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L’Ubaye ; escalades du bout du monde dans les Alpes (France)

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 Escalade et randonnées dans le massif de l’Ubaye, situé entre les Hautes-Alpes et  les Alpes-de-Haute-Provence (Alpes France)   Escalades du bout du monde en France à la découverte d’une nature qui procure mille sensations…

 

Au mois de juillet, où peut-on partir grimper durant une semaine et ne trouver que des parois désertes se développant sur une belle ampleur entre deux cents et quatre cents mètres de hauteur et présentant un rocher d’une excellente qualité en plus d’une grande variété, calcaire, grès, quartzite ou granite ? Cela ressemble à la quadrature du cercle, sans doute, faut-il envisager un long voyage dans des contrées éloignées, loin des masses grimpantes qui courent les hauts lieux de grimpe français, qu’il s’agisse de Chamonix, la Bérarde ou Vallouise ? Eh bien non, pas très loin de ces sites mythiques, à la réputation universelle, un bijou de belle envergure, se cache un peu plus au sud, entre les cols de Vars et de Restefond la Bonnette, il s’agit de la vallée et du massif de l’Ubaye.

Effectivement il y quelques années nous y avions fait une excursion de la journée et nous avions perçu la très faible fréquentation des parois de cette vallée, plus connue des randonneurs car le GR5  entre autre chemin de randonnée y passe. Mais la plupart de ses montagnes aux faces verticales n’attirent pas grand monde, même si quelques sommets connaissent une notoriété certaine, par exemple le Brec de Chambéron par sa voie normale.

 

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Forts de cette impression nous partons à trois pour une semaine de grimpe début juillet dans ce massif de l’Ubaye. Comme nous en avons pris l’habitude depuis maintenant quatre ans, nous allons Robert et moi à Orpierre faire une voie d’escalade dans cette splendide falaise calcaire de quelques deux cents mètres, le Quiquillon, avant de partir retrouver notre guide Christophe pour une semaine d’escalade intensive.  Cette première paroi que nous gravissons à deux est certes bien équipée mais de difficulté assez soutenue, et il y fait une chaleur caniculaire dans cette face orientée au sud. Nous y sommes seuls. Ceci explique peut-être cela ?  Il est toujours bon pour le moral avant de partir gravir des faces de grande difficulté en second de cordée, d’avoir effectué quelques exercices préparatoires en premier.

Rendez-vous est pris pour dimanche après-midi à Gap. Dès nos retrouvailles, nous mettons immédiatement le cap sur le village de Fouillouse, auquel on accède par un incroyable pont qui enjambe une très profonde et très étroite gorge. Le village est de toute beauté. Le Brec de Chambéron, point culminant de la région le domine. Sa silhouette massive est caractéristique, et malgré une lourdeur apparente, il s’agit d’une belle aiguille tronquée qui s’élève à plus de 3300 mètres.  Elle règne aussi sur le petit cimetière du lieu, tout en pente et très pittoresque. Il héberge un homme connu de tous, l’Abbé Pierre.

 

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 Rapidement installés, nous profitons de deux heures de disponibilité pour aller affuter nos chaussons d’escalade sur une  falaise de faible ampleur en bordure de l’Ubaye. Après deux voies d’n trentaine de mètres, nous remontons pour ne pas être en retard, car à sept heures la cloche sonne, signal du repas dans ce gîte sympathique.

Nous allons passer quatre nuits en ce lieu. Chaque matin, dans les environs nous partirons faire une paroi différente. Nous commencerons par une belle dalle de deux cents mètres qui domine la route un peu avant Maljasset, et qui se situe sur la Tête de Sanglier, grosse montagne de quartzite. A cet endroit la rivière est enserrée entre deux montagnes aux parois austères du fait de leur couleur sombre et de leur ampleur, celle vers laquelle nous avons l’intention de nous diriger et en rive gauche donc au sud, l’impressionnante flamme de pierre que constitue le Grand Bec de la Blachière.

