Jardin du Luxembourg : le choc du passé et du présent
Camp militaire de Lutèce, emplacement du château de Vauvert détruit par les chartreux sous Saint Louis, le terrain devient celui d’une florentine dépaysée qui habiter près des Gondi. Marie de Médicis fit édifier l’actuel palais du Sénat en 1615 par l’architecte de Brosse. Gaston d’Orléans, son second fils, en hérite à la mort de Louis XIII. Louis XIV y fit élever les bâtards qu’il eût de la Montespan. Louis XVI donne le palais du Luxembourg à son frère, comte de Provence et futur Louis XVIII. Manufacture d’armes puis prison sous la Révolution, Danton et Camille Desmoulins y furent engeôlés par la dictature robespierriste, de même que le peintre David. Le palais de Luxembourg devint ensuite le siège du gouvernement sous le Directoire et Bonaparte y réalisa son coup d’État au 18 brumaire. L’empire le donna au Sénat. Le maréchal Ney y fut détenu, jugé et fusillé en 1815. C’est dire si ce palais, en plein cœur de Paris et poumon vert du quartier latin, est lié à l’histoire des Français.
Le jardin, actuelle propriété du Sénat et administré par ses gardes et jardiniers, reste le paradis des vieux, des mères et baby-sitters à gosses, des ados et étudiants, enfin des touristes. Mais ce sont surtout les gens du quartier qui se l’approprient, contrairement aux Tuileries. C’est le comte de Provence qui l’ouvrit au public. Diderot et Rousseau s’y étaient promenés, Watteau y avait peint. Baudelaire l’a hanté, Balzac y a digéré, George Sand surveillé ses petits. André Gide habitait à côté, Sartre l’a souvent traversé, clope au bec. C’est dire si les artistes s’en sont inspiré pour leurs œuvres écrites, peintes ou sculptées.
Quoi d’étonnant alors à ce que l’on observe le choc du passé et du présent ? Les corps d’aujourd’hui ont les mêmes attitudes que les corps d’hier, les visages de chair y sourient comme les visages de pierre, la même vie de famille s’y déroule en public, la même sensualité s’y déploie au printemps.
Une nature apprivoisée « à la française »
Le jardin du Luxembourg est à Paris un lieu vivant, un espace où les Parisiens s’ébattent, étudient et discutent dans une nature apprivoisée, « à la française ».
Le marchand de masques de Zacharie Astruc (1883) est un gavroche parisien et si les fils de bobos du quartier n’ont plus à travailler pour survivre, ils ont les mêmes attitudes gamines.
Le sourire face au bassin est celui de Sainte Beuve (Denys Puech 1898) survolant l’histoire, empli de scepticisme et de secrète joie devant ce qui advient.
L’éphèbe dépité (Jean Valette 1868) se dénude autant dans la mythologie de pierre que sous l’unique panier de basket.
Les joies de la famille (Horace Daillion 1889) sont surtout d’éducation : nous sommes au pays scolaire où toute l’existence est sous le signe de la formation et de la discipline.
Et les filles portent le décolleté grand siècle sur les pelouses d’hier dédiées à Watteau (Henri Gauquié 1896) comme sur celles d’aujourd’hui…
Découvrez les statues du jardin du Luxembourg, site du Sénat
Le faune du Jardin du Luxembourg fait comme son jumeau, à l’autre bout de l’allée : il danse, exubérant d’adolescence ivre.
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