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Hiroshige et Van Gogh: De l’art du voyage aux Rêves de Japon (Exposition Paris Pinacotheque )

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Exposition Paris Pinacothèque. La double exposition sur Van Gogh « Rêves de Japon » et Hiroshige « L’art du voyage » à la Pinacothèque de Paris a été l’occasion de découvrir à la fois l’univers des estampes cher à Hiroshige qui influença la peinture néerlandaise et les oeuvres de Van Gogh inspirées pour certaines par le japonisme…


 van gogh hiroshige pinacotheque parisLa Pinacothèque de Paris, un musée privé situé en plein centre de Paris, à la Madeleine, s’est agrandi ces derniers mois et possède désormais deux bâtiments pour abriter des expositions temporaires et maintenant, une collection permanente.

Du 3 octobre 2012 au 17 Mars 2013, elle proposait une double exposition sur le graveur et dessinateur japonais Utagawa Hiroshige (1797-1858) et sur son influence sur le peintre néerlandais Vincent Van Gogh (1953-1890).

Il ne restait plus que quelques heures pour admirer les trente et une toiles de Van Gogh et les cent soixante-quatorze estampes d’Hiroshige. J’ai été d’ailleurs impressionné par la foule pour voir les estampes d’Hiroshige. Il y avait nettement plus de monde pour cette exposition que celle de Van Gogh, à ma grande surprise. Les organisateurs ont dû d’ailleurs réguler le flux des visiteurs (comme au Louvre) tant les salles étaient pleines. La nécessité de maintenir les estampes dans des conditions atmosphériques particulières rendaient d’ailleurs plus difficile leur observation : il faut faire la queue pour aller d’une estampe à l’autre.

Il aurait été sans doute plus intéressant de mettre côte à côte des œuvres des deux artistes, un tableau de Van Gogh et une estampe d’Hiroshige qui l’a inspiré. Je comprends qu’il y avait deux obstacles à cela : d’une part, les conditions de conservation des estampes sont très contraignantes, d’autre part, en séparant les deux expositions, cela permet au musée de laisser le choix aux visiteurs de tout voir ou seulement l’une des deux.

Ces petits désagréments très ordinaires ne sont évidemment rien face à la richesse que la Pinacothèque a livrée aux visiteurs. A l’entrée, je ne connaissais pas beaucoup Utagawa Hiroshige, je ne pourrais plus dire de même.

Hiroshige et l’art du voyage à la Pinacothèque Paris


 

Utagawa Hiroshige (1797-1858) est sans doute l’un des plus grands dessinateurs japonais de cette époque avec son aîné Katsushika Hokusai (1760-1849).

Il a réalisé cinq mille quatre cents estampes et près de cent vingt livres illustrés décrivant les paysages et la vie quotidienne des Japonais de la première moitié du XIXe siècle. Certaines de ses gravures étaient reproduites à vingt mille exemplaires.

J’imagine la grande difficulté des organisateurs de l’exposition à sélectionner seulement quelques dizaines estampes de celles appartenant au Musée national d’Ethnographie de Leyde, aux Pays-Bas. À côté de ces œuvres, on a également exposé quelques objets d’époque, comme une paire de vieilles « geta », des sandales traditionnelles en bois datant de 1820.

Chaque gravure ou dessin est une œuvre exceptionnelle : parfois jusqu’à quinze couleurs, Hiroshige se permet quelques clins d’œil, notamment en indiquant quelques éléments administratifs (comme numéro d’estampe etc.) à l’intérieur même du décor. Il décrit des pèlerinages au Japon, et donne une vue à chaque étape du voyage, avec des personnages et des décors extraordinairement bien reproduits.

Ces dessins étaient très appréciés à l’époque et faisaient office de nos cartes postales contemporaines. Ce sont aussi des images qui préfigurent la bande dessinée et cela donne une idée du développement des futurs mangas au Japon.