 

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La marche d’approche s’effectue au plus court à travers prairies, forêts, restes morainiques. Il ne nous faut pas très longtemps pour rejoindre le pied de notre voie d’escalade malgré les six cents mètres de dénivelé.  Notre itinéraire emprunte une immense dalle incurvée. L’aspect du rocher est particulier, poli comme du marbre mais pourvu de petites aspérités qui permettent un bon positionnement des doigts. Pour les pieds, des variations d’inclinaison de petits pans de rocher permettent généralement un bon appui, mais ces prises de pied ne se repèrent pas du premier coup d’œil, elles font preuve d’une sorte de mimétisme, cependant on apprend rapidement à les repérer avec un peu d’accoutumance à la texture de ce rocher particulier. C’est cela le plaisir de l’escalade, les différents types de rochers impliquent pour chacun d’entre eux une  stratégie d’escalade appropriée, donc le  jeu varie à l’infini d’une montagne ou d’une falaise à l’autre.

 

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 Les variations sont de taille. L’utilisation des mains en fonction de la forme des prises, du grain du rocher, de la découverte plus ou moins évidente du point d’accroche des doigts, ce point d’ancrage permet ou non le blocage, ou alors faut-il appuyer fortement pour faire friction, de façon directe ou indirecte. Pour les pieds, il en est de même. Le point de poser peut prendre tous les aspects, petite réglette horizontale, graton minuscule qu’il faudra charger en pression, dalle très inclinée qui nécessitera aussi une forte pression pour tenir, les prises pourront aussi être indirectes, donc nécessiter des pressions en opposition des  mains et des pieds.

 

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Cette première escalade dans l’Ubaye nous enthousiasme. Mais le temps n’est pas très beau et le risque d’orage bien réel pour le début de l’après-midi. Vers les 12h30 nous en terminons avec cette belle dalle, qui en finale s’est bien redressée offrant une dernière longueur difficile, passage côté 6a. Nous débouchons sur une vire occupée deux mélèzes, bien visibles du bas. Sans doute y-a-il  un lien avec le nom de la voie « à l’ombre du mélèze en fleur ». Après avoir mangé une rondelle de saucisson et une tranche de pain d’épice nous rejoignons sans perdre de temps la ligne de rappels qui nous conduira au pied de la paroi.

 

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 En effet le temps se dégrade et nous recevons quelques gouttes. Heureusement les précipitations ne s’aggravent pas à court terme et cela nous permet de rejoindre le point de départ sans être mouillés. Il est toujours très désagréable de se trouver trempés dans une paroi alors que l’on doit effectuer de nombreuses manœuvres, en particulier des rappels.

Pour notre deuxième journée, nous jetons notre dévolu sur une voie de la face est du Sommet Rouge. Il s’agit d’une vaste montagne calcaire de mille mètres de large et de 450 mètres de haut, se situant juste à côté de la Tête de Sanglier, que nous avons gravie hier. La différence géologique des terrains est extraordinaire en Ubaye. En effet ces deux montagnes qui se font face, l’une est en quartzite, roche qui s’apparente au granite, et la seconde est constituée de calcaire.

 

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La marche d’approche présente un dénivelé de 750 mètres. Ils sont vite effectués, car le chemin est raide et la progression  rapide. De plus en ce début de juillet les vallons des Alpes sont constellés de fleurs de tous types, aux couleurs variées. L’edelweiss est aussi présent, et parfois des touffes d’une dizaine d’étoiles blanches veloutées de belle taille se laissent admirer.

 

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L’escalade au nom bien choisie « les potes âgés » se révèle d’emblée difficile. Comme généralement en rocher calcaire la paroi est verticale. Mais l’adhérence est extrême et les pieds peuvent venir se bloquer sur les moindres aspérités. Je suis toujours étonné de constater la petitesse des prises sur lesquelles on arrive à faire porter son poids. Il est très important lorsqu’on n’a pas un gros entraînement de compenser par la technique. En effet cette dernière en escalade, comme à vélo elle reste.

 

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Par contre la force dans les avant-bras et les doigts, si on ne l’entretient pas très régulièrement, il ne faut pas compter se tirer bien longtemps sur de minuscules prises dans une paroi verticale voire surplombante. Avec Robert nous faisons bien attention de solliciter nos pieds plus que nos bras, si nous voulons gravir les 350 mètres de cette belle voie d’escalade. Cette journée sera la plus belle de la semaine, pas de pluie menaçante, ciel bleu jusqu’au soir. Nous en profitons pleinement. Les longueurs ne sont pas toutes très difficiles, vers le centre de la paroi une zone de faiblesse permet une avance plus rapide, mais le corollaire, une qualité du rocher moindre, d’où risque de chute de pierres. Dans ces passages plus faciles, nous redoublons de prudence. La dernière longueur consiste en un long dièdre de 45 mètres très athlétique, côté v+, mais les pieds trouvent de quoi se positionner alternativement de part et d’autre sur les deux pans de rocher qui constituent cet immense  dièdre.

