suisse pour des revues automobiles et technologiques.

Ta mère comprend-elle que tu vives à Shanghai ?

Elle ne comprend pas et n’est pas d’accord. Elle trouve que c’est trop loin et que le niveau de vie est trop élevé. Elle n’est jamais partie de chez elle, elle n’a pas confiance. Et elle aurait aimé que j’aie une vie de famille.

Justement, veux-tu des enfants ?

Je ne pense pas si loin… je n’arrive pas à me gérer moi même alors… et puis c’est trop de stress… et je me dis pourquoi pas partir vivre à l’étranger d’ici quelques années…

Vois-tu souvent ta mère?

Je n’ai pas de très bonnes relations avec elle. On a des points de vue différents sur la vie. Elle ne comprend pas ce que je veux, et ne me comprend pas tout court. Elle est très traditionnelle… on ne se parle pas beaucoup. On se voit une fois par an; je ne pense même pas rentrer cette année. On s’appelle une fois par mois. On se dit toujours les mêmes choses : elle me demande toujours si j’ai bien mangé, si la santé va bien… Elle me dit qu’il ne faut pas dépenser d’argent mais économiser pour acheter une maison. Elle est très matérialiste : elle ne pense qu’à l’argent.

Que fait-elle ? penses-tu qu’elle soit heureuse ?

Elle est retraitée, elle travaillait avant dans une usine de papier. Je pense qu’elle est heureuse : elle a une petite retraite qui lui permet de bien vivre. Il n’y a rien à faire dans sa ville, mais elle y est bien.

Revenons à toi : quel est ton rêve ?

Mon rêve ? depuis très longtemps, j’aurais aimer être designer dans la mode. Mais je n’ai pas eu le droit de choisir. Je n’avais pas l’argent pour. En Chine tu n’as pas le droit de choisir. Ma mère aurait voulu que je sois prof; je n’ai pas eu les moyens… Je me rends compte que plus le temps passe, plus mon rêve s’éloigne…

Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Les changements sont trop rapides… je ne sais pas. Il y a 2 mois, j’étais prêt à sortir tous les week-ends ; maintenant je n’en ai plus envie. Alors dans 10 ans, je ne peux pas dire…

Que penses-tu de la Chine ?

La Chine est un pays très bien. Je ne sais pas si c’est le plus beau pays, mais c’est un pays très bien. Les Chinois sont des gens bien aussi, même s’il y a pas mal de changements ces temps-ci, ce sont des gens bien.

Le problème c’est le gouvernement (que nous appellerons gogov.). Et c est de pire en pire. Les gens du gogov. mentent de plus en plus. Je me doute que tous les gogov. ont des problèmes mais là… Il y a trop de différence entre ce qui est dit et ce qui est fait. Il faudrait un second parti, au moins il y aurait du changement.

Penses-tu pouvoir faire changer les choses ?

Oui, peut-être, mais je n’en aurai pas l’occasion.

Penses-tu que le gogov. peut évoluer ?

Ce gogov. est rusé. Au temps de Mao au moins, le but était de faire avancer le peuple. Maintenant la Chine est satisfaite, c est un pays calme, stable. Mais le gogov. sait qu il y a de la corruption: il pourrait améliorer les choses mais il ne veut pas les changer. Ça fait 2000 ans qu il y a de la corruption en Chine… Si quelqu un veut s engager dans le parti, du tout premier échelon et a chaque fois qu il voudra évoluer il devra corrompre la personne au-dessus.

Pour te donner une idée : dans ma petite ville (de 5 millions d’habitants!), un directeur d’un bureau de taxe d’une des neuf circonscriptions a été arrêté pour corruption. Tu sais combien il avait détourné d argent? 20 millions de yuans! il a été condamné à mort. Mais imagine ça à l’échelle du pays, car là c’est vraiment une petite ville… Je ne vois pas de solution pour changer les choses.

Zhu Rongji (voir ici) a essayé de faire changer les choses, vraiment. Il a fait trois choses bien : il a lutté massivement contre le chômage et a remis la Chine dans la croissance économique, il a régulé la bourse et a voulu lutter contre la corruption. Finalement il s’est fait détester par tout le monde…

Et tes proches partagent-ils ton point de vue ?

Mes amis sont tous d’accord. Si seulement on avait eu Chang Kai-Chek… au moins on serait vraiment capitaliste et pas des faux communistes, et on serait moins nombreux, c est un truc de paysans de faire des enfants et Mao était de la campagne…

Que dirais-tu aux lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la Chine ?

Je leur dirais de vraiment se préparer à venir en Chine. Je ne leur conseillerai pas de rester dans des hôtels de luxe, juste pour quelques jours. Mais plutôt d’aller dans des endroits plus traditionnels, d’aller hors de Shanghai aussi. Dans les petites villes du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest et du centre de la Chine. De voir les minorités. De se faire des amis à la campagne et de voir comment ils vivent !

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Pour ce « portrait de Chine », c’est Abby que nous rencontrons. Abby est une de mes collègues avec laquelle je m’entends très bien. Entretien.

abby portrait de chineQui es-tu?
(Elle sourit et me dit) Je réfléchis.
Quelques secondes passent.
Je suis la fille de mes parents. Je suis enfant unique, et j’ai été créée de manière unique, personne n’est comme moi. J’aime la vie, je m’aime moi-même et j’aime bien ma situation en général ! J’ai 28 ans et je viens de Tanjieng, dans le Hebei.

