Découvrir les Balkans et notamment la Bosnie Herzégovine, c’est plus qu’un voyage… Une expérience, une aventure humaine…
15 Août 2007. Départ demain matin. Beaucoup de raisons de s’angoisser et de ne pas dormir de la nuit. Une de ces bonnes raisons : je n’ai toujours pas mes billets. La compagnie Malev refusant les billets électroniques, il faut que je le retire au guichet (mais lequel ?) avant le départ de l’avion (« mais s’ils n’avaient enregistrer mon billet ? », « Et si le guichet était fermé ? »…).
Avant le départ
Plusieurs raisons de s’enchanter. L’une d’elles est le romain d’Ivo Andric (prononcer le c « tche » mouillé) grâce auquel je traverse les siècles depuis le Pont de Visegrad (prononcer Vi »che »grad). Ce pont vient vient d’être classé patrimoine mondial de l’UNESCO (http://whc.unesco.org/fr/list/1260). Ivo Andric raconte toutes les histoires dont a été témoin ce tour de force architectural et qui se sont transformées, au fil des années, en légendes et contes pour les petits et les grands. Le Pont fait le lien entre la Bosnie et la Serbie.
Ce pont a été construit par le grand vizir Mehmed Pacha Sokolović, fonctionnaire de haut rang dans l’empire Ottoman. Ce vizir était originaire d’un petit village proche de Visegrad et fut enlevé, comme des centaines d’autres enfants, par les escortes de l’armée ottomane, les janissaires pour servir dans cette « unité d’élite » de l’armée qui défendait le Sultan jusqu’à leur mort.
Comme les enfants de musulmans ne pouvaient être réduits en esclavages, les ottomans organisaient à intervalles régulier la devchirmé (« cueillette » en turc) qui consistait à enlever des enfants chrétiens, juifs ou orthodoxe des provinces de l’empire.
Visegrad n’est pas accessible en train mais le réseau des bus étant assez développé en Bosnie, je trouverai bien un moyen pour y arriver et faire une halte sur le Pont de la Drina.
Au programme de la pause à Paris : « No Man’s Land« , le film de Danis Tanovic qui a reçu le prix du scénario à Cannes en 2001. Film sur l’absurdité de la guerre, qui montre également l’impuissance de la communauté internationale lors de la guerre en Bosnie.
Rien à voir mais j’en ai profité pour voir le film de Nadine Labaki, Caramel, qui se déroule à Beyrouth, dans un salon de beauté. L’histoire est tranquille, calme et très belle, la bande originale vous embarque dans le film sans crier gare. Un petit moment de bonheur.
Le Moleskine
Je pars également équipée d’un carnet Moleskine, offert par les parents.
Les carnets Moleskine (du nom de la matière dans laquelle est fabriquée la couverture) ont été utilisés par des écrivains, des peintres, des poètes pour noter leurs remarques et leurs idées. Le plus fervent de ces utilisateurs fut Bruce Chatwin (son livre « En Patagonie » est brillant mais attention, il vous donne une furieuse envie d’aller vous installer là-bas et d’y élever des moutons).
Ca fait quand même très chic de dire que je pars en voyage avec un Moleskine…
Quand on sait ce que signifie le mot « Moleskine », le romantisme recule (Mole skin = peau de taupe).
Arrivee a Sarajevo
Pas de transport en commun depuis l’aéroport. Le taxi est donc un passage oblige. Je le partage avec un jeune français qui vient travailler sur un film « expérimental » (j’ai pas bien compris le concept).
Poser le sac a l’auberge et enfiler une tenue plus adaptée aux 30 degrés qu’il fait a l’extérieur me prend 20 minutes et je me lance dans Sarajevo. L’Office du tourisme distribue une revue intitulée « Le Tour de Sarajevo en 1 jour ». Je vais passer la journée a croiser des étudiants français avec le dépliant a la main, suivant le même chemin…
La premiers chose qui marque a Sarajevo, c’est les trous.
Trous dans les murs d’un immeuble sur deux, impacts des balles encore visibles.