 

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Vers les quinze heures le sommet est atteint. Une vue magnifique s’étend sur toute la région.  Tout en bas, nous distinguons la vallée qui conduit à Maljasset, avec le village de la Barge un peu en aval, qui recèle un joyau, une vieille église au nom évocateur « notre Dame des Neiges ».  Une multitude de sommets pointent fièrement parmi lesquels le Brec de Chambéron tient la place centrale.

Cet instant où l’escalade prend fin, le but étant atteint, on reste à contempler un immense panorama, avec en dessous ce grand vide que l’on a creusé à la force de notre corps. Cela procure une réelle sensation de bonheur, exacerbée par une douce fatigue des muscles qui ont été largement sollicités. Cependant, nous ne relâchons pas notre vigilance, car une descente acrobatique de 350 mètres en rappel dans cette paroi verticale nous attend. Bien souvent au cours de ces descentes des incidents, voire plus, peuvent survenir, généralement du fait d’une faute d’inattention facilitée par la fatigue. Nous gardons donc toute notre attention pour cet exercice, qui malgré l’habitude reste un moment intense en sensations. En effet, descendre plus que la Tour Eiffel pendu à une corde reste toujours un exercice impressionnant.

 

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 2H15 plus tard nous sommes au pied de cette magnifique paroi. Par une descente à travers un pierrier constellé d’édelweiss nous retrouvons le chemin qui nous ramène à la voiture. Aujourd’hui comme hier nous n’avons vu personne à proximité durant la journée. Christophe a repéré un grimpeur très loin de l’autre côté de la face, que Robert et moi n’avons pas réussi à distinguer. On a du mal à s’imaginer que nous sommes en été dans les Alpes françaises, si loin de tout et pourtant pas très loin. Nous arriverons à temps au gîte de Fouillouse pour entendre retentir la cloche annonçant le début du dîner.

Ce matin du troisième jour, le temps s’annonce assez beau, fort de notre belle journée d’hier nous partons sans inquiétude pour l’aiguille Large, magnifique jaillissement de quartzite sombre, qui se situe au-dessus du lac du Marinet. Pour y accéder, nous remontons à partir de Maljasset, le merveilleux vallon du Marinet. En ce début de matinée, c’est un enchantement, comme si toutes les fleurs et tous les animaux des environs s’étaient donné rendez-vous pour nous faire une vaste haie d’honneur.

La marche d’approche  commence sous de bons augures. En effet, dès la sortie du village de Maljasset deux gros patous, ces fameux gardiens de troupeaux de moutons nous ont regardés passer. Lorsque nous nous sommes engagés sur le chemin pour rejoindre le pied de notre voie d’escalade, ils se sont faits plus pressants et se sont rapprochés en aboyant, l’un d’entre eux grondant même. Tiens mais pourquoi ? Nous avons vite compris, face à nous sur le chemin un immense  troupeau de moutons arrivait dans notre direction. Les patous nous demandaient simplement de prendre une autre direction. Mais notre chemin passait par là. Attendre que cette masse d’ovins nous ait dépassés aurait pris un quart d’heure. Ne comptant pas attendre, nous décidons de quitter le chemin et de passer dans le champ en contrebas. Manifestement, cette décision convenait aux patous, qui dès que nous nous sommes mis à descendre se sont détournés de nous. Ces chiens m’étonneront toujours !

