On imagine souvent que Pise se limite à sa tour penchée et son duomo qui trônent sur le champ des miracles. Ce serait une erreur de le croire. Pise est une ville qui en dépit d’un tourisme assez important attiré par la fameuse tour, sait étonner avec une certaine culture alternative…
Il est toujours difficile de commencer un voyage. Vous êtes soumis au stress des horaires, aux transports multiples à engrener, au nouveau groupe à connaître. En ce dimanche, j’ai peu dormi, ayant peur de rater le bus Noctilien (un seul toutes les heures) qui me mènera du boulevard Saint-Michel à Denfert-Rochereau. Tout s’est passé comme prévu, j’ai même attrapé un bus précédent d’une autre ligne de nuit. L’Orlybus RATP est alors parti pour Orly-ouest afin d’être à l’heure à l’enregistrement des bagages sur le vol EasyJet de7h00 pour Pise.
Peu après l’atterrissage, nous rejoignons Pise en empruntant simplement la Pisa Mover, la navette qui relie l’aéroport à la gare centrale de Pise en quelques minutes. Plus économique que le taxi, le prix est raisonnable : 2.70€ par personne (2018) et la rapidité et l’efficacité du service, détonnent par rapport aux préjugés que l’on peut avoir sur l’organisation des services en Italie.
La vivacité du soleil nous saisit d’emblée. Arrivés en avance, nous patientons avant de retrouver quelques autres voyageurs et surtout notre guide, Denis qui va nous faire visiter Pise pendant notre séjour. Quatorze personnes constituent notre groupe, assez éclectique. Les 30°C déjà atteints en matinée rappellent que la canicule règne ici en été (et parfois même avant). Elle durera pendant toute la semaine, oscillant entre 30° et 35°. La Toscane est décidément une terre bénie par le soleil.
Notre passage à Pise dans le cadre d’un séjour entre Toscane et l’île d’Elbe sera bref. Dès la fin d’après-midi, nous devons être transférés vers Piombino, où nous prendrons le ferry pour la isola d’Elba. Peu de temps pour visiter Pise, mais suffisamment pour apprécier les facettes de cette ville. Nous la traversons de part en part pour joindre la gare au sud à « la tour » au nord, en traversant l’Arno.
Pise, j’y suis déjà venu, mais autrement. Ce n’est donc pas une révélation, même si l’impression de découverte anime toujours le voyageur curieux. C’est une petite ville, l’une des quatre républiques maritimes d’Italie avec Amalfi, Gênes et Venise. Son emblème est la croix tréflée. Elle dispose d’une école normale supérieure fondée par un Cosme de Médicis, le duc à l’écusson aux boules qui figurent les pilules du medici – le médecin – d’où vient son nom.
Le capitalisme installé dès le 11ème siècle est la clé de la réussite de Pise. Commerce, garanties civiques, culture sont les trois étapes de ce développement qui rend la vie meilleure et la sensation perdure encore aujourd’hui, car on apprécie à Pise une certaine harmonie. Galilée y est né, qui s’est élevé contre les fausses vérités de l’Eglise, préparant la méthode scientifique et son attraction pour la vérité des faits contre les idéologies des puissants. Nicolas Pisano mort en 1278, dont nous pouvons voir la statue, a préparé la sculpture de la Renaissance.
Nous traversons la piazza Victor-Emmanuel II, l’Arno par le ponte di Mezzo, la piazza dei Cavalieri pour déboucher enfin tout au nord, au bord des remparts, devant le Duomo dont le fameux campanile penche toujours.
Du baptistère au Duomo de Pise ; le centre névralgique de la cité historique
Le Baptistère de Pise est circulaire et reste de marbre. La particularité architecturale est d’avoir une base de style roman, tandis que le gothique s’est exprimé sur sa hauteur. Sa construction a débuté en 1153 et s’est terminée en 1285. Les grands travaux avaient le temps, en ces époques. On peut l’apprécier à chaque coup d’oeil, s’étonner du luxe de détails de chaque sculptures et décorations.
En cette période de vacances scolaires estivales ; la foule est jeune et très familiale sous le grand soleil. De nombreux bébés sont promenés dans les bras ou en poussette et apportent avec leur jeunesse une note de gaieté fort appréciable.
Les filles sont jolies, plus qu’ailleurs, même petites. Leur grâce épanouie s’offre sans égoïsme.
