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L’affaire Eszter Solymosi de Gyula Krudy ; vieux démons de l’antisémitisme (Littérature hongroise)

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Dans son roman L’affaire Eszter Solymosi,  Gyula Krudy nous rappelle l’histoire de l’affaire de Tiszaeszlár qui fit grand bruit en Hongrie et témoigne de l’antisémitisme hongrois du XIX° siècle en 1931. Albin Michel réédite ce rappel aux moments où les vieux démons renaissent en Hongrie.

affaire eszter solymosi gyula krudyEnviron cinquante ans après les événements, au moment où Hitler accède au pouvoir, Gyula Krudy écrit l’histoire de la disparition d’Eszter Solymosi, l’émotion qui en suivit et le procès qui conclut l’affaire, on pourrait y voir une forme d’avertissement comme on pourrait aussi considérer la réédition de ce texte comme une réplique à la montée actuelle de l’extrême droite en Hongrie, ce que la traductrice ne manque pas de souligner en évoquant : « l’opportunité de rééditer cet ouvrage au moment où la Hongrie secoue ses vieux démons ».

L’affaire Eszter Solymosi prend corps en avril 1882, à Tiszaeszlàr, dans la vallée de la Tisza, elle « commença à intéresser les gens une fois qu’on eut perdu toute trace de la fillette ; il est vrai qu’après cela, on parla d’elle dans le monde entier car partout fut colportée la nouvelle calomnieuse selon laquelle le rituel religieux pour la Pâque juive exigeait d’ajouter le sang d’une jeune fille chrétienne à la farine du pain azyme ». Sous l’influence d’un foyer antisémitique ardent, une partie de la population accuse les Juifs d’avoir utilisé le sang d’Eszter pour la pratique de ce rituel. Le fils du bedeau de la synagogue confirme cette présomption par un témoignage accablant. Les passions se déchaînent, les antisémites font feux de tout bois, les Juifs, surtout étrangers, sont chargés de toutes les misères, incendies et empoisonnements de puits notamment, qui surviennent périodiquement. « Jamais il n’a été très bon d’être juif mais à cette époque là, être juif à Tiszaeszlàr, c’était pire que d’être chien. »

En s’appuyant principalement sur la presse contemporaine des faits, Gyula Krudy présente l’affaire sous deux angles : l’affaire telle qu’elle est vécue dans le déchaînement passionnel de l’époque et l’affaire telle qu’elle ressort de l’instruction et du jugement. Il se livre à reconstitution exhaustive de l’histoire mais aussi du contexte social, économique, politique et historique, avec les personnages qui l’animent. Il explore toutes les pistes possibles même les plus improbables : indices, racontars, affabulation, mauvaises intentions, préjugés, haines ancestrales, légendes, inventions… pour cerner au plus près possible la machination raciste montée contre une communauté mal acceptée. Gyula Krudy décortique le contexte de l’époque jusque dans ses moindres ramifications pour démonter l’enquête, bribe par bribe, pour en montrer toutes les failles et dénoncer les préjugés et partis pris. N’oublions pas que ce texte a été initialement publié dans un périodique, ce qui a une influence non négligeable sur la forme du roman actuel et sur le rythme de l’intrigue ralenti par la répétition et la reformulation de certains éléments du récit afin que le lecteur puisse resituer chaque épisode dans l’ensemble de l’histoire.

Ce texte est aussi un excellent témoignage sur la Hongrie à la fin de l’époque des Habsbourg, juste après qu’elle a pris quelques distances avec Vienne, la vie des provinces éloignées, la misère d’une bonne partie de la population, le fonctionnement de la justice, le statut et le sort des Juifs dans un antisémitisme endémique et chronique débordant dans l’ensemble de l’Europe centrale qui aboutira à la Shoha. Ce texte pose aussi, indirectement, le problème de l’intégration de cette communauté présente depuis des siècles dans cette région en évitant soigneusement de se fondre dans la collectivité nationale même après l’affaire. Et Gyula Krudy a bien flairé le danger : « On ne pouvait abandonner un tel foyer sans s’être assuré de l’avoir asphyxié pour ne pas risquer qu’il s’enflamme à nouveau au moindre coup de vent car, dans l’âme du peuple, il y avait encore assez de matériau inflammable ». C’était en 1931 et le feu brûlait déjà dans bien des âmes.

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Denis Billamboz

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