Pourquoi visiter Cinque Terre? Les Cinque Terre sont situées en Lugurie à moins de 40 minutes de Gènes. Longtemps méconnues, Les Cinque Terre sont désormais très touristiques et on comprend pourquoi dès qu’on arrive dans ces 5 villages aux façades multicolores qui parsèment la côte et sont bâtis pour certains à flanc de falaise au milieu des vignes. Il est tout à fait possible de visiter Cinque Terre à pied, en train, en voiture, à vélo. Chacun y trouvera son compte!
Visiter Cinque Terre se mérite. Les sentiers de randonnées à Cinque Terre sont à peine mentionnés dans le Guide bleu des années 1990, ils sont à la mode aujourd’hui. Le problème des Cinque Terre est que les atteindre ressort du parcours du combattant. Pas moins de 12 heures en trains divers avec attentes entre les lignes pour visiter Cinque Terre.
Aller jusqu’à Cinque Terre en train
Visiter Cinque Terre quand on habite à Paris pourrait être décourageant. Je me lève à 5 h pour le TGV Paris-Milan qui met 7 h pour arriver à Milan, Piazza Garibaldi. Il faut aller à pied à la gare de Milano Centrale, une horreur mussolinienne massive à allure de blockhaus, entre les grands immeubles de verre et les rues tortueuses de la modernité. Le temps d’attraper un Milano-Genova qui, après 1h20 d’attente, traversera les montagnes sur ponts et sous tunnels en 1h30. Avant d’attendre plus d’une heure encore un train local pour Deiva Marina, à proximité du parc national où se trouve l’hôtel. Le train est cependant bien moins cher que l’avion pour la période.
Le TGV est confortable, le Milano-Genova archaïque avec ses compartiments, le train de la côte moderne, sorte de RER à locomotive électrique. Si le TGV est calme, à cause de l’heure matinale en ce dimanche, le train pour Gênes est lent et s’arrête partout. Mon compartiment est tout entier étranger : deux Suédois et trois Lithuaniens en plus de moi, Français. Les Suédois sont un couple mûr dont la dame lit un roman policier américain traduit en sa langue (Harlan Coben), tandis que Monsieur feuillette un manuel de traduction italo-suédois. Les Lithuaniens sont un couple avec une fille de 15 ans très sage ; je lis le nom du père sur le billet électronique imprimé via Internet. De part et d’autre de notre compartiment calme, deux compartiments bruyants et agités de ragazze e ragazzi revenant d’un tournoi de basket, à ce qui est inscrit sur leurs maillots ou débardeurs bleus. Filles et garçons de 13 ans sont accompagnés d’un coach qu’ils appellent familièrement zio, oncle. Ils sont bronzés, dénudés, shorts courts et débardeurs lâches, bien vivant.
Le tortillard qui enfile les stations entre Genova Piazza Principale et Deiva Marina, en s’arrêtant partout, est en retard d’une dizaine de minutes. Les arrêts durent longtemps, même quand il y a peu de monde à monter ou descendre. Autour de moi, une famille allemande avec trois enfants dans les 14, 11 et 9 ans (difficile de donner un âge aujourd’hui où les enfants grandissent ou retardent plus qu’auparavant). Les accompagne un quatrième, un garçon de 15 ans aux épaules carrées et au ventre en béton, qui doit être le petit copain de l’adolescente. Ils se mignotent trop pour être même cousins. Le papa est branché avec plusieurs boucles à l’oreille, la chemise ouverte sur le tee-shirt et une casquette de tankiste. Il est rare de nos jours d’avoir l’occasion de rencontrer une famille allemande avec plusieurs enfants. C’est dommage, car les gamins allemands sont beaux et vigoureux.
A mon arrivée, tardive, l’hôtel Eden à Deiva Marina est facile à trouver, à deux ou trois cents mètres de la gare ; encore faut-il prendre la bonne sortie (côté mer) et enfiler la bonne rue (celle de droite). Je demande dans un bar dans mon italien un peu remis à neuf avant le départ. Le dîner du nouveau groupe est à 20h et j’ai le temps de m’installer dans la chambre pour trois et de me rafraîchir rapidement avant de rencontrer les autres.