 

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Le chemin remontant vers le lac Marinet, dans la direction du col Mary est un enchantement. D’abord il passe en sous-bois dans une forêt de mélèzes, puis il se perd dans de grandes prairies, dominées de magnifiques pointes rocheuses, dont la plus caractéristique est la Pierre Andrée, monolithe granitique de deux cent cinquante mètres. D’autre part, les fleurs rivalisent de forme, de grosseur et de couleur. Pour n’en citer que quelques unes, le myosotis et son bleu tendre, les différentes espèces de gentianes, la printanière d’un bleu couleur ciel, celle à feuilles larges qui présente une grosse fleur bleu profond presque nuit et la gentiane ponctuée, grande tige de plus de cinquante centimètres qui se charge de nombreuses grosses fleurs jaunes étagées, l’aster des alpes qui se regroupe en colonie avec ses coroles bleu pale faisant penser à des touffes de marguerites colorées, et  encore dans les bleus la valériane qui n’hésite pas à lancer au sommet de ses tiges une multitude de fleurs,  dans les teintes tirant sur le mauve la globulaire et sa grosse tête perchée bien haut sur sa tige frêle, et aussi le bleuet vivace, quelques troles ponctuent de jaune ce tableau, et d’une teint orangée l’épervière orangée. Je pourrais donner encore une multitude de noms, car m’a-t-on dit, la flore alpine recèle de l’ordre de mille variétés de fleurs !

 

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Je ne sais plus où regarder, au sol vers cette multitude de points de couleurs ou vers les hauteurs en direction de ces parois qui se dressent toujours plus proches et imposantes. Mais pour donner une dimension encore supérieure à la féerie de cette marche d’approche, les marmottes et les chamois s’y mettent. Les premières, pas farouches du tout viennent à proximité et mangent de l’herbe en se souciant à peine de nous. Un peu plus loin, en arrière plan, les chamois nombreux nous donnent une belle leçon d’escalade et d’équilibre sur terrain instable. Cependant, l’un d’entre eux dérape et repart dans la pente en contrôlant sa descente plus que sa chute. Au deuxième essai, il passe sans problème. Une des raisons pour lesquelles les parois que nous gravissons en Ubaye sont peu fréquentées, consiste en la longueur des marches d’approche. Mais ces marches constituent à elles seules un motif de balade. Pouvoir associer ce genre de randonnée à l’escalade qui va suivre permet de vivre des journées très diversifiées par les émotions et les sensations.

 

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De toute évidence ces deux heures de marche préparatoire à l’escalade nous enchantent, et encore aujourd’hui même sur le chemin nous sommes seuls. Sommes-nous en France en juillet ? Devant nous l’aiguille Large prend de l’ampleur, elle culmine à 2857 mètres. Grande lame granitique à la couleur sombre, que nous allons rejoindre par un pierrier raide et pénible.

 

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Que ces bases de montagnes sont austères et incitent à l’aventure ! Nous nous équipons tout excités à l’idée des belles sensations qui nous attendent le long de ces grandes dalles sombres. Christophe attaque la première longueur, qui s’avère difficile, jamais de prises très franches, des oppositions latérales pour tenir sur le rocher.

 

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Le temps s’assombrit rapidement. Va-t-on prendre la pluie en pleine paroi ? Nous allons grimper avec ce souci de nous dépêcher et prendre de vitesse le mauvais temps. L’ambiance devient austère même si la face ne fait que deux cents mètres de hauteur. Les dernières dalles à la couleur presque noire, sous ce ciel très sombre donne vraiment une impression de haute montagne, l’escalade y est difficile, 6a soutenu. Mais le plaisir n’en n’est que renforcé, lorsque la pression augmente, mais que le rocher reste sec et les mouvements permettent une escalade aérienne de toute beauté. Chapeau  pour l’initiateur de cette voie, car il faut avoir l’intuition qu’il est possible de forcer en escalade libre ce bouclier de dalles verticales, qui semble ne présenter qu’une face lisse sans prise.

 

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Nous arrivons au sommet avant la pluie, d’ailleurs qui en définitive ne viendra pas. Le ciel finira même par s’éclaircir. Une fois de plus nous savourons le plaisir de nous trouver sur un joli sommet et pour le troisième jour consécutif nous sommes seuls. Par une descente facile entre de petites barres rocheuses nous rejoignons le lac Marinet, au-dessus duquel nous faisons une petite pause casse-croûte, avec le traditionnel morceau de saucisson. On le trouve vraiment bon ! J’ai l’impression de faire un festin digne de Pic à Valence  ou de Bocuse à Collonges ! Sacrilège diront certains !

