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Camp de concentration nazi de la Croix Rouge à Nis (Serbie Sud)

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nis camp de concentration nazi croix rouge

Dans le Sud de la Serbie, près de Nis, se trouve un camp de concentration nazi de sinistre mémoire et pourtant méconnu voire inconnu : le camp de la Croix Rouge. Ce site mémoriel est une découverte nécessaire.

Si l’on connaît la triste mémoire du camp de concentration nazi de Jasenovac, en Croatie, on connaît moins le camp de la Croix Rouge, situé près de Nis en Serbie. Complètement préservé, il constitue un témoignage de l’extermination nazie en Yougoslavie.

Visiter la ville de Nis (lire Nish) est une excellente occasion de visiter tout un tas de choses dans cette belle ville. Si Medijana et la Tour des Cranes sont à juste titre des incontournables, ce site l’est aussi, du moins à mon avis. Il s’agit d’un monument que nous devons traiter de mémorial des temps pas si éloignés – de la première moitié du XXe siècle, c’est-à-dire de la Seconde guerre mondiale.

 Camp de concentration nazi Croix Rouge; lieu de mémoire en Serbie

 

J’ai longuement été persuadée que le camp Jasenovac en Croatie représentait l’unique témoignage de la Deuxième guerre mondiale, du moins quand il s’agît du type de monument. Qu’elle était seulement ma surprise quand j’ai découvert que la ville de Nis recelait l’unique camp nazi, complètement conservé, et de réputation sinistre, bien que pas aussi « bien équipé », en comparaison avec d’autres de ses grands cousins. Quelqu’un pourrait me dire que je suis complètement morbide, voir légèrement toquée, pour avoir emmené mon fils dans « une horreur pareille », mais à mon avis, la mémoire est le seul moyen d’empêcher que certaines choses soient refaites, et cette mémoire doit absolument être apprise à nos plus chers… en espérant que cela les aidera de grandir et de ne pas répéter les erreurs du passé.

 

Le camp lui-même est un peu à l’écart par rapport à la rue, mais il est très facile à trouver, à cause de la station ferroviaire d’un côté et du panneau très visible de l’autre côté. Bien sur, dommage que même pour ce lieu nous ne trouvons pas vraiment beaucoup de signaux, mais Dieu merci, tous ceux auxquels j’ai demandé savaient me renseigner.

Quand vous arrivez sur place, il faut tourner à droite et prendre le petit chemin bordé de pelouse. Et là, un truc gris, un mur avec une petite, toute petite porte, et derrière le mur… des édifices d’un gris sale, comme les bâtiments de cette espèce de complexe qui se trouve sur Autokomanda à Belgrade, juste à côté (aussi) où des pauvres gens périssaient et étaient réunis pour être envoyés en Allemagne au « travail ». Au premier regard, on dirait un bâtiment d’une manufacture quelconque, un entrepôt d’avant guerre ou un truc du genre. Et pourtant, il s’agit de l’ancienne caserne « Obilic », qui fut à l’époque entourée de fil de fer, le mur étant ajouté bien plus tard. En fait, quand les fascistes sont venus prendre possession des lieux, eux aussi avaient gardé les bâtiments à l’aide des gardes et des barbelés. Ils ne pouvaient même pas imaginer que des gens, enfermés dans le « grand bâtiment », pourraient être tellement désespérés pour tenter une fuite qui réussira (bien qu’un bon nombre périra sur les barbelés). Les fascistes érigeront alors un mur, avec encore deux cabines de garde et une espèce d’espace vide entre les deux premiers postes dans le mur en pierre, … et le musée portera plus tard, en plus du nom « Croix rouge », la date du « 12 décembre » dans son nom, en mémoire de soulèvement.

