Aller au contenu

Le joueur d’échecs de Stefan Zweig : véritable monument littéraire

échiquier

Votre séjour en Croatie est unique ; notre expertise l’est aussi! Pour mieux préparer vos vacances, consultez le guide voyage Croatie et téléchargez les Ebooks gratuits : conseils pratiques, idées de visites et bonnes adresses.  

 

Le joueur d’échecs de Stefan Zweig n’est pas qu’un roman envoûtant où l’opposition de deux joueurs d’échecs au style différent sert à explorer le thème de la dualité. C’est aussi un véritable monument littéraire qui dépasse largement les frontières de la littérature autrichienne du XXème siècle.

 

Même si ce livre a été commenté, analysé, décortiqué, critiqué des milliers de fois, je voudrais, moi aussi, avec toute la modestie possible, apporter mon regard sur ce texte dans les limites de mes moyens que je ressens particulièrement devant ce véritable monument littéraire.

 

Tout le monde connait l’intrigue, l’histoire de ces deux joueurs d’échecs tout aussi doués l’un que l’autre mais formés à des écoles bien différentes, l’un possédant un talent inné, fondé sur une logique implacable, développée à l’aide de quelques maîtres locaux, l’autre ayant appris ce jeu pour ne pas sombrer dans la folie lors de sa détention par les nazis. Et, ces deux joueurs talentueux, l’un champion du monde, l’autre ne pratiquant plus, vont se retrouver par le plus parfait des hasards sur un bateau naviguant de New York à Buenos Aires, et devoir s’affronter en une joute titanesque avec  trente-deux pièces sur un damier de soixante-quatre cases. L’issue du combat importe peu, ce qui a retenu toute mon attention, lors de cette lecture, c’est cette dualité permanente qui habite le récit.

 

Cette dualité qui se matérialise dans les duels qui opposent les deux champions mais aussi le détenu à ses geôliers, et le détenu à lui-même quand il joue seul dans sa geôle ; dualité qui s’affiche également dans le dédoublement de personnalité du détenu dans ce jeu contre lui-même – « Mon atroce situation m’obligeait à tenter ce dédoublement de mon esprit entre un moi blanc et un moi noir, si je ne voulais pas être écrasé par le néant horrible qui me cernait de toutes parts. » – ; dualité également entre le champion fruste et rustre et l’inconnu cultivé et intelligent, entre la logique implacable et le talent passionnel, et entre le bien et le mal, et peut-être … entre le moi autrichien humaniste et le moi membre d’une nation sanguinaire et inacceptable.

 

J’ai placé cette dualité freudienne au cœur de mon commentaire comme, il me semble, Zweig l’a placée au centre de sa nouvelle mais évidemment la lecture dévoile bien d‘autres thèmes, la possibilité de lutter et de triompher du nazisme même si, lui, a personnellement plutôt fui devant le problème, la dissociation entre logique et intelligence, la construction de l’être à travers ses expériences, le triomphe de l’humanisme sur la mécanique même quand elle détient la puissance, … Et tous ces thèmes réunis dans ce livre court, écrit peu avant que l’auteur se donne la mort, constituent, il  me semble, une forme de bilan, presque un testament, en tout cas un constat qui ne serait peut-être pas étranger à la fin que Zweig a finalement choisi de mettre à sa vie.

 

Le contenu envoûte certes mais la forme contribue grandement à cet envoûtement dans lequel cette nouvelle enferme le lecteur. En effet, dans son style remarquable de fluidité et d’élégance construit avec une écriture d’une grande justesse, Zweig propose un texte qui déroute un peu avant de séduire, de ravir et même d’extasier. L’histoire qui apparait d’abord banale, s’encombre bientôt d’un récit plein de violence qui semble s’inviter subrepticement et qui, brusquement semble devenir le cœur de la nouvelle, mais n’en est finalement qu’un morceau car ce texte est un tout habilement construit pour amener le lecteur au centre de tous ces duels, au cœur de cette schizophrénie incurable qui concerne l’humanité toute entière et qui la conduira au drame, au malheur, … au suicide.

 

« Aucune diversion ne s’offrant, excepté ce jeu absurde contre moi-même, ma rage et mon désir de vengeance s’y déversèrent furieusement. »

 

 

Denis Billamboz

1 commentaire pour “Le joueur d’échecs de Stefan Zweig : véritable monument littéraire”

  1. A l’époque où j’ai découvert Stefan Zweig, j’étais non lectrice ; (aujourd’hui je suis une faible lectrice de romans mais lectrice tout de même). Pour moi, les auteurs se limitaient le plus souvent aux adaptations télévisées ou cinématographiques que je pouvais découvrir. C’est ainsi que j’ai été fascinée par le texte poignant d’une adaptation télévisée de Lettre d’une inconnue, qui m’a immédiatement donné envi de savoir qui pouvait être l’auteur capable d’un tel récit! Comme la nouvelle n’était pas disponible sur internet, j’ai acheté un autre ouvrage et j’ai offert à mon copain de l’époque (très lecteur mais pas du tout de ce genre d’auteurs) pour son anniversaire ce roman, pour qu’il le lise. Ce qu’il m’en a dit m’a convaincue de franchir le cap de la lecture personnelle et j’ai dévoré Amok, avant de me procurer cet ouvrage, qui m’a confirmé que je ne lâcherai plus cet auteur. Zweig est l’un des rares auteurs à m’avoir donné envie de lire plusieurs ouvrages (une dizaine), sans jamais avoir le moindre sentiment de lassitude ou de déception. En revanche, le voyage dans le passé qui m’a été offert dès sa sortie m’a quelque peu déçue. L’as-tu lu?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

 

  1. Accueil
  2. /
  3. Derniers articles
  4. /
  5. AUTRICHE
  6. /
  7. Culture autrichienne
  8. /
  9. Le joueur d’échecs de Stefan Zweig : véritable monument littéraire