 

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En reprenant le chemin de descente en direction de Maljasset nous rencontrons quatre randonneurs et deux gendarmes. Ces derniers nous disent que les deux jours à venir ne seront pas très favorables, des orages étant attendus en milieu de journée. Bon, nous faudra-t-il nous adapter et envisager des voies de moyenne ampleur nous permettant de devancer le mauvais temps ? Nous verrons bien. Pour le moment nous descendons à Jausiers à la recherche d’une pharmacie car je me suis fait piquer au bras par une bête, et l’une des plaies semble s’infecter. On dirait un peu une piqûre de vipère constituée de trois trous, avec une zone qui commence à se nécroser en périphérie.  Cependant, je ne ressens aucune douleur, pourtant la plaie n’est pas très belle et elle suppure. Mais tout rentrera dans l’ordre avec un désinfectant et une pommade à la cortisone. Jausiers est un joli petit village et nous y passons un moment agréable, malgré une chaleur étouffante.  Nous rejoignons notre gîte à Fouillouse. Nous arrivons après le fatidique signal de la cloche. Le cuisinier qui prend l’air sur le balcon en nous voyant passer après l’heure imposée de 19h nous demande, le sourire aux lèvres de nous presser !

Pour ce quatrième jour, en effet les prévisions météorologiques sont pessimistes, orages dès midi. Nous décidons de partir pour une escalade de deux cents mètres au-dessus de Fouillouse sur les contreforts de Massour, joli bastion  calcaire à mi-distance du col de Mallemort sur le GR5. Les arpenteurs de ce fameux chemin qui traverse, entre autre les Alpes françaises, ne sont pas très matinaux car nous sommes seuls. Je me souviens l’avoir parcouru il y a déjà quatre ans entre Briançon et Nice. J’en garde un excellent souvenir et au col précédemment cité, j’avais rencontré un solitaire qui remontait et qui avait subi des intempéries assez conséquentes. Aujourd’hui même pas un solitaire avec qui discuter. D’ailleurs je ne sais pas si nous avons trop l’esprit à la discussion. Nous pressons le pas, car dès le matin le temps n’est pas très beau et les montagnes restent enveloppées de volutes nébuleuses de mauvais augure. Cependant la marche est toujours aussi jolie, des fleurs partout, qui dans ce temps gris ressortent à la manière de luminions multicolores.

 

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 Alors que nous approchons du pied de la paroi dans les cailloux, où l’herbe se fait rare, apparaissent les magnifiques coroles blanches veloutées des édelweiss. Un peu plus haut une harde de chamois détale, et l’un d’entre eux se découpe sur une arête rocheuse, ce qui permet  une photographie du meilleur effet.

 

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Rapidement équipés, nous partons dans l’escalade à vive allure, malgré la difficulté de ces magnifiques dalles sculptées. Le rocher est de la qualité de celui que l’on rencontre dans des parois mythiques, mondialement connues, l’Escalèse au Verdon, ou les deux Aiguilles  à la montagne Sainte Victoire. Encore une fois nous goûtons un immense plaisir en équilibre sur ces grandes dalles, où l’adhérence des pieds joue un rôle prépondérant.

 

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Mais nous aurons moins de chance qu’hier, alors que Christophe vient de conclure la dernière longueur, et qu’avec Robert nous nous y engageons, la grêle sans préavis se met à tomber. Adieu pour nous cette dernière partie d’escalade. Nous rejoignons sagement le relais que nous venons juste de quitter et en un rappel notre guide nous rejoint. En quatre rappels rapides nous atteignons le pied de la paroi.

 

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Quelques petites averses intermittentes se manifestent, mais nous ne pouvons pas dire qu’elles nous mettent en péril. Nous allons après quatre jours dans cette haute vallée de l’Ubaye, pour notre dernière journée d’escalade quitter le coin et nous rendre dans la vallée du Bachelard, petite gorge profonde et secrète qui conduit au col de la Cayolle. Le gîte de Bayasse nous accueille pour la nuit. Le lieu est sympathique et le propriétaire nous confections une grosse platée de pâtes, qu’il a fabriquées lui-même. Un délice !

Pour notre dernière journée d’escalade, et oui une semaine ça passe trop vite,  nous envisageons de gravir la fière face sud du Chapeau de Gendarme, magnifique aiguille calcaire qui culmine presque à 2600 mètres, et qui sur son versant nord donne sur la station de ski du Sauze. La marche d’approche est raide et pénible, terrain instable dans les pierriers et parfois au-dessus d’à-pics, vers lesquels il est préférable de ne pas glisser. 

