Hitler et Mussolini furent deux des pires dictateurs de l’histoire du XXème siècle? ; alliés pendant la seconde guerre mondiale, … Quelques jours avec Hitler et Mussolini de Ranuccio Bianchi Bandinelli revient sur le voyage d’Hitler en Italie, qui fut extrêmement intéressant pour comprendre l’évolution des ambitions d’Hitler pour l’Allemagne.
En octobre a été publié un extrait du journal de Ranuccio Bianchi Bandinelli, Quelques jours avec Hitler et Mussolini*. Il s’agit du témoignage de l’intellectuel qui servit de guide à Hitler dans les musées florentin et romain lors de son voyage en Italie en mai 1938. Un document rare et un contraste saisissant entre, d’une part, deux ennemis de la culture et, d’autre part, la richesse du patrimoine artistique italien.
Ranuccio Bianchi Bandinelli (1900-1975) était, en Italie, une référence de l’archéologie et de l’histoire de l’art antique. Auteur de nombreux ouvrages sur le sujet et fondateur de plusieurs revues, il a également laissé un Journal d’un bourgeois, publié en 1948, dans lequel il expose ses réflexions et ses convictions politiques. C’est de ce Journal qu’est tiré le petit livre publié aux éditions Carnets Nord sous le titre Quelques jours avec Hitler et Mussolini.
Mussolini : « grotesque, laid » et « une démarche de pantin »
Le livre a été publié en Italie en 1995 sous le titre Hitler e Mussolini. 1938. Il viaggio del Führer in Italia. Il aura fallu attendre seize ans pour le voir disponible en français. Rédigé après la Seconde Guerre mondiale, il relate les impressions de l’auteur qui avait été chargé par les autorités fascistes de servir de guide à Hitler et Mussolini dans les musées de Florence et de Rome lors du voyage officiel du Führer en mai 1938.
À cette date, comme l’écrit Angelo Caperna qui signe la postface de l’édition française, « Bianchi Bandinelli était un intellectuel respecté en Italie et à l’étranger ». Depuis 1924, il a enseigné à l’université de Cagliari, de Pise et de Groningen, aux Pays-Bas. Il a fondé et dirige la revue Critique d’art, appréciée aussi bien par les sympathisants que par les opposants au fascisme. Ses ouvrages le font connaître à l’étranger où il acquiert une renommée certaine. En même temps, il souhaite rester à distance de la politique. Il veut se contenter d’être un spectateur.
Mais en mars 1938, le ministère de l’Instruction publique lui demande d’accompagner Hitler dans les musées de Florence et de Rome à
l’occasion de sa prochaine visite en Italie. L’une des premières pensées agitant Bandinelli est celle d’un attentat contre les deux dictateurs. Mais « le jeu en valait-il la chandelle ? » se demande-t-il. Car la Seconde Guerre mondiale est « une nécessité historique » selon lui et, en outre, aucune relève politique n’est en mesure de remplacer le fascisme. En même temps, Bandinelli exprime sa vive curiosité de voir de près les deux personnages et son désir de se forger ses impressions sur eux. Comme le note Angelo Caperna : « Il a envie de voir de près, de ses propres yeux, les deux « surhommes ». Et il n’a certainement pas peur de se confronter à eux. »
Le voyage d’Hitler se déroule début mai et dure une semaine. Dans son journal, Bandinelli désigne Mussolini et Hitler respectivement par les noms de Mario et Silla, en référence, sans doute, aux généraux rivaux de la Rome antique, Marius et Sylla. Son journal n’est pas tendre. Dès les premières lignes, le ton est donné : « Vu Mario et Silla. Premières impressions sur Mario surprenantes : grotesque et très laid. Il a une démarche de pantin… » Sur le Führer : « Silla est moins repoussant. […] Une personnalité à l’aspect subalterne, type contrôleur de tram. Le visage fané. »
Deux « surhommes » et un « homme médiocre »
Le témoignage de Bianchi Bandinelli est intéressant également car on y entrevoit le fonctionnement de la mentalité totalitaire du
dictateur allemand. Son obsession du bolchevisme est telle qu’elle a le don de fatiguer même son hôte. Ainsi, en contemplant le médaillon Doni de Michel-Ange, Hitler s’adresse au Duce en lui disant : « Si le bolchevisme était passé… » Et la suite est donnée par Bandinelli : « Le refrain fut complété par Mussolini, non sans une certaine mauvaise grâce et un haussement d’épaules […] : « Tout serait détruit » »
Par ailleurs, Hitler se réapproprie les explications données par Bandinelli en prenant pour témoin la délégation qui
l’accompagne : « Voyez messieurs… » Et les propos de l’archéologue sont passés à la moulinette de l’idéologie nazie. À l’image du régime totalitaire qui n’entend rien laisser hors du contrôle de l’Etat et du Parti, l’art sert à illustrer les présupposés nationaux-socialistes.
Ces Quelques jours avec Hitler et Mussolini furent ceux durant lesquels deux « surhommes » furent guidés par « un homme médiocre », comme Bandinelli s’est défini lui-même.
* BIANCHI BANDINELLI, Ranuccio, Quelques jours avec Hitler et Mussolini, Paris, Carnets Nord, 2011, traduction de Dominique
Vittoz et postface d’Angelo Caperna.
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