Trous dans les trottoirs, qui sont pour certains d’entre eux encore défoncés. Impression très étrange de se retrouver sur un trottoir parisien avec plein de marques de chewing-gum. En s’approchant, on se rend compte que ce n’est pas ca…
Les travaux en cours un peu partout dans la ville créent un fond sonore (et olfactif) assez particulier.
Les yeux en prennent plein la vue très vite. Tous les 300 mètres, on tombe nez a nez, réellement, avec une mosquée.
Le dépliant de l’office du tourisme conseille au touriste de se mettre a la mode bosniaque : c’est a dire selon eux, a la cool. Deux minutes après avoir lu cette phrase, j’assiste en effet a une scène incroyable pour une parisienne (que je suis devenue). Une voiture est arrêtée au milieu de la rue et son conducteur discute avec un ami. Derrière lui, des véhicules attendent patiemment. Pas un klaxon, pas un sifflet, pas un juron… Hallucinant !
En montant au dessus de la ville, je m’arrête devant un cimetière musulman. Il est très grand et on en aperçoit d’autres un peu partout en ville. Les tombes portent toutes une inscription qui se termine par 1992. Glacial…
En me baladant, je tombe sur deux expositions (il y en a partout ici). Des cliches d’un photographe (zijah gafic) ayant bourlingue dans des endroits touches par le guerre : Liban, Afghanistan, Irak, Bosnie… Les photos sont très belle bien que pas vraiment gaies.
L’expo suivante a été montée par le Conseil de l’Europe. Elle a vocation a sensibiliser les gens sur les violences faites aux femmes. Très chouette.
Dans les monuments de Sarajevo, en plus des mosquées, des églises orthodoxes et des cathédrales catholiques, je passe devant la bibliothèque. Elle a été bombardée pendant le siège de Sarajevo : sur les 1,5 millions de livres qu’elle contenait, il n’en reste que 300 000. Émotion.
Demain, les musées et j’essaie de trouver un endroit ou il est possible de mettre les photos en ligne. La, l’ordinateur refuse. Je ne mets que des photos trouvées sur internet.
Misere et Sarkozy
Jeudi 16 aout – 22h
Cherchant désespérément un endroit pour télécharger mes photos, je rentre dans un cyber café. Enfer et damnation : Nicolas Sarkozy me regarde depuis un écran de télévision. Il est vraiment PARTOUT ! Je n’ai pas compris ce qu’il faisait la (je ne connaissais pas la chaine de télé) mais ca m’a fait un choc.
Je me suis attardée ce soir dans le coin des touristes. Le centre historique de Sarajevo. On enlève les insignes de Coca Cola et on se retrouve en 1600, au temps des Ottomans. Très impressionnant. Même s’il faut faire un gros effort car Coca Cola est partout. C’est également l’endroit de la ville ou il y a le plus de mendiants. On se fait arrêter environ toutes les 3 mn. Par des enfants la plupart du temps.
Jeudi 16 aout – 22h45
Ça y est ! Ça marche !!
Voici les fameux trous en image
10 € petit dej compris, j’aurai du m’inquiéter…
Vendredi 17 aout – 2 heures du matin
Un dortoir de 15 m2 contenant 8 personnes (filles et garçons mélangés), une salle de bain pour 4 dortoirs (32 personnes) avec deux douches et un WC. La nuit fut donc… entrecoupée. Réveillée par ceux qui rentrent tard, les autres qui partent tôt.
Vendredi 17 aout – 15h45
Étape suivante, visite de la grande Mosquée, la plus grande de cette partie de l’Europe. Très belle… mais, attention : port du voile obligatoire (pour les femmes seulement, je précise). Deuxième choc. Sinon, la mosquée est très belle (voir album photo)
Mostar, perle de la Bosnie… et du tourisme
Samedi – 14h
Depart ce matin en Train pour Mostar. Levée à 5h50 pour être sûre d’avoir une place dans la douche (1 pour 32 personnes, il faut se battre…). Le train part a 7h et met 2h30 pour relier Sarajevo a Mostar (130 km). C’est le moyen de transport le plus lent… mais le plus beau.
En arrivant prés de Mostar, le train suit le cours de la Neretva, fleuve entoure de montagnes. C’est superbe. Cote train, rien de particulier. Des téléphones portables qui sonnent (tiens, comme chez nous) et, malgré un panneau non-fumeur assez visiblement place, des gens qui fument (restons calmes, c’est les vacances).
