Si la chute du mur de Berlin, le 9 Novembre 1989, est relativement bien connue, les raisons et les conditions de son érection sont plus floues. Comment est née l’idée de construire un mur pour diviser Berlin en 1961 au-delà des zones d’occupation définies depuis la fin de la seconde guerre mondiale et séparer ainsi pendant plusieurs décennies l’Allemagne en deux pays, la RFA et la RDA, dont Berlin n’était pas qu’un symptôme? Pour des raisons de migration économique vers la RFA principalement.
Dans la nuit du 12 au 13 Août 1961, la République Démocratique Allemande (RDA) commençait la construction du mur de Berlin qui allait séparer la capitale allemande et l’Allemagne en deux pendant plus de 28 ans. « Mur de protection antifasciste » suivant la phraséologie est-allemande, ce mur avait pour objet de tenter de mettre fin à l’exode des Allemands de l’est vers la République Fédérale Allemande (entre 2,6 et 3,6 millions de 1949 à 1961). Car, à Berlin, il suffisait avant 1961 de prendre le métro pour passer à l’ouest.
Dans les semaines qui suivirent l’édification du mur de Berlin, le dit mur sera fait de béton et de briques, puis muni de divers dispositifs de sécurité, entourant complètement la partie ouest de Berlin qui devient une enclave au milieu des pays de l’Est. Il faudra attendre le 9 novembre 1989, soit plus de 28 ans et des dizaines de morts plus tard (le nombre des victimes est incertain et fait l’objet de controverses), pour que cesse cette anomalie de l’histoire de l’Europe.
Une Allemagne amputée, une capitale, Berlin partagée et des rivalités entre occupants
Au cours de la Conférence de Postdam (17 juillet – 2 août 1945), les alliés vainqueurs (Etats-Unis, Grande-Bretagne et URSS) avaient fixé le sort des vaincus, l’Allemagne, l’Italie et le Japon, et plus généralement de l’Europe. L’Allemagne est amputée de ses territoires de l’est (Poméranie, Silésie, Prusse orientale) et est partagée en quatre zones d’occupation réparties entre les quatre principaux alliés : URSS, Etats-Unis, Grande-Bretagne et France . Staline, dont on a oublié le pacte avec Hitler du 23 août 1939, triomphe et annexe les Etats baltes, la Prusse orientale (Königsberg) et la Pologne orientale.
La capitale, Berlin, initialement occupée par les seuls Soviétiques, est également partagée en quatre zones d’occupation, et est enclavée dans la zone soviétique.
Mais, très vite, émerge une rivalité entre l’Union soviétique et les Occidentaux. C’est le début de la guerre froide (dont on parle beaucoup du retour ces derniers temps) et un rideau de fer (expression employée pour la première fois par Winston Churchill le 5 mars 1946) sépare l’Europe en deux. Du 24 juin 1948 au 12 mai 1949, les soviétiques font le blocus terrestre de Berlin-ouest qui n’est contourné par les Alliés que grâce à 30 000 vols pour ravitailler la ville.
La crise du blocus de Berlin, un accélérateur de la division
La crise du blocus accélère la division de l’Allemagne. Le 23 mai 1949, la Loi Fondamentale (= Constitution) de la République Fédérale d’Allemagne (RFA), capitale Bonn, est adoptée. Le premier chancelier est Konrad Adenauer. En retour, la République Démocratique Allemande (RDA), capitale Berlin-Est, est créée le 5 octobre 1949.
Le 19 Mars 1948, les Soviétiques cessent leur participation au Conseil de contrôle allié et au commandement interallié. A partir de cette date, Staline s’emploie à gêner les communications des Occidentaux avec Berlin-Ouest et instaure même le blocus de la ville du 24 Juin 1948 au 12 Mai 1949. Celle-ci ne survivra que grâce à un gigantesque pont aérien des Occidentaux.
