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Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka (Litterature americaine)

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Julie Otsuka raconte l’histoire de ces japonaises ayant émigré aux Etats-Unis dès la fin du XIXème siècle et qui vont se retrouver confrontées à l’hostilité et à la xénophobie américaine. Litterature americaine.

Julie Otsuka, une Américaine d’origine japonaise écrit ici l’histoire romancée de ces femmes venues du Japon aux États-Unis pour se marier. Elles furent « achetées » par des Japonais travaillant aux États-Unis avant Pearl Harbor. De courts chapitres tentent de se mettre dans la peau de ces étrangères parfois très jeunes (13 ou 14 ans) venues dans un pays immense pensé comme un Eldorado, avec des coutumes différentes.

Julie Otsuka explore le sort des Japonais expatriés aux Etats-Unis


 

Julie Otsuka Certaines n avaient jamais vu la mer

La première nuit sur le bateau, les fantasmes battent leur plein et quelques idylles avec les marins du pont s’ébauchent ; le sexe a toujours été libre au Japon. Rencontre des Blancs mais, surtout, de leurs maris Japonais, travailleurs au bas de l’échelle dans les plantations, les laveries ou les restaurants. Le peuple xénophobe confronté à la xénophobie des autres, Blancs, Nègres et Latinos. On est toujours le nègre de quelqu’un, notamment lorsque la guerre menace et que l’on est désigné comme bouc émissaire, traître en puissance. Mais auparavant, naissances, enfants qui s’adaptent bien mieux, malheureux cependant d’être ostracisés à cause de la guerre mondiale. Enfin derniers jours, déportation dans les camps de l’intérieur, puis « disparition » des quartiers japonais sur la côte ouest.

Surprise des parents qui ne reconnaissent plus leurs enfants, nés en Amérique et devenus (presque) comme les autres : « Nous les reconnaissions à peine. Ils étaient plus grands que nous, plus massifs. Bruyants au-delà de toute mesure. Je me sens comme une cane qui a couvé les œufs d’une oie. (…) Nos filles marchaient à grands pas, à l’américaine, elles se déplaçaient avec une hâte dépourvue de dignité. Elles portaient leurs vêtements trop lâches. Roulaient des hanches comme des juments. Jacassaient comme des coolies dès qu’elles rentraient de l’école en disant tout ce qui leur passait par la tête. (…) Nos fils (…) refusaient d’utiliser des baguettes. Buvaient des litres et des litres de lait. Inondaient leur riz de ketchup. Ils parlaient un anglais parfait, comme à la radio, et chaque fois qu’ils voyaient nous incliner devant le dieu de la cuisine en frappant dans nos mains, ils roulaient des yeux et nous lançaient : « Maman, pitié ! ». » p.85. Où l’on voit que l’intégration réussie passe par une certaine acculturation. C’est la culture qui ramènera le goût des ancêtres, le retour du Japon. Pas question d’enfermer les adolescents en ghettos, leur souhait le plus cher est de se mesurer aux autres, d’être intégrés comme tout le monde. Avis aux « belles âmes » qui fondent de respect devant les mœurs archaïques des banlieues de l’Islam, en croyant qu’il suffit de laisser proliférer les entorses à la lois et aux mœurs pour que l’enfant né en France devienne un vrai Français.

Julie Ostuka, l’incantation aux victimes et bouc-émissaires

Le style de Julie Otsuka est fait de litanies, mais ces incantations ne sont pas misérabilistes ni victimaires. Elles sont un chant, mais sur le mode très japonais du constat : voilà ce qui est arrivé, voilà comment nous l’avons pris, comme cela venait. Rien à voir avec l’obsession juive après les camps. Bien sûr ce n’était pas drôle, quel exilé trouve une vie rose quand il doit tout recommencer à zéro, le travail comme la langue ? Mais les Japonais-américains, après l’épisode (compréhensible) de la guerre mondiale et du choc de l’attaque surprise de Pearl Harbor sans déclaration de guerre, se sont fondus dans la population. Ils ne forment pas de ghettos, ne ravivent pas sans cesse la mémoire, ne s’enferment pas dans le ressentiment.