Arrivée à Mostar, ville décrite par tous les guides (enfin, le seul que j’ai trouve) comme « une des perles de la Bosnie-Herzegovine ». Le problème, c’est que tous les tours operators se sont passe le mot. Il y a plus de touristes ici qu’a Sarajevo ! Le centre ville étant tout petit, on se marche les uns sur les autres. Si vous ne faites pas attention et que vous levez le nez pour admirer un minaret, vous risquez de vous retrouver pris au piège au milieu d’un groupe entier de touristes parlant très fort allemand, anglais ou hollandais. Drole d’impression !
Dans le centre, tous les prix sont affiches en euros. Bref, ambiance un peu surfaite. Il fait 35 degrés, la ville est remplie de voitures. Mostar ne me laissera pas un souvenir impérissable.
Je visite une maison ottomane : tapis magnifiques, tabourets en bois finement sculptes.
La ville a deux particularités (plus en fait, mais c’est celles la que je retiens) :
– le fameux pont de Mostar, construit en 1566 par un architecte renomme de l’Empire Ottoman et entièrement détruit en 1993 pendant la guerre. Il a été détruit délibérément par les croates car il symbolisait la grandeur passée de l’Empire Ottoman, et donc de la culture des bosniaques, musulmans. Reconstruit après la guerre, il fait aujourd’hui partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’élève a 21m au dessus de la Neretva. Une exposition photo montre le pont dans la guerre. De 1992 a 1993, on le voit peu a peu partir en morceaux. Photos ce soir
– sa division en deux entités distinctes. Alors que Mostar faisait partie d’une des villes les plus mélangées du pays, mêlant les communautés sans réelles distinctions, la guerre a fait, encore plus ici qu’ailleurs des ravages. Aujourd’hui, il existe deux Mostar. Le Mostar Est (bosniaque, musulman) et le Mostar Ouest (croate, catholique). Il existe deux mairies, deux offices du tourisme et tenez vous bien : deux systèmes de poste ! En 2004, le Haut Représentant (personne nommée par la communauté internationale et qui est chargée de faire vivre l’entité politique abimée qu’est la Bosnie-Herzegovine) a pris un décret obligeant les deux Mostar a se réunifier. Chemin difficile…
Cette division est particulièrement palpable lorsqu’on se promene dans la ville : l’Église catholique, construite en 2001, entièrement béton, dont le clocher monte plus haut que le plus grand des minarets semble narguer le quartier bosniaque qui se trouve en face. Le long de l’avenue qui sépare les deux Mostar, le « Bulevar », les immeubles en ruines ou cribles d’impacts de balles se succèdent. Meme lorsqu’on lève les yeux vers les montagnes, les antagonismes nous sautent a la figure : a l’Ouest, une immense croix catholique (10 mètres de haut) surplombe la ville. A l’Est, en face, une inscription dans la montagne : « Tito Volimo Te » (Tito, nous t’aimons).
Une organisation rassemble des associations qui luttent pour que les communautés retissent des liens. Je passe par le local de l’une d’entre elle ou se prépare un concert.
La ville porte de manière beaucoup plus visible qu’a Sarajevo les marques de la guerre. A chaque coin de rue, un immeuble en ruine avec un panneau indiquant le danger. Les fonds manquent pour rénover les bâtiments. Quelques photos ce soir.
Encore un mot, histoire de parfaire votre culture générale. Mostar vient de « mostari », nom donne au XVeme siècle aux gardiens ottomans qui gardaient le pont (à l’époque construit en bois), point de passage stratégique entre le nord et le sud.
Attention, on rentre dans le dur !
Samedi – 23h
I have to write some lines in english for Jelena, a young girl I met in the train between Mostar and Sarajevo. I give her the adress of the blog (she would like study computer science) and she doesn’t speak french. “Just“ serbian, russian, english and spanish !