Nous sommes huit dans le groupe, plus la guide italo-française Eva, trois garçons et cinq filles – tous d’âges plutôt mûrs, difficulté et période obligent. Je serais venu en juillet-août, il y aurait eu des familles ; la rentrée scolaire a lieu en France dans deux jours et les familles ont déserté les circuits.
» Réserver une chambre à l’Eden Hotel de Deiva Marina?
Nous dînons dans le restaurant de l’hôtel, plus réputé que les chambres, et qui est plein tous les soirs. Deux plats de pâtes nous sont proposés, spaghetti et farfale, les premiers à la tomate et les seconds aux légumes, puis deux plats de viande, filets de poulet grillés et tranches d’espadon grillées, accompagnés d’une salade verte, tomates et carottes râpées. Le dessert est un sorbet citron très liquide, servi en flûte.
Il a fait beau toute la journée mais un orage tonne vers minuit et nous apprendrons le lendemain qu’il est tombé des torrents de pluie durant la nuit. Ce sera la seule ombre au séjour, il fera désormais beau jusqu’à notre départ, le soleil ne recommençant à se voiler que ce jour-là.
Après dîner, nous visitons le vieux village de Deiva Marina avec Eva, ce qui est assez vite fait dans la nuit. L’église San Antonio Abate (1739), les ruelles, les gamins jouant encore dans les rues après 22 h (l’école ne reprend que vers fin septembre), les sangliers dans la bambouseraie qui borde la rivière. Nous ne voyons pas le couple d’émeus que la municipalité a acheté aussi pour l’attraction. Malheureusement et par ignorance, ils ont pris un couple du même sexe !
Il n’y a rien à faire lorsqu’on a dépassé l’âge du jeu innocent entre copains, dans cette petite ville balnéaire qui ne vit guère qu’en été. Les gars se tatouent les bras et les épaules comme le jeune serveur du restaurant, se mettent des boucles à l’oreille, se parent de médailles et colliers, se moulent dans de fins tee-shirts pour accentuer leurs pectoraux secs et leurs abdos quasi absents – tout cela pour se faire remarquer, exister, parfois draguer.
Le soir suivant, le plus jeune des serveurs, peut-être 18 ou 19 ans, a été complimenté par un client dans la trentaine à tel point qu’il a tenté même de lui caresser la tête. Ce geste a été vite contré par la main du jeune homme, qui l’a converti en poignée de main, mais avec les joues rougissantes et les bras mis en croix sur la poitrine en geste de refus. Les Italiens parlent beaucoup avec leur corps.
Comment aller à Cinque Terre?
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Visiter Cinque terre : Sestri Levante
La ville, ancienne sur la presqu’île en bord de mer – où les gens pouvaient se réfugier en cas d’attaque – s’est étendue vers l’intérieur ; elle compte désormais près de 19 000 habitants, appelés Sestresi. Une villa des siècles passés est trop grande pour être désormais occupée par une seule famille ; les multiples serviteurs et la ribambelle de bambini ne sont plus de mode. Avec sa façade ocre rouge aux quatre niveaux et aux cinq fenêtres, elle est devenue un hôtel de luxe, ouvert sur le port, au parc aménagé d’une piscine. De grosses berlines allemandes, suisses et autrichiennes occupent les places sous les arbres.
Nous la visitons depuis la rue du bord de mer. Son entrée est marquée par une cheminée monumentale à foyer de fonte et entour de céramique brune, éclairée par un gigantesque lustre de fer où sont plantées des bougies électriques. Le plafond à caissons est peint de scènes mythologiques arborant force nus musculeux. Des statues de bronze sur guéridons présentent un cavalier nu tenant trident et une femme nue aux seins pommés tenant une pomme. Dans le parc, un putto culotté verse de l’eau dans une gueule de poisson, ajoutant du frais à l’ombre propice des grands arbres.