La Pinacothèque montre aux visiteurs plusieurs séries à succès d’estampes sur différents itinéraires ou thèmes : « Les Cinquante-trois Stations du Tokaido » (1834), qui correspond à la route côtière entre Edo (Tokyo) et Kyoto (500 km), « Lieux célèbres de la capitale de l’Est » (1835), « Les Soixante-neuf Stations du Kisokaido » (1842), route difficile par le Nord, à travers les montagnes, et « Les Cent Vues célèbres d’Edo » (1858). Ce type de séries faisait aussi penser aux « Trente-six vues du Mont Fuji » de Hokusai (avec « La Grande vague de Kanagawa », l’estampe la plus célèbre au monde).

Dominique Blanc, en introduisant le sujet dans « Connaissance des arts », expliquait ainsi : « Les dessins d’Hiroshige ont hissé l’édition populaire des estampes japonaises au rang de grand art. Son œuvre, dédiée quasi tout entière à la représentation des paysages célèbres du Japon, offre une vision renouvelée de la tradition picturale, qui a parfaitement assimilé la construction des vues à l’occidentale. ».

Et c’est effectivement cela qui m’a frappé, au-delà de la beauté des formes et des couleurs et de l’intérêt documentaire des dessins, à savoir, ce modernisme précoce dans la composition, dans le cadrage, car j’imaginerais facilement Hiroshige tenant une caméra. Hélas, ce serait de l’uchronie puisqu’il est mort avant l’invention du cinéma, mais les perspectives sont parfois amusantes.

Ainsi, cette vue des chevaux assez surprenante, avec des auberges en arrière-plan. L’auteur a plaqué une vision très particulière d’une rue en insistant sur les chevaux.

utagawa hiroshige

Ou encore cette vue plongeante d’une rue commerçante avec au fond, le mont Fuji comme porté par les nuages dans un espace divin très éloigné des humains.

Mont fuji hiroshige

Mais le plus flagrant dans la composition est également les formes géométriques. Ci-dessous, par exemple, dans cette ascension sous la pluie, le triangle se retrouve de nombreuses fois, la pente du chemin, les sapins penchées par le vent, les toits, les manteaux, etc. On peut noter aussi que les porteurs protègent leur client de la pluie.

pluie soudaine hiroshige

Pour l’anecdote, il est amusant de voir que sur beaucoup d’estampes, les hommes ont parfois les fesses nues (le climat est chaud) alors que les femmes portent toujours des robes très longues.

 

Voici quelques autres vues intéressantes que la brochure présente également, pour avoir un petit aperçu de cette exposition.

groupe aveugles hiroshige
 
 
voyageur descendant du cheval hiroshige
 
hiroshige estampes
 
estampes hiroshige utagawa
 
platriers pelerins estampes hiroshige
 
Mont fuji pelerins hiroshige
 
pont inari japon hiroshige

Van Gogh et les rêves de Japon à la Pinacothèque 2


 

Mon propos ici n’est pas de faire dans des explications savantes qui ont déjà été écrites par ailleurs. Simplement de faire partager quelques œuvres qui m’ont impressionné et donner envie, au-delà de l’exposition qui se termine, d’aller les voir aux Pays-Bas, principalement au Kröller-Müller Museum à Otterlo et pour certaines au Groninger Museum, à Groningen.

D’ailleurs, j’avoue avoir toujours quelques interrogations quand je vais dans une exposition temporaire (ou pas) car je ne viens pas m’y documenter ni lire les parfois longs et doctes textes des panneaux. Je peux le faire sur le Web ou dans les catalogues. Je viens avant tout me confronter à l’œuvre, aux œuvres, je viens pour rencontrer l’artiste, plus donc dans un esprit d’émotion que de raison ou de réflexion. Or, il n’est pas rare, hélas, de voir devant de très beaux tableaux …uniquement des dos, ceux des visiteurs qui lisent avec assiduité les indications de l’exposition affichées en face, en étant presque indifférents à l’objet même de celle-ci.

Van Gogh, qui est mort à 37 ans (par suicide selon les versions les plus admises mais d’autres versions existent), est l’un des peintres les plus connus aujourd’hui, et surtout, celui dont les œuvres se vendent le plus cher au monde. Il a un style très particulier tout en sensibilité, avec des mouvements par petites touches qui donnent à ses toiles des allures dynamiques et très particulières.

