Quand on fusillait « pour l’exemple » les survivants de Craonne. Retour sur les événements particulièrement meurtriers de la bataille du plateau de Craonne. Une véritable boucherie.
« C’est à Craonne, sur le plateau, qu’on doit laisser sa peau… » …
Avoir survécu aux trois premières années de la guerre, particulièrement meurtrières, être revenu vivant d’une offensive sur le plateau de Craonne, véritable boucherie organisée par le général Nivelle, puis être condamné à mort suite à une décision aussi barbare qu’imbécile de l’état-major français, tel fut le destin du Caporal Vincent Moulia… Cette histoire qui illustre parfaitement l’état d’esprit régnant sur le front en 1917 mérite d’être contée. Il ne s’agit point là d’un travail exhaustif sur les mutineries de 1917 ; les faits d’insoumission lors de cette année terrible furent si nombreux qu’un simple billet de ce blog ne suffirait pas à en dresser la liste… J’ai donc choisi de m’intéresser plus particulièrement à un événement : le 27 mai 1917, le 18ème régiment d’infanterie qui a payé un lourd tribut à la tentative de reconquête du plateau de Craonne, caprice criminel du Général Nivelle, refuse de remonter une nouvelle fois au front alors que sa période de repos n’est pas terminée. L’incident est pris très au sérieux par l’état-major, d’autant qu’il n’est pas isolé, et la politique répressive décidée par le Général Pétain est appliquée à la lettre. On arrête, on juge sommairement, on envoie les rebelles au massacre dans les bataillons destinés aux attaques suicide, ou on fusille tout simplement quelques poilus tirés au sort.
Avant de rentrer dans les détails de cette histoire de la bataille du plateau de Craonne, sachez quand même que le nombre de soldats condamnés à être fusillés par nos propres troupes s’élève à près de 600 pour l’ensemble de la guerre. Ce dénombrement est toutefois très partiel car il ne tient pas compte des poilus qui ont été liquidés, sans jugement, par leurs gradés, ou de ceux qui ont été volontairement éliminés, soit par des tirs intentionnellement mal dirigés de notre artillerie, soit par des assauts tout aussi inconsidérés que meurtriers. Un siècle ou presque après ces événements, certains soldats fusillés « pour l’exemple » n’ont toujours pas été réhabilités : leurs noms ne figurent toujours pas sur les monuments aux morts puisqu’ils n’ont pas été encore reconnus comme « morts pour la France »… Contrairement à ce qui s’est passé en Grande-Bretagne par exemple, en 2006, aucune démarche de réhabilitation collective n’a eu lieu dans notre pays jusqu’à ce jour…
Une boucherie sur le chemin des dames


Le caporal Moulia, soldat discipliné, ne participe pas à ce défilé. Cela n’empêche pas le fait qu’il est arrêté, dès le 28, par la police militaire. Le système répressif mis en place par le Général Pétain est simple : en cas de troubles, on arrête et on fait passer en conseil de guerre un certain nombre de soldats « plus ou moins » tirés au sort dans l’unité. Dans le cas du 18ème, les officiers décident d’arrêter les 12 soldats qui ont fait le plus de prison pour indiscipline. Dans le lot, pour faire bonne mesure, il faut un caporal. Un homme est désigné : le caporal Crouau ; problème : il n’était pas présent à Villers au moment de la mutinerie ; suivant sur la liste, le caporal Moulia fera l’affaire, même s’il a été décoré de la médaille de guerre pour son comportement à Verdun. D’autres soldats sont arrêtés et les sanctions pleuvent : 14 hommes doivent effectuer 60 jours de prisons puis seront affectés à des « sections spéciales d’infanterie », souvent utilisées pour des missions de combat suicidaires ; une centaine d’hommes sont condamnés à des peines de prison de 30 ou 60 jours (compte-tenu des pertes sur le front, on ne peut ponctionner trop lourdement les régiments !).
Fusillés pour l’exemple

Au mois de mai, craignant d’avoir été dénoncé, il passe en Espagne, comme bon nombre d’autres insoumis l’ont fait avant lui. Il restera de l’autre côté des Pyrénées jusqu’en 1936. Il bénéficie alors d’une amnistie, mais n’a pas droit à une carte d’ancien combattant, ni aux quelques avantages qui lui sont liés. Sa croix de guerre ne lui est restituée qu’en 1979, cinq années avant sa mort, le 28 décembre 1984.
Le caporal Moulia, histoire d’un soldat exemplaire

Considéré comme un quelconque numéro matricule parmi d’autres, il montre le peu de cas que faisait l’armée de ses combattants, même les plus valeureux, traités comme de la viande à mitraille. Vincent Moulia est le seul « poilu » condamné à mort à avoir réussi à échapper au peloton. Pour ce faire, il a dû faire preuve d’une persévérance et d’un courage exceptionnels, même si la chance, pour une fois, lui a donné un solide coup de pouce. Ils sont nombreux, les simples soldats, comme lui, qui ont été victimes de la bêtise de l’état-major : envoyés à l’abattoir lors d’offensives improvisées ou tombés sous les balles de leurs frères pour avoir refusé de mourir pour les intérêts financiers de quelques grands de ce monde.
»Ceux qu’ont le pognon, ceux là reviendront, car c’est pour eux qu’on crève », comme le dit si bien l’un des vers du refrain de la célèbre « chanson de Craonne ». Vincent Moulia ne faisait pourtant pas partie de ceux qui chantaient la suite du refrain « Mais c’est fini, nous les troufions on va se mettre en grève ». Il était prêt à se laisser trouer la peau pour une patrie bien « chimérique ». Les officiers du conseil de guerre ont préféré qu’il se fasse trouer la peau par des balles françaises. Contrairement à beaucoup d’autres, lui a réussi à échapper à son destin.
Dans une future chronique, je vous conterai une autre histoire d’insoumission, d’un tout autre genre… Il s’agit de celle d’Eliacin Vézian, déserteur, arrêté en 1921 et déporté en Guyane. Il paraît que l’on va commémorer le centenaire du début de la grande boucherie, l’année prochaine. Il faut bien que la Feuille Charbinoise participe à sa manière à ces festivités macabres !
Et pour terminer, un conseil de film : Le Pantalon, excellent film sur des fusillés pour l’exemple:
Découvrir la Feuille Charbinoise

passionner de la 1° guerre mondiale je suis en grande partie tout ce qui s’y rapporte; mon grand père a était tué en 1916 dans la somme du coté de Maurepas
il faisait parti du 23 régiment de chasseurs a pied; ma passion et un hommage a ce grand père que je n’ai pas connue.