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Les lépreux de Molokai et Jack London

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Huit ans après la mort du Père Damien en 1899, l’écrivain Jack London décrit les lépreux de l’île de Molokai. Un récit iconoclaste qui va à l’encontre des idées reçues. En ce début de XXème siècle, l’île de Molokai abritait une très importante colonie de lépreux. Son image était désastreuse : « Le trou de l’enfer, l’endroit le plus maudit de la Terre ».

Les lépreux de Molokai et Jack London
Le Père Damien, en essayant de les sauver, y est décédé, lui-même victime de la lèpre.

Mais lors de sa visite avec son épouse, Charmian, Jack London admet y avoir passé un séjour merveilleux, en juillet 1907, soit quelques mois à peine après s’être installé à Honolulu.

« J’aurais été choqué si à ce moment j’avais pu me voir un mois plus tard, à l’endroit le plus maudit sur Terre, passer un inavouable bon moment avec 800 autres lépreux, lesquels passaient également du bon temps », écrit-il dans la nouvelle les lépreux de Molokai, parue en 1908. « Leur bon temps n’était pas grotesque, mais le mien, oui. Dans cette misère, je n’étais pas supposé avoir du bon temps. Ma seule excuse est que je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir du bon temps ».

Les lépreux de Molokai et Jack LondonEn 1907, Jack London est un écrivain connu, réputé, souvent imbibé et iconoclaste et sempiternellement rebelle et déroutant. Socialiste à son heure, féministe avant l’heure et raciste à ses heures, l’écrivain a souvent mélangé la fiction avec le reportage, mais toujours avec un talent inégalable et délicieusement féroce. Durant cette période, il voyage sur son bateau, le Snark, dans les mers du Sud (l’océan Pacifique), décrivant les missionnaires « préoccupés de semer la soi-disant parole de  leur Dieu ennuyeux », les fonctionnaires véreux « passant du bon temps avec leurs salaires payés aux frais des contribuables » et des autochtones volontiers qualifiés de « nègres, sales, monstrueusement laids et sentant mauvais ».  A cette époque, la certitude de la supériorité de la race blanche ne faisait pas trop débat,  y compris chez les intellectuels, les écrivains ou les militants.

Les lépreux de Molokai et Jack London

« Certes la lèpre est un épouvantable fléau, mais, d’après le peu que j’en sais, je préfèrerais de beaucoup finir mes jours à Molokai que par exemple dans un sanatorium de tuberculeux ».

Dans la nouvelle, il décrit particulièrement la cérémonie de la fête d’indépendance américaine du 4 juillet, et notamment la course de chevaux, tous montés par des cavaliers atteints de la maladie. « A Molokai, les lépreux sont heureux. (…) A six heures du matin, les « horribles », sont dehors, habillés de manière extraordinaire, montant des ânes et chevauchant des chevaux qui leur appartiennent. »

A ce spectacle, il se sent léger et comme enivré, ce qui ne manque pas de l’étonner lui-même. « Toutes les horreurs sur Molokai décrites par le passé n’existent pas. Elles ont été écrites et relayées par des adeptes de sensationnalisme qui n’ont jamais mis les pieds à Molokai. J’écris ce que j’ai vu, pas ce que j’ai lu».

Il est vrai qu’en 1907, la situation des lépreux a évolué depuis la sombre époque du Père Damien. Toutefois, cette description ambiguë laisse perplexe. Ainsi Claude Pujade-Renaud, dans sa préface d’un recueil de nouvelles de l’écrivain américain « Histoires des îles », écrit : « Charmian London a raconté que durant ces festivités du 4 juillet, elle avait vu une lépreuse jouer du piano avec ce qui ressemblait à peine à des moignons de doigts (…) Bouleversée, elle s’était retirée pour aller pleurer dans son coin. »

Quelques années auparavant, en 1899, Robert L.Stevenson a également visité la léproserie, insistant sur la « tristesse de ces lieux ». Il fut également ému face au dévouement des sœurs catholiques qui soignaient les malades. On voit alors, écrit-il dans les Chants du voyage, « la beauté surgir de la souffrance. »

Jack London est également convaincu qu’il faut isoler les malades. « J’insiste sur le fait que le lépreux est sale (…) la ségrégation des lépreux, pour le peu que l’on connaisse de cette maladie, doit être strictement maintenue. D’un autre côté, les terribles horreurs qu’ils ont subis dans le passé ont été inutiles et cruelles.

Il estime toutefois que la maladie n’est guère contagieuse et que le traitement infligé aux malades étaient sans commune mesure avec l’horreur qu’elle suscitait – et qu’elle suscite toujours dans certaines régions du globe.

Jack évoque peu le Père Damien : « puis, il y a le cas de ce héros de l’Eglise, le Père Damien, qui arriva propre et mourut lépreux ». Peut-être ignorait-il que la mort du Père Damien avait secoué les instances religieuses et politiques et que le cas de Molokai fut discuté à Honolulu et au Congrès à Washington, ce qui eut pour conséquence d’améliorer leur sort.

Jack London a toujours soutenu les causes perdues, les faibles, les prostituées, les ouvriers, les mineurs.

Il est donc intéressant de lire cette nouvelle décrivant, sans concession, une autre réalité de « ce trou de l’enfer », à défaut de vérité.

Damien Personnaz
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