Le 23 Mai 1949, les Occidentaux créent la République Fédérale Allemande (RFA) à partir des trois zones d’occupation américaine, britannique et française. En représailles, le 7 Octobre 1949, les Soviétiques créent la République Démocratique Allemande (RDA, en allemand DDR) à partir de leur zone d’occupation.
Cependant, le problème principal de la RDA était qu’elle perdait ses forces vives : 2,7 millions d’Allemands de l’est sont passés à l’ouest de 1949 à 1961, dont 200 000 rien que pour la seule année 1960 (50 % ont moins de 25 ans), essentiellement pour des raisons économiques. En effet, l’économie est planifiée par Moscou, la production industrielle augmente moins vite que prévue et la collectivisation des terres agricoles entraîne une baisse de la production.
Faire face à l’agression impérialistes des occidentaux
C’est le Pacte de Varsovie qui, le premier, propose de « contrecarrer à la frontière avec Berlin-Ouest les agissements nuisibles aux pays du camp socialiste et d’assurer autour de Berlin-Ouest une surveillance fiable et un contrôle efficace ». Le conseil des ministres de RDA adopte le 12 août un décret dénonçant « la politique d’agression impérialiste des Occidentaux à son encontre ». Un contrôle très strict des frontières séparant Berlin-Ouest et Berlin-Est est instauré.
Rappelons qu’à l’époque Walter Ulbricht était Secrétaire général du comité central du Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED, faux nez du Parti communiste) et Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique.
Dans la nuit du 12 au 13 Août 1961, des forces armées est-allemandes bloquent les rues et les voies ferrées menant à Berlin-Ouest. Des troupes soviétiques se tiennent prêtes au combat et se massent aux postes frontières des Alliés. La construction du Mur de Berlin autour des trois secteurs de l’Ouest consiste tout d’abord en un rideau de fils de fer barbelés. Ce réseau est complété, dans les semaines qui suivent, par un mur de béton, puis il est muni de divers dispositifs de sécurité.
Les migrations économiques vers la RDA à l’origine du mur
Depuis sa création le 7 octobre 1949 dans la zone d’occupation soviétique, la République Démocratique Allemande (RDA, en allemand DDR) subit une forte émigration de ses habitants vers la République Fédérale d’Allemagne (RFA, en allemand BRD) constituée par les zones françaises, britannique et américaine. Entre 1949 et 1961, ce sont 2,6 à 3,6 millions d’Allemands qui fuient la RDA via Berlin, où il suffit de prendre le métro pour passer à l’ouest.
Comme l’émigration concerne particulièrement les jeunes actifs, elle pose un problème économique majeur et menace l’existence même de la RDA. Avant même la construction du mur, la police de la RDA (notamment la Stasi, calquée sur le KGB mais améliorée par la Gestapo) surveille aux points d’accès vers Berlin-ouest ceux qu’elle désigne comme « contrebandiers » ou « déserteurs de la République ». En outre, en 1961, la RDA est au bord de l’effondrement économique et social.
Côté Berlin-Est, suivant une dialectique qui n’a pas perdu de son actualité, on expliquera que la construction de ce « mur de protection antifasciste » (sic) était rendue nécessaire pour s’opposer « au terrorisme occidental qui sévit en RDA » (re-sic).
Lors du sommet des pays membres du Pacte de Varsovie (3 – 5 août 1961), a lieu une rencontre entre Nikita Khrouchtchev (Premier secrétaire du comité central du PC de l’Union soviétique) et Walter Ulbricht (Secrétaire général du comité central du Parti socialiste unifié d’Allemagne – sous-entendu de l’Est). Le communiqué final du sommet propose de « contrecarrer à la frontière avec Berlin-Ouest les agissements nuisibles aux pays du camp socialiste et d’assurer autour de Berlin-Ouest une surveillance fiable et un contrôle efficace ».