Les rues de Sestri sont étroites pour contrer la chaleur, mais aussi par tradition contre les pirates barbaresques sur la côte durant des siècles. On imagine mal aujourd’hui la crainte de toute voile sur la mer pour les habitants d’alors. Les gamins qui jouent à cette heure ci sans souci sur le sable étaient promptement razziés pour être vendus comme esclaves sexuels ou petits serviteurs ; les femmes se terraient de peur d’être enlevées pour les harems ou les bordels. Le barbaresque considérait tous les non-croyants en sa religion Unique comme du bétail bon à tous usages. Malgré notre « degré de civilisation », n’est-ce pas ce qui revient dans les zones livrées aux croyants les plus fanatiques, entre Syrie et Irak ? Les xénophobes racistes pour qui tout incroyant est une bête se mettent hors de l’humanité commune. Pourquoi les traiter comme s’ils étaient des nôtres ? Le film Mars Attacks a bien montré combien l’humanisme chrétien de principe était une niaiserie face aux inhumains.
Les façades colorées sont ocre rouge, rose, ocre jaune, jaunes, beige, vert pâle. Certains encadrements de portes anciens, deux lions affrontés ou deux cornes d’abondance, sont faits d’ardoise, une pierre qui reluit à force de toucher, massive, brute, sombre. Une vitrine de boulangerie offre comme spécialité « les bonbons de la Vierge » ; tout ce que je peux vous dire est que ce ne sont pas des boules.
Une plage très étroite, côté sud, offre son sable encombré de bateaux échoués et de parasols aux baigneurs du coin, coincés entre le flot et les maisons. L’absence de marée empêche l’inondation. Beaucoup de baigneurs avant midi, des gosses, des ados, mais aussi des adultes.
Le port de l’anse côté nord (la ville est une presqu’île qui s’avance dans la mer) est réservé aux plages d’hôtel, éclairée surtout l’après-midi, et aux clubs de canotage, kayaks et voiles. De jeunes adolescents en seuls bermudas sont en train de tirer des planches à voile de la réserve vers l’eau. Le leudo est un bateau de pêcheur traditionnel ligure dont la forme remonte au moyen âge. Le spécimen refait à neuf, échoué sur le sable et qui se visite, date de 1925 et a pour nom Nuevo Aiuto di Dio (nouvelle aide de Dieu). Navire standard attesté dans les écrits dès le 13ème siècle, il assurait couramment le commerce au 15ème.
Un porche dans une ruelle nous permet d’accéder à un escalier qui monte sur les hauteurs. C’est le début du sentier nature de Punta Manara. Une jeune femme tenant son bébé dans les bras descend sous l’ombrage en sarouel, telle une madone de Palestine ; mais elle n’est pas du cru, elle parle étranger.
Bordés de murs enfermant des jardins sur la pente, le sentier passe par les oliveraies au sommet, avant de se perdre dans la forêt de résineux, de myrtes et de chêne-liège. Par les échancrures des feuillages, nous apercevons au loin la pointe de Portofino, au-delà de la baie du Silence. De loin, nous apercevons bien la presqu’île de Sestri Levante.
Les oliviers sont bordés de filets aux mailles plus fines que ceux des pêcheurs. Ils servent à récolter les olives entre novembre et janvier. Laisser les olives à terre plus de 48 h donne un mauvais goût à l’huile, les filets permettent de les laisser suspendues. Mais l’huile vierge se presse dans les 24 h de la récolte. Pour les olives cueillies vertes, elles marinent un mois dans l’eau salée si l’eau est changée tous les jours, deux mois si l’eau n’est pas salée.
Un couple passe en descendant, un autre en montant. Montant l’homme pieds nus sur les cailloux ; descendant, un père et ses deux fils dont l’aîné en débardeur croit que nous parlons entre nous plusieurs langues, ne parvenant pas à reconnaître le français. Un poème d’amour d’une très jeune fille à son éphèbe s’étale au feutre sur un rocher, en italien. Le texte original donne à peu près ceci (pour autant qu’on puisse déchiffrer) : « 30/08/10 Je veux vivre avec toi. Je veux trouver tes mains qui le matin cherchent les miennes sous mes vêtements. Je veux garder ton visage irradié par le mouvement de l’amour que je ne peux toujours, par-dessus tout, ressentir sans de la peine. Je veux cuisiner tout le jour et brunir sur la table de la cuisine, tous riant de moi à faire l’amour sur la table de la cuisine. Je veux te garder, dans tes bras la nuit, toujours me sentir à la maison, sur ton cœur. J’ai envie de pleurer et de me donner à toi. Tu es à moi et je veux vivre avec toi, toujours !!! Je t’aime tellement, mon Simeon. » La conclusion un brin emphatique est celle de la Béatrice à son Dante.