Une fois le petit portail traversé, c’est comme si vous entriez dans un autre monde. On s’attendrait à voir les gardes, d’entendre les cris… et pourtant, tout est silencieux, trop silencieux même. C’est peut être du au fait qu’on est en été, et qu’il n’y a pas d’excursions scolaires qui rempliraient les lieux. Que l’intérêt du public est vraiment mineur, on le comprend aussi par rapport aux horaires – le musée-camp n’est ouvert que jusqu’à 16h. D’autre part, je trouve que le billet couplé (ou plutôt triplé) avec la visite de la Mediana et la tour des Crânes est une bonne chose, sachant qu’en plus, à cause d’un programme chargé, nous n’avions pas le temps de visiter le camp le même jour. Même ainsi, la (très gentille) dame qui travaille au gift-shop de la Tour des Crânes (Cele-kula), nous a confirmé qu’il fallait tout bêtement se présenter au camp dans la matinée le lendemain, ce qu’on a fait, sans aucun souci. La jeune employée nous y a très gentiment accueillis et nous a également servi de guide, en nous montrant coins et recoins, avec toutes les explications nécessaires, dans ce lieu qui est, fait ironique, si petit! Et c’est ça qui est, peut être, le plus horrible dans toute l’histoire: le fait qu’il s’agit d’un lieu si petit qu’on peut le traverser en si peu de pas, et qui devait, dans les yeux des prisonniers représenter une éternité – combien cet espace entre la vie et la mort devait être énorme!!!

Le camp lui-même est composé d’un bâtiment tout en longueur et sans étages – c’est là que se trouvait le commandement des gardes, les pièces pour les « employés », la cuisine, la laverie et la salle d’eau (salle de bains serait peut être un peu trop). Juste en face, une espèce d’édifice assez haut, ressemblant à un entrepôt où à une étable à étage… du moins c’est l’impression que j’ai eue, grâce aux grandes portes en bois, disposées de façon régulière, fermées avec de grosses barres en acier. Au milieu une porte qui semble un tantinet plus petite, mais qui est pourtant bien l’entrée principale dans le bâtiment.

 

Mais quand je dis étable, je ne suis pas vraiment loin de la vérité. Les gens qui y étaient tenus, l’étaient vraiment dans des conditions de bétail – ils dormaient parterre, sur une petite couche de paille. Seuls témoins d’une présence humaine – quelques effets personnels dans les vitrines et une table en bois et deux bancs. Et l’histoire se termine là – il n’y a rien à dire, on sent seulement un début de pierre qui se forme dans la gorge, devant tous ces visages qui vous regardent sans un mot de tous les murs… leurs lettres, un uniforme de camp… à l’étage au dessus encore d’autres pièces, aujourd’hui si vides, mais dont les murs sont recouverts de visages humains, de photos… dans une des pièces des crânes humains, de ceux qui furent les dernières victimes de fusillades en ce lieu, et qui ont été déterrés lors des premières fouilles dans la cour du camp. Ils ont été fusillés sur la petite esplanade à droite quand on sort du bâtiment de la prison, sur ce petit champ se terminant des deux cotés par une tour de garde, ressemblant beaucoup à celles qu’on peut voir à Auschwitz par exemple. Aujourd’hui, au milieu on voit 5 stèles et une plaquette sur le mur, parlant de ce dernier crime… et quelques bosquets de fleurs.
Et franchement, je me surprends à souhaiter qu’il n’y ait point de fleurs, sinistre pour moi le contraste entre quelque chose de si beau et innocent, dans un lieu si horrible et plein de misère…

Le troisième étage du bâtiment de la prison est tel qu’on peine à le décrire. L’ambiance dans ce grenier est lourde… la jeune femme parle de l’humidité et de moisissure… mais non, ce n’est pas que ça. L’étage qui héberge les cellules unitaires, où le sol était couvert de barbelés afin d’empêcher les prisonniers de dormir autrement qu’accroupis (sinon, c’étaient d’autres blessures assurées)… une perversion de plus après de nombreuses tortures horribles… les prisonniers qui se retrouvaient ici attendaient la balle qui leur était destinée presqu’avec joie… car celui qui terminait ici, ne recevait plus ni nourriture ni eau, seule la lumière arrivait, à travers les barreaux. L’ambiance ici est lourde, et la pierre dans la gorge est énorme, telle qu’on n’arrive plus à l’avaler. Mon fils, qui demandait encore des trucs ça et là sur les étages inférieurs, se tait ici. Je ne suis pas sure qu’il comprend parfaitement ce lieu, mais il sent quelque chose lui aussi, on le sent, c’est difficile pour lui. Et sincèrement, même si on pouvait visiter la range des cellules sur l’autre côté du bâtiment, je n’ai pas eu la force de le faire. Dans tout le bâtiment règne le silence… un silence tellement sourd qu’il devient presque trop fort dans les oreilles. Nous sommes descendus avec un sentiment de soulagement mélangé avec un peu de culpabilité quand même. Et nous avons à nouveau respiré, un air frais et libre, quand même.

