La civilisation celtique antique est traditionnellement divisée en deux phases principales par les historiens ; les noms de ces deux phases viennent des deux sites archéologiques qui ont servi à les définir, à partir de la culture matérielle : une première période, dite de Hallstatt, de 850 à 450 environ, qui correspond au premier âge du Fer ; une seconde, dite de La Tène, de 450 à 50 environ, qui correspond au second âge du Fer.
Cette périodisation générale est déjà ancienne puisqu’elle remonte à la fin du XIXème siècle ; elle masque certaines évolutions différenciées selon les régions du monde celte : les changements n’intervinrent pas partout au même rythme, parfois subsistent des archaïsmes en pleine époque laténienne (comme par exemple l’usage du char en Bretagne insulaire). Cependant, Hallstatt et La Tène restent des repères unanimement employés par les historiens et archéologues.
1) Période de Hallstatt ou Ier âge du Fer
Une première période s’étend jusqu’au milieu du Vème siècle, donc de 850 à 450 environ elle est qualifiée de Hallstatt, du nom du célèbre site archéologique autrichien qui a permis de l’identifier. A partir du foyer initial, les populations voisines auraient adopté les principaux éléments de cette culture, en Autriche, Suisse, Italie du Nord-ouest (Lugano), Allemagne du sud et France de l’Est (en marron foncé sur la carte ci-dessus). c’est le moment de la diffusion de la métallurgie du fer en Europe et de l’invention d’un outillage agricole plus performant, dont les formes sont parfois restées inchangées jusqu’à aujourd’hui.
C’est aussi probablement dès cette période que se diffuse une langue commune à cette civilisation, langue dite celtique du nom donné par les Grecs à ces populations (Keltoi), qui pourrait dériver du nom qu’elles se donnaient elles-mêmes, comme l’affirme César [1]. La culture celtique se diffuse lentement vers l’Ouest, à la fin de la période toute la France actuelle est celtisée, mais aussi une grande partie de la péninsule Ibérique et des îles britanniques.
La période de Hallstatt se caractérise d’un point de vue social par l’émergence de petites communautés (beaucoup plus restreintes que les grands peuples gaulois à venir, comme les Arvernes, les Parisii, les Allobroges, les Eduens, etc., qui n’existent pas encore) ; ces communautés sont structurées autour d’une puissante aristocratie, qui rapidement se livre au commerce, et s’enrichit notamment en assurant le transit de biens depuis les îles britanniques (étain, ambre) jusqu’au monde méditerranéen, d’où l’on fait venir du vin et du mobilier de prestige. L’archéologie en témoigne par les fameuses « tombes de princes celtes », entre 550 et 450 environ, comme celle de la célèbre « Dame de Vix », près de Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or), avec son cratère de bronze d’origine grecque (photo ci-dessous), le plus grand attesté dans tout le monde antique !
Puis, dans la première moitié du Vème siècle av. J.-C., alors que les aristocraties semblent avoir atteint un très haut niveau de richesse et de prestige, ces sociétés disparaissent assez brutalement ; les raisons en sont encore débattues, mais on évoque parfois un bouleversement social lors duquel les populations auraient mis fin à la domination de l’élite guerrière.
2) Période de La Tène ou second âge du Fer
Une société plus égalitaire se met alors en place, c’est le début de la période dite de La Tène (ou Second âge du fer), qui doit son nom au site suisse des bords du lac de Neuchâtel. Cette période est marquée par l’extension maximale de la civilisation celte dans l’espace. Les Celtes font leur apparition dans l’histoire, notamment dans l’œuvre du grec Hérodote, au milieu du Vème siècle av. J.-C.
Le IIème siècle av. J.-C. correspond à l’extension maximale de la civilisation celtique, de l’Irlande à la Turquie actuelles et de l’Espagne à la Roumanie.
Les liens de ce monde celtique agrandi avec le monde méditerranéen s’intensifient, aussi bien pour le monde grec que pour le monde italique, où les peuples celtes jouent souvent le rôle de mercenaires au service des cités et royaumes ; entre autres conséquences, ces contacts se traduisent par l’introduction de la monnaie dans le monde celte, au IVème siècle avant notre ère (imitation des statères de Philippe de Macédoine par les Arvernes).
3) Les caractères archéologiques de la civilisation celtique laténienne
C’est donc une véritable civilisation qui s’est diffusée à une grande partie de l’Europe non méditerranéenne. Elle se distingue, au plan matériel, par une multitude de traits communs à la plupart des peuples celtes, mais deux éléments permettent d’identifier avec certitude les populations celtes, car ils ne se retrouvent pas chez les autres [2] :
En définitive, on peut affirmer sans ambiguïté que les Celtes devinrent les grands maîtres de la forge (travail du fer) et de la fonte (travail du bronze) en Europe.
Les historiens considèrent conventionnellement que la période de La Tène se termine avec la conquête romaine de la Gaule, dernier bastion celte continental, en 125-118 pour le Midi, 58-51 pour le reste. Cependant, sa civilisation se perpétue dans la Bretagne insulaire (Angleterre actuelle) jusqu’au milieu du Ier siècle (conquise par l’empereur Claude à partir de 43 ap. J.-C.) et, partiellement, dans l’ancienne Gaule, devenue quatre provinces romaines.
Les Celtes ne furent jamais une race unique et jamais ne bâtirent un empire, mais des peuples investis d’une civilisation ; celle-ci fut véhiculée à diverses époques, entre le VIIIème et le IIIème siècle av. J.-C., à une grande partie de l’Europe, par des groupes mobiles dont le nombre est difficile à quantifier, et dont la culture se diffuse auprès des populations antérieures, de façon plus ou moins profonde, par exemple plus profondément dans le Nord-Est de la Gaule, un des espaces les plus anciennement celtisés, que dans le Sud-Ouest, où les vestiges celtiques sont bien présents, mais moins denses.
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Amaury Piedfer.
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[1] César, Guerre des Gaules, I, 1 : qui ipsorum lingua Celtae, nostra Galli appelantur, c’est-à-dire « ceux qui portent le nom de Celtes dans leur langue et, dans la nôtre, celui de Gaulois ».
[2] Sur le sujet, voir V. Kruta, La cruche celte de Brno, Editions Faton, Dijon, 2008.