Corniglia, le village perché des Cinque Terre
Nous continuons à visiter Cinque Terre en découvrant Corniglia. Dès le matin, vers 9h, nous prenons le train environ une demi-heure jusqu’à Corniglia. C’est le seul village des Cinque Terre à être perché. Depuis la ligne de chemin de fer, à peine au niveau de la mer, il faut donc monter la lardarina, un escalier de plusieurs centaines de marches (377 ou 382, dit-on, tous ceux qui ont compté ne trouvent pas le même chiffre). Cela sur une centaine de mètres de hauteur pour parvenir au village. C’est assez rude, juste après le petit-déjeuner.
La rue principale est la via Fieschi, qui prend sur une place où trône une église, celle de San Pietro, la mairie et un épicier. Maisons étroites et basses, bien au-dessus de la mer, serrées sur le rocher, donnant d’un côté sur la rue et de l’autre sur le large dont la terrasse panoramique Santa Maria – qui finit la via – nous permet d’avoir une idée. La république de Gênes acquiert le village en 1276 et construit un château, aujourd’hui disparu. Le village est mentionné dans le Décaméron de Boccace pour son vin blanc issu des vignes en terrasse alentour.
L’église San Pietro, construite au 14ème, arbore sur sa façade une rosace gothique en marbre blanc que nous retrouverons peu ou prou sur les autres églises paroissiales des Cinque Terre.
Sur le chemin, San Bernardino, étape du sentier des cinq sanctuaires. La Vierge Marie est toujours à l’honneur, maternante en Italie, contrairement à l’Espagne où c’est le Christ de douleurs qui est célébré un brin sadiquement. Le plafond voit Dieu le Père en majesté, entouré d’anges aux longues robes couleur de ciel ou de nuées.
Du sentier qui s’élève parmi les pins et les vignes, le village apparaît comme un assemblage de cubes amoncelés sur son roc. Les bateaux, sur la mer d’un bleu profond, tracent un sillage étincelant – comme tranchant les eaux au scalpel. De longs rails métalliques à crémaillère, perpendiculaires au sentier, servent à véhiculer les paniers remplis du raisin de la vendange. C’est une particularité du lieu.
Les grappes, transparentes au soleil sous les feuilles, ne sont pas encore mûres. Élevés sur des treilles, les ceps sont faciles à vendanger par en-dessous. C’était autrefois le travail des femmes et des enfants les plus grands ; c’est aujourd’hui le travail des hommes.
J’aperçois pour la première fois de ma vie des kiwis vivants, sur leur arbre. La Vox populi des ménagères de plus de 50 ans me dit que c’est courant, mais je n’en avais jamais vu. Nous traversons – parce que le sentier le traverse – le jardin privé d’une maison de campagne où les habitants sont en train de préparer le déjeuner. C’est un peu gênant, mais le jardin est bien vert et très fleuri. Volubilis, pétunias, bougainvillées rivalisent d’éclat au soleil et dans l’ombre. Un brin m’as-tu-vu, les Italiens aiment qu’on admire leurs œuvres ; ceux qui ont acheté ici en étaient probablement conscients.
Nous observons aussi la passiflore, dont Eva nous explique qu’elle contient tous les instruments de la Passion du Christ : la croix, le marteau, les clous, la couronne d’épine… C’est une liane venue des Amériques que les missionnaires jésuites utilisaient pour expliquer la Crucifixion aux Indiens.
L’étagement des terrasses de vignes qui strie la montagne et descend presque jusqu’à la mer dessine un paysage soigneusement maîtrisé, aménagé sur des siècles, qui s’arrête au village sur la mer de Manarola au loin. C’est dans ce village au bord de l’eau que sont exposées de grandes photos noir et blanc de la récolte à la main des raisins au début du siècle dernier. Femmes en fichu et hommes torse nu rivalisent d’efforts pour porter sur la tête et les épaules les lourds paniers d’osier emplis des grappes de vendange.