Son pere est donc un bosniaque. Il vit moitie a Sarajevo, moitie a Belgrade et est marie a une serbe. La premiere chose qu’il nous a dit, c’est “la guerre n’est pas finie ici“. Il s’est dit tres pessimiste sur les possibilites de trouver une solution. Pour lui, la resolution du conflit depend notamment du Kosovo. Il pense que si le Kosovo obtient son independance, les erbes seront si enerves qu ils se vengeront sur la Bosnie. Il m a alors expliaue aue les serbes etaient tres violent. Son argumentation melait des elements d’actualite et d’autres plus historiques… Par exemple, il m’a parle des nombreux controles que subissaient les bosniaques quand ils se deplacaient dans la partie Serbe de la Bosnie (explication de la division du pays au prochain numero). Nais il m’a aussi parle, pour me theoriser la violence des Serbes, de l’attentat de Sarajevo contre l’heritier Francois Ferdinand, commis le 28 juin 1914 par un serbe !
Halte en territoire orthodoxe en Srpska
Dimanche – 12h15
Par hasard ce matin, je suis passée devant la vieille église orthodoxe de Sarajevo (vieille église de l’Archange Saint-Michel). Un petit bijoux. Ces fondations remontent au V ou VI eme siècle mais son aspect actuel date de 1730 (nombreux incendies au cours des siècles).
Lectures de voyage sur les Balkans
Dimanche – 12h50
Petites explications politico-institutionnelles
Guerre: pleins de questions dans ma tete sur le conflit et les rapports entre les communautes. Je suis arrivee plutot remplie de prejuges (serbes = mechants, les autres = gentils). Quand on se penche sur l’histoire recente des Balkans, on se rend compte que tout est beaucoup plus complique que cela.
En 1914, les serbes de Bosnie sont pourchasses et arretes par les Autrichiens, les Croates et les musulmans parce qu’un serbe a assassine Francois Ferdinand,
En 1941, les croates massacrent tziganes, juifs et serbes, declare « races inferieures »
En 1992, les serbes massacrent les musulmans, font la guerre aux croates et les croates et les musulmans se font la guerre entre eux.
En 1995, les serbes restes en Bosnie sont massacres par des croates.
AU SECOURS !!!
Au final, ce qui me decide a partir pour Belgrade (Serbie), c’est la phrase de ce jeune homme qui voyage depuis 2 mois dans l’Est. « C’etait une guerre civile, on ne peut pas dire qui etaient les gentils et les mechants. Tout le monde a massacre tout le monde. » Je ne suis pas encore sure d etre completement d accord (guerre civile, ca veut dire dans un meme pays mais la, la Serbie a joue un role non negligeable), mais ca a le merite de me faire reflechir.
Maspero : je suis arrivee au chapitre ou Maspero decrit son experience du siege de Sarajevo. Violent, emouvant, questionnant. Il termine sont livre par cette phrase « De ces voyages, je suis sorti, moi qui aime profondement ma patrie, renforce dans un sentiment : la haine de tous les nationalismes »
Mariage : à Mostar, j’ai vu (surtout entendu) un cortège de mariages. Rien qui detonne de ceux qu’on peut subir chez nous : grosses voitures, klaxons. Sauf… les drapeaux : celui de la Bosnie Herzegovine et un drapeau portant le symbole de l’Islam
Cigarettes : elles sont partout, leur odeur, leurs cendres. Impossible de s’asseoir a un cafe sans être envahi de fumee. Pareil dans le train, dans les resto, dans les halls des chambres d’hotel.
Petit Dejeuner : chaque matin, en sortant de la douche, la même question : de quoi va etre compose le petit dej ? Premier jour, omelette ultra baveuse et fromage de travnik (brebis, tres amer). Deuxieme jour : pain et beurre (merveilleux !) accompagnes de… pate a la tomate et aux olives (etrange). Troisieme jour : riz au lait poivre et tranche de pains trempees dans une omelette. Avec , toujours, le fameux fromage de Travnik.
Jeux de cartes : voila un langage completement international. Et quelque soit la nationalite de la personne avec laquelle on joue, on retrouve toujours des mauvais joueurs ! J’ai appris a jouer au « three game ».
Nouveau pays : j’ai appris quelque chose ce matin. Il existe un petit bout de la Moldavie, qui a un statut de province quasi independante, qui s’appelle… la République de Transnistrie moldave, autoproclamee et aui n’est pas reconnue par la communaute internationale.