Cliquez sur les photos pour les agrandir:

Quand on parle du silence, ce lieu est spécifique, car le silence règne dans tout le camp, même si l’on se trouve tout près d’une rue animée. Peut être que ce n’est qu’une impression, peut être que ce sont les émotions qui me travaillent. C’est peut être parce que je ne supporte pas la peine d’autrui, même quand il s’agît d’un cri gelé, gravé dans l’air de ce lieu.

Mais une chose est certaine. Ce lieu ne doit pas être oublié. On s’en fiche des opinions politiques des gens, du fait que telle ou telle personne était, dans le temps « de ce ou de l’autre côté ». Ici, des gens ont péri, et pourtant ils n’étaient pas forcément tous ni partisans ou rivaux politiques, ni (même si c’est horrible de le dire ainsi aujourd’hui) les gens étant catégorisés de « races à exterminer ». Ici ont également péri des gens complètement « à côté de la plaque », quelquefois parce que leur visage n’a pas plu, ou qui se sont retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Bien que ce soit qu’une partie infime d’un fait horrible incarné dans les « usines de la mort » du Troisième Reich… ce lieu est un souvenir de la douleur et un message visant à éviter qu’un tel drame survienne … plus jamais.
Ainsi, ce lieu doit figurer sur la liste de vos incontournables si le chemin vous mène jamais à Nis. Ce n’est pas un lieu plaisant à voir, je suis d’accord, et aux yeux de beaucoup, ce n’est pas un « gros et important lieu », mais plutôt comme un petit rouage dans un mécanisme énorme. Mais c’est aussi une partie de l’histoire de ces contrées, et une partie de la mémoire universelle. N’oubliez pas le camp et ses victimes…!

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Carine Markovic

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4 commentaires sur “Camp de concentration nazi de la Croix Rouge à Nis (Serbie Sud)”

  1. Je m’éloigne du sujet, mais je saisis les moindres occasions d’échanges, donc je suppose que l’auteur me pardonnera les digressions.

    En fait, je trouve que ça n’a absolument rien à voir… Historiquement, un travail n’est dispensé de valeurs, mais il ne doit pas faire intervenir de notions morales propres à ses codes. Il faut respecter des méthodologies, des principes, mais il n’y a pas d’injonctions, pas d’orientations prédéfinies. Certains historiens ou philosophes (je me souviens de discussions avec Lanzmann ou Semprun) pour qui la notion de « devoir de mémoire est contestée » suggèreraient même que le « devoir de mémoire » a nui aussi aux vérités historiques et à la possibilité de faire évoluer les discours. Nous sommes dans un pays, la France, encore très englué dans la culpabilité du pays occupé et collaborateur. Aussi, nous avons mis en place des lois contre le négationnisme et le révisionnisme, afin de préserver le fameux devoir de mémoire. Ces lois sont pour ainsi dire uniques au monde et sont justifiées par des motifs moraux.

  2. Bah, travail, devoir… la différence est ténue et on peut discuter et polémiquer sur tout ! La mémoire se construit et peut être instrumentalisée, c’est sûr! Mais, quel pied de nez aux négationistes ou à ceux qui plaisantent sur ce thème que l’article de Carine ! Merci pour le partage !

  3. Le devoir de mémoire… C’est important surtout avec les enfants mais je n’y irais pas avec un enfant trop jeune, l’extermination nazie est difficile à expliquer, l’impression de pierre dans la gorge oui, je comprends… J’ai visité le musée de la résistance et de la déportation à Besançon, on y a le coeur serré , personne ne souffle mot, les images et les témoignages terribles défilent et on n’arrête pas de penser mais comment est-ce possible? Comment a-t-on pu atteindre une telle ignominie? Alors visiter un ancien camp, quel choc cela doit être !
    Georges Santayana disait : Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre. N’oublions surtout pas !

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