Difficile de visiter Cinque Terre en randonnée sans côtoyer des touristes venant aujourd’hui du monde entier. Nous croisons des groupes de touristes en balade comme nous ; ils sont allemands, américains, japonais et français, tous vêtus légers, chaussés fort et portant un petit sac à dos empli d’eau et de nourriture.
Monterosso et Vernazza ; charmants et très touristiques
Encore une fois nous décidons de visiter Cinque Terre en empruntant le train, pour Monterosso cette fois. Nous visiterons plus tard ce charmant village de Monterosso, réputé des touristes.
Ce matin, direction la crête par le sentier. La compagne de Massimo, notre tôlier-restaurateur, et ses deux filles de 10 et 14 ans, nous accompagnent. Elles sont vénézuéliennes, donc plus bronzées encore que les Italiens exposés à la plage tout l’été. L’adolescente est gracile et rebelle, ce qui lui donne du charme. La petite court devant ou derrière, infatigable. Le sentier monte raide avant de redescendre brutalement sur Vernazza. Nous dépassons, puis dépassons à nouveau après une pause, un petit allemand de 6 ans à la main de sa mère, qui marche courageusement sur le sentier ; il le fera dans toute sa longueur sans se plaindre malgré de faibles chaussures et de petites jambes.
Un escalier étroit sous les maisons, tel un tunnel, descend des ruelles du haut vers le port.
Sa construction est volontaire : pour éviter les attaques trop brutales, la seule issue pour atteindre le village était cet escalier dans lequel ne pouvait passer qu’une seule personne à la fois, donc facile à défendre.
Nous pique-niquons sur une anse du port, sous l’église, après qu’Eva eut fait les courses.
Deux tartes salées, aux blettes et au riz, des concombres et carottes en bâtons au fromage straccino, du pain et des prunes, tel est notre repas.
Nous ne sommes pas les seuls, autant les Italiens que les touristes viennent ici manger et se baigner, voire papoter en slip au soleil, comme cette brochette de vieux du pays.
Des kids, debout sur une planche de surf (sport qui s’appelle Stand up Paddle), rament lentement dans les eaux calmes ; d’autres, tout excité et la peau nue au maximum, jouent au foot sur l’étroit carré de sable qui permet aux bateaux de s’échouer.
Nous passons une heure ou deux à errer dans les rues où s’écoule une foule dense cherchant à marchander quelques babioles.
L’une de nous achète un foulard mauve aux dessins bleus qui ressemblent à du Vuitton, composé mi-coton mi-soie (industrielle ?), fabriqué en Italie (selon l’étiquette). Douze euros quand même, mais c’est joli. En prenant un café, assis sur une banquette en terrasse sur la place, nous observons les gens manger et déambuler autour de nous.
Une fille repère un jeune homme de 16 ans qui arbore fièrement un torse d’athlète, un lacet de cuir terminé par une boucle comme un anneau ornant son cou jusqu’au sternum. Il ressemble, en plus jeune et totalement imberbe, à l’acteur Ansel Elgort qu’elle aime bien. J’ai pris la photo pour elle.
Un garçon de café apporte aux convives en terrasse un gigantesque plat de spaghettis aux homards, odorant et coloré, que des touristes qui passent s’empressent de prendre en photo. Un chat gris et blanc, sans doute maître de la maison, est assis sous une chaise ; il crache au passage d’un chien en laisse qui ne l’avait pas vu. Il fallait voir l’expression du chien surpris ! Il a tordu la gueule et fait un écart, les yeux presque affolés. J’en ai ri longtemps. Rien que l’évocation de cette image me met encore en joie.
Corniglia
Le sentier vers Corniglia est toujours pénible après-déjeuner, surtout parce qu’il commence par une raide montée et dans la plus forte chaleur.
Un couple est accompagné d’American kids blonds, vifs et bronzés, qui grimpent comme des chèvres, en faisant un jeu. Ils sont dûment bermudés jusqu’aux genoux et tee-shirtés jusqu’au col, sans un centimètre de peau politiquement incorrecte qui dépasse. Bien loin des ragazzi d’ici qui se dénudent autant qu’ils le peuvent : les pays catholiques seraient-ils moins coincés que les pays protestants ? Nous les retrouverons au train le soir, rempli de tous les promeneurs vus dans la journée.