C’est pourquoi je trouve presque dommage que le prix Femina étranger 2012 ait été accordé à ce livre de Julie Otsuka. La distinction française tord son message, ramené au victimaire, à l’éternelle revendication des ex : anciens esclaves, anciens déportés, anciens colonisés, anciens génocidés, anciens prolétaires, anciens prisonniers… La France s’est faite une spécialité de cette incantation des victimes, avec cette naïve croyance « de gauche » qu’il y a toujours plus prolétaire que le vrai et que seul le plus déshérité est la lumière du monde et le levier du « changement ». Changement pour quel pire possible pas prévu ? On l’a constaté dans le réalisé avec Khomeiny ou le Hamas, après l’avoir constaté avec Pol et ses potes. Les Japonais des États-Unis ne réclament pas cela. Ils savent ce qu’est la résilience, mot qui semble inconnu du dictionnaire de ceux qui sont toujours prêts à faire d’une victime une cause.

Ignorez les prix, toujours écœurants de politiquement correct, ignorez la bannière qu’on voudrait à Saint-Germain des Prés lui faire porter, lisez ce livre de Julie Otsuka simplement pour ce qu’il est.

Julie Otsuka, Certaines n’avaient jamais vu la mer (The Buddha in the Attic), 2011, Phébus 2012, 143 pages, €14.25

Autres livres de Julie Otsuka?

Extrait : « Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. »

Pages 26-27 :

Sur le bateau nous ne pouvions imaginer qu’en voyant notre mari pour la première fois, nous n’aurions aucune idée de qui il était. Que ces hommes massés aux casquettes en tricot, aux manteaux noirs miteux, qui nous attendaient sur le quai, ne ressemblaient en rien aux beaux jeunes gens des photographies. Que les portraits envoyés dans les enveloppes dataient de vingt ans. Que les lettres qu’ils nous avaient adressées avaient été rédigées par d’autres, des professionnels à la belle écriture dont le métier consistait à raconter des mensonges pour ravir le cœur. Qu’en entendant l’appel de nos noms, depuis le quai, l’une d’entre nous se couvrirait les yeux en se détournant – je veux rentrer chez moi – mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n’y a pas à s’inquiéter. Et nous aurions tort.

Page 83 :

Un par un les mots anciens que nous leur avions enseignés disparaissaient de leurs têtes. Ils oubliaient le nom des fleurs en japonais. Ils oubliaient le nom des couleurs. Celui du dieu renard, du dieu du tonnerre, celui de la pauvreté, auquel nous ne pouvions échapper.

Pour aller plus loin  :


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Argoul

1 commentaire pour “Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka (Litterature americaine)”

  1. Ce livre de Julie Otsuka a eu beaucoup de succès et j’attendais de le lire avec impatience. J’ai beaucoup aimé la façon dont il est écrit, donnant la parole à toutes ces femmes dans un « nous » collectif, qui, à la fois tient le lecteur à distance de chaque femme en particulier , mais aussi lui donne à s’intéresser à tous ces destins si variés, si différents, mais si semblables par leur caractère tragique.

    J’ai trouvé très émouvant le chapitre consacré aux enfants. Comme souvent, les enfants d’immigrés peinent à trouver leur place, mais ne sont déjà plus des Japonais, en veulent à leurs parents de les avoir fait naître ce qu’ils sont. C’est un déchirement pour les mères de les voir s’éloigner d’elles, se détacher des coutumes ancestrales, mais c’est aussi un soulagement de les voir mieux intégrés qu’elles ne le seront jamais.

    Une belle lecture, qui tient à la fois du documentaire et du roman, dans un style très particulier et très efficace.

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