13 Août 1961 : le début de la construction du mur de Berlin
Le 11 août 1961, la Chambre du Peuple (Volkskammer = Parlement de la RDA) donne les pleins pouvoirs au Conseil des Ministres. Le 12 août, ce dernier adopte un décret dénonçant la politique d’agression impérialiste des Occidentaux et instaurant un contrôle très strict des frontières séparant Berlin-Ouest et Berlin-Est. Il décide de l’emploi des forces armées pour occuper la frontière et y ériger un barrage.
Le 12 Août 1961, le conseil des ministres de RDA annonce qu’un dispositif de contrôle va être mis en place aux frontières de la RDA avec la RFA et les secteurs occidentaux de Berlin « afin de mettre un terme aux activités hostiles du pouvoir militaire rancunier de l’Allemagne de l’Ouest et de Berlin-Ouest » (sic).
Dans la nuit du 12 au 13 Août 1961, 14 500 membres des forces armées est-allemandes bloquent les rues et les voies ferrées menant à Berlin-Ouest. Tous les moyens de transport entre les deux parties de la ville sont interrompus. Les troupes soviétiques sont prêtes au combat. Erich Honecker, secrétaire général du comité central du Parti socialiste unifié d’Allemagne présente le mur comme « un mur de protection antifasciste » ! Jusqu’en Septembre 1961, la frontière reste relativement franchissable.
La photo du jeune garde-frontière Hans Conrad Schumann, 19 ans, sautant les prémisses du mur en construction pour fuir le « paradis soviétique », au risque de se faire tuer, est devenue mythique. Dire que certains, aujourd’hui, voudraient nous faire croire que l’époque de l’URSS et des démocraties populaires c’était le bon vieux temps ou osent comparer l’UE avec l’URSS !!
Au cours des jours et des semaines qui suivirent, les barrages provisoires de barbelés furent remplacés par un mur de dalles de béton renforcé de briques creuses, muni par la suite de divers dispositifs de sécurité. Les réactions internationales sont ambiguës. Le 27 Octobre 1961, chars et soldas des deux camps se font faces pendant trois jours au Checkpoint Charlie, suite à un différend sur la libre circulation des membres des forces alliées dans les deux moitiés de la ville.
Des milliers d’Allemands de l’Est tenteront de franchir le mur au péril de leur vie. Au total, d’Août 1961 au 8 Mars 1989, 5 075 personnes réussissent à s’évader de l’est pour Berlin-ouest par divers moyens : escalade, souterrains, voitures spécialement transformées, fuites à la nage dans la Spree, etc ……
Le nombre de victimes du mur est incertain et varie, en fonction des sources (occidentales), entre 125 et 1 135. La dernière victime est tuée par la RDA le 5 Février 1989, neuf mois avant la chute du mur le 9 Novembre 1989 (laquelle chute du mur, rappelons-le, ne signifie pas pour autant la chute de l’URSS qui tuera encore, notamment dans les Pays baltes, en 1991).
Cette situation absurde de capitale coupée en deux perdurera jusqu’au 9 Novembre 1989. Mais l’ouverture du mur de Berlin ce jour-là, qui mènera à la réunification allemande du 3 Octobre 1990, ne signifie par la libération de toute l’Europe, contrairement à ce que certains croient. Les Etats baltes, par exemple, devront attendre de facto jusqu’en Août 1991. Mais le processus, qui avait également suivi un chemin parallèle notamment en Pologne et en Hongrie, était enclenché.
Pour mémoire, entre 136 et 176 personnes (selon les sources) ont été abattues en essayant de franchir le mur.
J’ai personnellement passé le Check-point Charly en tenue militaire, un soir de mai 1984. Ce n’est pas un exploit, mais ça restera un grand souvenir de mon histoire personnelle. Je pensais à ce moment-là que, moi, je pouvais aller et venir sans aucun contrôle, mais que des familles étaient, elles, séparées depuis plus de vingt ans par un « mur de la honte ».
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