Les benêts prennent la pose sur les murets du jardin, tendant la main pour feindre de tenir le campanile, ou l’enserrant entre les doigts avant de se précipiter sur les applications afin de répandre chez tous leurs « amis » cet instant de narcissisme devant un monument célèbre.
C’est toute une imitation de mode que l’on trouve sur les réseaux sociaux – cette bêtise humaine globalisée de l’Internet international, désormais alignée sur le cerveau atrophié du bouffeur de burger.
Le Champ des miracles ou piazza del Duomo est un pré d’herbe verte aux quatre édifices de marbre blanc. Nous l’abordons par l’est et la Torre pendante – la tour penchée. L’ascension de la tour de Pise est bien sûr l’attraction principale des touristes qui pourront dominer ainsi la ville. Mieux vaut réserver son billet à l’avance si vous êtes tenté par cette ascension, car à certaines saisons, il y a une longue attente et pour des raisons de sécurité, l’accès est limité. Il y a un départ toutes les heures à partir de 9h30.
Elle s’élève, cylindre de marbre blanc comme une dentelle de pierre, à 55 m de hauteur sur une base six anneaux d’arcades ajourées surmontées d’un clocheton rond pour la cloche. Elle aurait été commencée vers 1174 et achevée en 1273. C’est à son sommet que Galilée s’est livré à ses expériences sur la chute des corps. L’écart à la verticale semble s’être stabilisé autour de 5 m selon Denis, après les travaux effectués sur les fondations au début des années 1990. Les nappes phréatiques à 10 et 60 m faisaient du sol une éponge. Il ne faut pas oublier que la ville était entourée de marais de l’Arno, asséchés progressivement depuis le 11ème siècle.
La construction de la cathédrale – le Duomo – dura trois siècles depuis 1063.
Il y a la queue pour entrer et une messe est dite. L’église est pleine, malgré ses 100 m de long et ses 34 m de large. La foi est encore vive en Italie, patrie du pape catholique.
Le Camposanto, à droite de la sortie, est un cimetière ; nous n’avons pas le temps de le visiter et il y a trop de monde.
Vous voulez aussi visiter Pise avec un guide francophone?
Visiter Pise à travers la culture alternative
Sur la gauche de la piazza V. Emmanuel, derrière l’église San Antonio, Denis nous montre une grande fresque de Keith Haring, mort du sida à 31 ans en 1990. C’est un dessinateur américain de culture alternative adepte du street art et du graffiti. Il a peint la façade aveugle de cette maison de Pise en 1989. Des personnages, des mains et des poulets s’emmêlent, de couleurs vives et détourés de noir. Ce n’est pas mon art favori mais je le trouve assez décoratif.
Le Ponte Mezzo est le plus ancien de la ville et ne comprend qu’une seule arche ; il offre une vue en courbe des façades pastel des grandes maisons au bord du fleuve.
Denis nous dit que se tient là chaque année le giocco dei ponte, le jeu des ponts, un affrontement nautique traditionnel depuis le 15ème siècle entre les équipes des deux rives.
Plus loin, sur le Borgo Stretto, l’église San Michele in Borgo offre sa façade en marbre de style romano-pisan avec ses trois niveaux de colonnades aveugles. Une vierge à l’Enfant gothique a été ajoutée sur le porche.
La Piazza dei Cavalieri n’est ni carrée, ni rectangulaire, mais offre par sa forme baroque le charme des lumières décalées. L’église des chevaliers de Saint-Etienne y trône avec sa façade de marbre et ses ailes plaquées de rouge, à côté du palazzo dei Cavalieri devenu école.
Sa façade a été transformée par Vasari en 1562, les murs ornés de fresques représentent les scènes du zodiaque et portent trois rangs de fenêtres.
Des bustes des grands ducs de Toscane sont disposés entre les fenêtres du deuxième et troisième rang.
Une fontaine devant l’escalier à double révolution porte la statue en pied du premier Médicis par Francavilla en 1596. En face, des demeures du 14ème.
Au fond, le palazzo dell’Orologio est la réunion par Vasari de deux tours médiévales et est orné d’une horloge pour justifier son nom.
C’est dans ce palais que furent enfermés le comte Ugolino et ses fils dont parle Dante dans l’Enfer, condamnés à mourir de faim. Podestat de la ville, il aurait été défait par la flotte de Gênes lors de la bataille de Meloria en 1284.
Voyageur curieux du monde, des gens et des idées, Argoul vous propose d’explorer le monde et les idées : Visitez le site d’Argoul