Le sentier à flanc de falaise est bordé d’agaves et de cactus parfois sculptés malicieusement en forme de tête ou de Mickey à oreilles ; ou portant des mots d’amour, tel celui ci-dessous, qui me parle personnellement. Le chemin offre des vues sur la mer étincelante, rayée par les bateaux de sillages immaculés.
Avant d’arriver à la ville, le sentier traverse un ru qui descend des hauteurs. Il est presque à sec mais brutalement creusé, comme par un outil géant. La crue d’octobre 2011 a emporté une moitié de maison, dont on aperçoit les restes juste avant la fin du sentier. Des couvertures sont encore dans les placards à demi démantibulés. L’accès au sentier est payant, géré par le Parc national des Cinque Terre, 7.50€ par personne pour la journée. Une matrone en guérite surveille les abords et interpelle les promeneurs. Nous avons pris une carte valable pour tous les sentiers du parc national, c’est plus simple.
A Corniglia, ville enfermée dans ses ruelles, deux vieilles dames en tablier bleu et blanc papotent sur un banc. Elles sont les gardiennes des histoires à raconter sur la ville – mais en italien.
Je goûte une glace artisanale au basilic et crème chez le fameux Alberto, via Feschi 74. Elle n’est ni sucrée, ni salée, mais j’imagine une version salée accompagnant une salade et des crevettes par exemple, ce serait original et de bon goût.
Les touristes débarqués des bateaux, qui n’ont pas marché comme nous la journée, sont habillés chic. Nous croisons ainsi une maman tenant ses deux enfants par la main, le garçon en bermuda beige et sandales, un polo blanc barré des trois couleurs du drapeau allemand orné d’un écusson bleu marine au sein, la fille en longue robe bleu myosotis à bretelles ; c’est un peu chaud pour la journée, on les dirait déjà habillés pour le dîner. Mais bien joli à regarder.
Notre dîner à Deiva est ce soir tout pizza. Pas pour moi : j’ai dit mon horreur culinaire de la pâte mal cuite. J’obtiens en échange une salade des rituelles tomates, carottes et roquette, et une assiette de melon au jambon très salé – ce qui m’a donné soif toute la nuit, en plus de la déshydratation du jour.
Levanto ; cap au nord des Cinque Terre
Train du matin pour Levanto, tout au nord des Cinque Terre. Nous allons faire un tour jusqu’au casino en bord de plage, avec ses chaises longues vides et ses parasols verts encore fermés attendant le touriste âgé. Une couple de gamins est déjà en train de jouer en slip sur le sable tandis que deux ou trois sont dans l’eau froide ; il n’est pas dix heures du matin.
Les rues à angle droit arborent des façades ocre de divers tons allant du blanc cassé au rouge, de petites places isolées à arcades, des commerces sur les rues passantes. Les Vespas (mot qui veut dire guêpe en italien…) passent en vrombissant, toute frime dehors.
Via Guani, 5, la façade à arcades en serpentine d’une maison médiévale attire notre attention. Le rez-de-chaussée aux trois arcades servait d’atelier, de boutique ou d’entrepôt, tandis que les deux étages étroits contenaient la pièce à vivre puis la chambre.
Après les courses pour midi et la répartition des provisions dans les sacs, nous passons devant le castello datant de 1165, désormais privé et en restauration, qui ne se visite pas. Ce que nous pouvons voir ne date que du 16ème siècle. Résidence du « capitaine du peuple » en 1637, sous la république de Gênes, il est devenu prison jusqu’en 1797, avant d’être maison privée. Des murs crénelés sont flanqués de quatre tours rondes d’angle. On dit qu’un passage secret sous les fondations permet d’atteindre la mer (on dit tant de choses, tant l’imagination a besoin d’y croire pour prendre son essor).
Puis nous visitons l’église San Antonio, du 13ème siècle, à la façade composée de bandes horizontales bichromes en serpentine et marbre. Elle est décorée d’éléments zoomorphes, restes de paganisme disent les chrétiens qui affectent de mépriser la Création.