Voici donc une petite sélection avec quelques commentaires sans aucune prétention, juste pour partager les toiles qui m’ont ému.

1. Le champ de blé me paraît clos par des murs de prison qui sépare l’auteur du soleil. Noirceur malgré le ciel contrasté et malgré les mouvements des gerbes de blé dans le champ.

van gogh champ de ble cloture

2. Ce tableau fait partie de l’affiche de l’exposition. Il est l’un des plus convaincants signes de l’influence des dessins d’Hiroshige. Les mouvements de l’herbe se retrouvent dans les oliviers et dans le ciel. Il y a presque une impression d’océan.

van gogh oliveraie

3. Ce n’est pas le soleil qui se couche mais la lune. Les paysages de nuit sont souvent encore très lumineux chez Van Gogh. Les nombreux petits traits blancs autour de la lune donnent une sensation de champ magnétique. Malgré tous ces mouvements diffus sur les gerbes de blé, l’ombre est nette et précise.

Van Gogh Paysage aux gerbes de ble sous la lune

4. Le soleil se couche mais le paysage reste très clair. Les troncs s’agitent comme les champs dans les autres toiles.

Van Gogh Pin au coucher du soleil

5. Ce gros plan des arbres donnent aux troncs une allure d’art contemporain. L’herbe et les fleurs restent étonnamment droites et tout le mouvement se ressent sur les deux troncs.

Van Gogh Troncs arbre dans herbe

6. Cette magnifique vue de Saintes-Maries-de-la-Mer montre la précision des traits dont le mouvement ne se perçoit qu’au premier plan.

Van Gogh vue des saintes maries de la mer

7. C’est pour moi le plus beau tableau de l’exposition. La reproduction ne rend pas correctement les couleurs de bleu et de vert et toute la palette entre les deux dans le ciel, les feuilles, le tronc et le sol. Je ne le connaissais pas et il m’a littéralement frappé en plein cœur !

van gogh marronniers en fleur

8. Ce coucher du soleil, très inspiré d’Hiroshige, est assez intrigant car il ne porte pas beaucoup les marques habituelles de Van Gogh.

Van gogh rangees de peupliers au coucher du soleil

9. Autre toile qui m’a fait jaillir également l’émotion, ces deux bêcheuses sont extraordinaires. Leurs mouvements sont nets, précis, leur outil, leur vêtement, tout paraît vrai, et en même temps, tout est flou, il serait impossible de les reconnaître si je les croisais dans la rue. L’auteur réussit là avec génie à décrire une réalité que l’œil pourrait apercevoir un peu distraitement le long d’un chemin. Par ailleurs, cela donne une idée de la vie pénible des paysannes, ne ménageant ni leur dos ni leur force pour cultiver la terre.

Van gogh deux paysannes bechant des pommes de terre

10. Le Semeur est assez connu et a été peint d’après un tableau de Jean-François Millet. Le soleil à l’arrière-plan qui illumine tout le paysage est exceptionnellement éblouissant. Sur place, le relief de la peinture et son éclairage font que le spectateur a vraiment l’impression d’être ébloui.

van gogh le semeur

11. Autre tableau exceptionnel, très typique aussi chez Van Gogh quand il raconte les paysages nocturnes. Dans le ciel, la lune et probablement deux planètes, Vénus la lumineuse et peut-être Mercure, sur la gauche. Cela donne un air un peu extraterrestre malgré les personnages qui ramènent le visiteur les pieds sur Terre.

van gogh route de campagne en provnce la nuit

 

Exposition Paris Pinacothèque :
Hiroshige : 28 place de la Madeleine à Paris 8e.
Van Gogh : 8 rue Vignon à Paris 9e.
Ouvert tous les jours de 10h30 à 18h30.
Nocturne le mercredi et vendredi jusqu’à 21h00.
Métro : Madeleine.
Prix du billet normal : 10,00 euros.
Billet double pour les deux expositions temporaires : 17,00 euros.

Sylvain Rakotoarison

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