 

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 Tous les ingrédients de la montagne sont réunis. Une fois équipé, Christophe enlève rapidement la première longueur, de difficulté moyenne, V. A mon tour je démarre, que c’est difficile, suite à cette marche interminable et du fait que c’est le septième jour consécutif que nous grimpons, je ressens plutôt de la douleur que du plaisir dans ce début de voie. Je me demande ce qui va se passer plus haut lorsque les difficultés vont devenir sérieuses.

 

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 Ce qui m’inquiète, ce sont mes mollets qui ne répondent pas vraiment, ce qui rend mes prises de pied très imprécises dans cette paroi verticale, alors qu’il ne me faudra pas compter sur des doigts d’acier pour palier cette défaillance des membres inférieurs. Mais voilà, le corps est un vrai miracle, à chaque longueur, la difficulté s’accroit, mais les muscles se chauffent et la précision et le plaisir reprennent le dessus.

 

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Dans cette paroi de deux cent cinquante à trois cents mètres, la sensation de vide est impressionnante, car nous avons louvoyé entre des barres rocheuses dans des pentes très raides pour en atteindre le pied. On a l’impression de dominer d’un seul jet le torrent du Bachelard quelques mille mètres plus bas. Nous profitons intensément de cette dernière escalade, qui sur les trois dernières longueurs nous gratifie en premier d’un grand dièdre surplombant, cependant relativement pourvu de prises, et pour finir d’une extraordinaire dalle de 70 mètres de haut, permettant une escalade très aérienne d’une beauté incroyable.

 

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On aimerait que cela ne s’arrête pas tout de suite, bien que les muscles soient soumis à rude épreuve. Ces derniers moments vont s’incruster durablement en nous et susciter l’envie de revenir rapidement se confronter à ces horribles abîmes qui nous attirent tant.

Mais une fois au sommet, la redescente  nécessite de l’attention. En effet, par des pentes très raides et pas très stables, nous redescendons sans nous assurer et tout faux pas s’avérerait fatal. Le terrain fait penser à la haute montagne, l’itinéraire n’est pas toujours évident, et il nous faut serpenter au milieu d’à-pics pas très sympathiques sur des terrains qui ressemblent un peu à des roulements à billes.  Dans les dernières pentes raides en caillasse instable, nous tombons sur une harde de bouquetins qui se laissent approcher. Que ces animaux à l’allure massive sont agiles ! Ils se laissent photographier complaisamment dans les positions les plus esthétiques. Jusqu’au bout l’Ubaye nous aura prodigué ses merveilles.

 

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Mais tout à une fin, nous voilà presque en finale de notre pérégrination. Nous nous retrouvons sur un chemin bien tracé, où les fleurs sont plus nombreuses que jamais, un véritable paradis.

 

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 Nous croisons un Anglais qui monte avec un vélo de course sur le dos. Où va-t-il ? En effet quelque soit sa direction, et le choix n’est pas très diversifié, le vélo devra rester sur son dos à la descente. Il y a vraiment de drôles de gens ! Peu après la route goudronnée est atteinte, puis la voiture, nous rangeons notre matériel de montagne. Je remonte le torrent les pieds dans l’eau pour me rafraichir et profiter encore de cette merveilleuse nature de l’Ubaye et ne pas partir tout de suite,  et avec regret nous quittons cette contrée, avec  l’intention d’y revenir, il nous reste tant à faire.

 

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Voilà notre semaine est terminée. Je me sens un peu fatigué, surtout les avant-bras, mais quel plaisir en me remémorant ces grands espaces peuplés de fleurs, d’animaux et de grandes parois. De plus, ces merveilles ne semblant pas attirer nos semblables, l’impression de monde vierge que cela suscite renforce le bonheur que nous y avons connu durant cette trop courte semaine. Je ne peux que conseiller cette région, l’Ubaye, aussi bien aux randonneurs qu’aux grimpeurs, éperdus de solitude. Bien souvent vous aurez l’impression d’être seuls au monde dans des coins reculés, cependant pas très loin de la civilisation.

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