L’intérieur renferme une belle Piéta sculptée, placée dans une niche grillée et bien éclairée et un crucifix en bois du 15ème, relique vénérée pour avoir été trouvée sur la plage ouest. L’endroit est, depuis, appelé Vallesanta (vallée sainte). Peintures et statues donnent leur touche baroque au catholicisme du lieu. Bâtie en 1222, l’église a son autel en marbre consacré en 1463 ; elle a été restaurée au début du 20ème siècle.
Le sentier monte sous l’ombre des arbres, mais rudement. Nous transpirons car l’atmosphère est moite. La maison rose d’un artiste qui orne et sculpte offre des chambres d’hôtes avec vue sur la ville et la baie, en contrebas. L’artiste a décoré le bas d’un pylône électrique au bord du sentier, et sculpté des monstres. Nous reconnaissons un crocodile sur son muret et une gargouille diabolique pour décorer la fontaine.
Nous ne sommes pas tirés des originaux car, sous la forêt tempérée de résineux, une grosse écrivaine étrangère noircit des pages de cahier, assise à une table de pique-nique, solitaire mais avec sa bouteille de gin. Elle nous voit passer sans qu’un mot ne sorte de sa bouche, pas même Buon giorno. Elle est en pleine ivresse… qu’on aimerait créatrice.
Un quatuor de jeunes Allemands grignotent sur les hauteurs, un gros rocher au-dessus du précipice servant de promontoire au sentier. Une plaque annonce qu’un professeur d’université nommé Müller, de Fribourg je crois, est mort ici. On ne dit pas de quoi : s’est-il jeté dans le vide ? A-t-il été foudroyé d’une crise cardiaque après la montée ? S’est-il étranglé avec une guêpe ? Mystère.
Au bout d’1h45, nous voici au sommet, Punte Mesco, avec vue sur Porto-Venere et Monterosso en bas. Nous prenons notre pique-nique dans les ruines de l’ermitage San Antonio, qui offre ses murets en guise de sièges sous les pins d’Alep et les chênes lièges. Il est probablement du 13ème siècle et abritait des moines Augustins avant d’être abandonné au 18ème. Des centaines de guêpes sont attirées par le melon, le jambon et le fromage et l’une de nous fait sa crise, énervant d’autant plus les bêtes à dard qu’elle fait de grands gestes. Le tout est de ne pas en avaler une, pour le reste de chauffer au briquet l’endroit piqué. Mais elle ne me croit pas, le préjugé submerge toute raison.
La redescente est assez raide, malgré les marches de bois ravinées par les pluies. Cailloux et racines ne font pas de cadeau. Ce qui n’empêche pas un kid que nous croisons de monter pieds nus en avant de sa mère, une belle femme un peu lourde. Il porte à la main ses chaussures, qui doivent frotter dans les creux et bosses du sentier et lui faire plus mal que les cailloux sur la plante. Ses pieds ont du prendre l’habitude du sable, du béton et du macadam depuis les semaines de vacances. Pas de photo, je laisse les mots faire travailler votre imagination : on ne peut tout montrer, faute de réflexe à la prise de vue, de place pour publier, et par volonté de laisser une liberté à chacun.
Quelques villas chics sur les hauteurs, juste avant le port, puis nous pouvons voir la villa-tour d’Eugenio Montale, prix Nobel de littérature italien 1975, né en 1896 dernier de six enfants. Isolé en Ligurie lors de la montée du fascisme, il marque en ses poèmes une vision claustrophobe de l’existence, focalisée sur les impressions que lui donnent les phénomènes naturels.
Monterosso
Une arche pour tenir les murs surplombe la rue qui aboutit sur le port.
Les plages aménagées sont plantées de parasols et de transats, bordées de bars vitrés ; des gosses plongent et se roulent sur le sable. On peut louer pédalos, kayaks et stand up paddle à la mode.
Des silhouettes se profilent, délicates, debout sur la planche en train de pagayer, tels des pêcheurs de rivière Li. Toutes les filles veulent avaler un café, comme après chaque pique-nique, je prends une bière en plus.
Monterosso a été envahie de boue le 25 octobre 2011, après des pluies diluviennes qui ont raviné la falaise et emporté des pans entiers de sentiers et de maisons. Des photos affichées sur les murs commémorent l’événement et arborent des sites Internet pour récolter des dons. Il y avait de l’eau boueuse jusque dans les églises, sur une hauteur de près d’un mètre.