Qu’y faisais-tu avant de quitter la région?
J’étais traductrice, dans le domaine industriel, depuis 2 ans. C’était un travail très détendu, je travaillais peu d’heures par semaine, et il y avait peu de stress. Je travaillais avec des Canadiens.

Pourquoi es-tu venue à ? qu’es-tu venue y faire?
Mes amis proches étaient là, il y avait d’autres raisons aussi…
J’ai rapidement trouvé un travail, comme merchandiser dans un grand groupe français. Au début c’était très fatiguant, je travaillais beaucoup de 9h du matin à 22h parfois. Mais c’était intéressant, j’ai beaucoup appris. J’avais pas mal de collègues français.

Qu’as-tu appris à ce moment là sur les différences entre Français et Chinois?
Au travail, j’ai remarqué que les Français sont très précis, les Chinois sont moins organisés, font des raccourcis…
Je me suis aussi aperçue que les Français savent faire la séparation entre la vie personnelle et professionnelle. Moi à ce moment-là, je ne profitais pas de la vie, je ramenais du travail à la maison… La culture chinoise est très routinière.

Pourquoi as-tu changé de travail?
J’avais l’impression d’être un écrou au sein du grosse machine, je ne réfléchissais pas, ne me servais pas de mon cerveau. Alors je suis partie pour une autre entreprise. J’ai changé de domaine, j’ai travaillé dans l’e-commerce, encore avec des Français.
Finalement je me suis rendue compte que je préférais mon ancien domaine, et quand on m’a demandé de travailler les week-ends, j’ai voulu changer.

Tu travailles donc maintenant dans un petit bureau d’achat franco-chinois, qu’est-ce qu’il te plait dans ton travail?
J’apprécie surtout être respectée: mon travail a de la valeur. C’est le plus important. J’ai une vue d’ensemble sur ce que je fais, du début à la fin, c’est vraiment agréable.
Et puis, il y a de bonnes relations professionnelles, amicales. Je ne me sens pas stressée pour rien.

Maintenant, que peux-tu me dire sur les différences entre Français et Chinois?
Les Français sont directs et francs, ils ne font pas de zigzags comme les Chinois. D’ailleurs je suis plutôt semblable aux Français sur ce point.
Elle réfléchit à ma question…
Ce qui est important pour eux c’est de profiter de la vie, ils savent réaliser leurs rêves, et sont courageux. Les Chinois ont moins de rêves…

Quel est ton rêve justement?
Petite, je voulais être archéologue… Mais je n’ai pas étudié dans le bon domaine, car mes parents n’étaient pas d’accord. L’avis des parents est très important pour les Chinois. Je ne regrette pas quand même: je lis à ce propos, regarde des DVD.

Et ton rêve d’aujourd’hui quel est-il?
Voyager autour du monde avec mon amour.
Vivre dans une petite maison en bois avec mon mari, avoir le temps de lire et peindre… Je ne suis pas carriériste, pour moi la vie et l’amour sont plus importants.

Comment te vois-tu dans 10 ans?
Plus charmante ! car j’aurai plus d’expérience. Et j’espère avoir mis en œuvre les premières étapes pour réaliser mes rêves !

Que dirais-tu à un Français qui ne connait pas la Chine?
Les Chinois sont très amicaux. En Chine, on dit que « un ami qui vient de loin, c’est la meilleure des choses ».

Que penses-tu de la Chine d’aujourd’hui?
Elle est de plus en plus forte, de plus en plus influente. Les Chinois connaissent de mieux en mieux leur propre pays et le reste du monde.
Il y a beaucoup de problèmes en Chine, car il y a trop de monde. Tu as entendu parler du malade qui a tué beaucoup d’enfants en début d’année? (j’acquiesce) Ce fait a été relayé dans les médias et du coup d’autres personnes ont voulu l’imiter. Je me demande si c’est bien que les médias relaient ce genre d’information, il y a une influence négative…
Mais pour revenir à ta question, je suis très fière de mon pays, même si je sais qu’il y a beaucoup de problèmes sociaux aussi.

Qu’entends-tu par fière?
Après le tremblement de terre du Sichuan en 2008, il y a eu beaucoup d’entraide, les gens se sont sentis reliés. Il y a eu un esprit de Chine uni qui n’existait pas avant, de nationalisme.
J’étais fière des JO aussi.
Et l’an dernier, j’ai été très fière des démonstrations militaires pour les 60 ans de la Chine, je me suis sentie protégée.

Je lui fais part de mon étonnement et je lui dis alors que si on me posait la même question, je me dirai plus fière de l’histoire de mon pays que de ces dernières années, elle me répond:
Vraiment, avant 2008, j’avais l’impression que les gens étaient froids, déconnectés, cette année a permis aux Chinois de ressentir plus d’amour. Je suis aussi fière de mon pays pour ses 5000 ans d’histoire.

Elle me donne ensuite de nombreux exemples pris de différentes dynasties chinoises, et termine notre entretien par ces mots:
Intéressant cet interview, ça me permet de me poser des questions sur moi-même !

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Ye Lili
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