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Il ne s’est rien passé à Bangkok cette nuit…

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Il ne s’est rien passé cette nuit à Bangkok….

La Thaïlande, c’est comme un cœur qui bat, même après une blessure et le sang perdu, même après une amputation, même avec le chagrin, même avec la peur de l’attente, même avec l’inquiétude du silence. La Thaïlande est un cœur qui bat parce que c’est une mécanique qui fonctionne sans qu’intervienne la volonté, comme la respiration, comme le mécanisme de la faim ou de la soif.

Un pays peut avoir mal, ça ne l’empêchera pas de boire son café le matin ou de se saouler la gueule le soir, par habitude, ou exceptionnellement, pour noyer son chagrin, ça ne l’empêchera pas d’ouvrir ses bars aux assoiffés, ses restaurants à ceux qui ont faim, ses salons de massage  à ceux qui ont besoin de détente, ses parcs aux amoureux de la nature, ses musées aux touristes, ses « tea rooms » (on n’y sert par le thé !!) aux tordus, ses boites de nuit aux fêtards.  Et les marchands de journaux continueront de vendre leur « unes » sanglantes. La Thaïlande continuera probablement de vivre comme d’habitude en dépit du sang versé, celui qu’elle a donné, de façon un peu inconséquente, celui qu’on lui a pris, le sang rouge des soldats qui ne font que leur boulot – parce qu’il vaut mieux être soldat avec un salaire fixe que dans la rizière –  le sang des « chemises rouges », et puis celui d’un cameraman japonais aussi. Le rouge est une couleur de chance en orient, c’est aussi l’une des couleurs du drapeau thaï (la couleur de l’état, le blanc c’est le bouddhisme, le bleu la royauté), c’est la couleur qu’avait choisi les opposants à la constitution de 2007, dans le sens de « stop », non  à cette constitution qui annulait cette de 1997 plus favorable au peuple. Cette couleur rouge devenue marée dans les rues de la capitale.

Il ne s’est rien passé à Bangkok cette nuit…

Tong continuera de livrer ses journaux chaque matin et Ayo d’attendre d’hypothétiques clients pour son taxi, et Sompsee de balayer indéfiniment les halls d’hôtels vides et Maetob de veiller à la sécurité de mon immeuble et Noy de vendre ses nouilles sautées et Nong de se prostituer parce qu’elle ne sait pas faire autre chose. Les enfants continueront de rire aux éclats en se jetant dans l’eau boueuse des khlongs et les thaïs oublieront ou feront semblant d’oublier tous ces problèmes politiques avec leurs désordres, leurs réclamations, leurs désirs d’une société plus juste… le temps des fêtes de Songkran. Ils s’aspergeront d’eau pour effacer les forces négatives d’une année qui vient de s’écouler, ils s’aspergeront d’eau, peut-être avec un peu plus de rage que d’habitude. Songkran festival ! Changez la finale « n » en « m »  et ça devient « Songkram », la « guerre ». Non ! Pas la guerre ! Une simple bataille d’eau.

Il ne s’est rien passé cette nuit à Bangkok….

Mais il y a des chagrins silencieux, des chagrins qui ne se traduisent pas, des chagrins qui remuent l’invisible.

BLOG Deux regards, deux sourires

Deux regards, deux sourires… le silence..

Michèle Jullian

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