Nous visitons l’église San Giovanni Batisto, du 13ème en gothique génois, à la façade blanche et verte de marbre et serpentine, à la rosace caractéristique. Ses piliers intérieurs sont cannelés de même en vert et blanc. L’ensemble des bancs et chaises avait été renversés par la crue, des photos dans l’église en témoignent à l’envi.
En face, la Confrérie Mortis et Orationis arbore sa tête de mort et ses tibias entrecroisés au-dessus de la porte. Ce n’est pas un repaire de pirates mais une association pieuse qui se charge d’enterrer les défunts trop pauvres. L’intérieur est de même tout entier consacré à la mort, dans un style baroque grinçant dont l’excès ne va pas sans quelque humour. Ce ne sont que squelettes flanqués d’angelots bien en chair, têtes de mort jouxtant têtes d’ange, même le Christ du crucifix est émacié. Comme si le ciel offrait la chair et le muscle irradiant, tandis que la terre décompose jusqu’à l’os. C’est bien la vision chrétienne qui fait de l’au-delà l’espérance de tous les déboires d’ici-bas. Mais à rêver d’autre monde possible, on en oublie d’aménager ce monde-ci.
La troisième église est la Confrérie du Saint-Sacrement avec un beau Christ gisant en bois et les ornements de procession. Un bateau ex-voto pend au-dessus des fidèles, dans la nef. Sur un mur, les instruments de la Passion, marteau, clous, tenailles, lance, perche portant l’éponge, échelle, couronne d’épines – toute la panoplie du parfait petit bourreau romain d’époque. Il y a quelque sadisme à présenter avec autant de complaisance ces instruments de torture, jouissant en imagination de leur usage dans la chair. Mortification ? Horreur du mal ? J’y verrais plutôt une perversion du plaisir, le tourment ajoutant aux délices…
Les rues offrent leurs boutiques commerçantes, souvenirs, œnothèque et boulangerie. Pizza y voisine avec farinata, focacie, farcite, et pâtes en forme d’hosties typiques de la région. Grappa, limoncello, vino, liquori, olio – tous les produits typiques du lieu sont offerts contre cher paiement.
La gare est toute rose, sise en bord de mer, accessible par un tunnel. Des gamins se baignent encore dans l’eau bleue tandis que des parents se prélassent en transats payants. D’autres remontent dans les rues, vers chez eux, plus ou moins habillés. Moins on emporte, moins on risque de perdre ; le mieux est de ne garder que le string minimum conseillé.
Nous restons assis dans le parc ouvert sur la place face au port, sous la voie surélevée de chemin de fer, près de la statue martiale et outrée de l’inévitable Garibaldi, enveloppés du cri des petits enfants qui jouent pieds nus sur l’aire aménagée pour eux.
Départ le lendemain. Je ramène 433 photos, des pages de carnet à compléter, et je retrouve 244 courriels dans ma boite. Le retour est aussi long que l’aller : parti de Deiva Marina à 9h01, je ne suis à Paris qu’à 23h21. Dans le TGV de Milan, une soixantenaire blonde derrière moi n’a cessé de saouler sa copine (et moi avec) de la description minutieuse de ses petits-enfants, les sketches de Noël des petits, parents et enfants tous chez la diététicienne, les gamins sportifs, son pot de retraite et ainsi de suite – sans une pause dans la parole.
Pour bien visiter Cinque Terre:
Guide Voir Gênes et les Cinq Terres, 2014 Hachette tourisme, €19.95
Randonnées en circuit organisé une semaine dans les Cinque Terre
DVD Footloose in Italy – Cinque Terre and Venice (en anglais)
DVD Tutti in bicicletta – I percorsi più belli – Cinque Terre (+libro-guida) (en italien)
Visitez le site d’Argoul, Voyageur curieux du monde, des gens et des idées…
Bravo pour ce reportage au ton bien personnel! Un carnet de voyage comme on aimerait en voir d’autres.
Je n’ai pas vu du tout les mêmes Cinque terre, mais c’est cela aussi la magie de l’Italie.