Lesneven, pour moi, est le fief médiéval de Galeran, le célèbre chevalier de Vivian Moore. Chrétien mais rationnel, Galeran de Lesneven ne se laisse pas posséder par les croyances au Malin et autres diableries : il enquête, il observe, il déduit. Et les malignités des hommes sont le plus souvent à dénoncer que les simagrées du Diable. Lesneven, entre Brest et la plage, est la capitale administrative, le centre géographique du pays Léon. Son peuplement est avéré depuis la haute antiquité, dès l’époque préhistorique, et même pré-sapiens. Les celtes Vénètes cèdent devant Jules César en 52 avant et le Léon devient un pagus de la Civitas des Osismes. On travaillait lors le fer, le verre et la terre.

Arrivent les Vikings, souples et rusés, qui razzient en un éclair et pillent à qui mieux mieux les trésors religieux, quand ils ne violent pas nonnettes ou moinillons à l’occasion. Ils sont grands, blonds, forts et rabelaisiens, mais ils savent se battre et aimer ce qui est bon, comment vivre content. C’est un chef breton, Even, qui les vaincra à Rusneven en 937, comme quoi l’imaginaire de moine a délibérément grossi ses terreurs de scribe enjuponné. Il suffisait d’être sûr de soi et de saisir ses armes, plutôt que de crier au démon et de croire aux amulettes…

Qui se souvient d’un enfant du pays, orphelin de la Grande guerre, qui s’évade à 11 ans pour aller combattre les Indiens d’Amérique ? Repris, le jeune Auguste Montfort est enfermé à 14 ans dans un bagne dit « d’éducation surveillée » où il apprendre l’argot et les tours des mauvais garçons. Il fera tous les métiers sur les pavés parisiens avant d’être résistant puis écrivain, sous le pseudonyme d’Auguste Le Breton. Mais oui ! ‘Razzia sur la chnouf’, c’est lui !
La place centrale est nommée du nom d’un général qui fut ambassadeur de France en Russie et ministre de la Guerre en 1871, le général Le Flo (1804-1887). La particularité de son parking est qu’il est parmi les rares à exiger encore l’usage du disque de stationnement plutôt que des tickets horodatés. Le syndicat d’initiatives est cependant fort au fait de cette originalité – et il vous donne un disque puisque plus personne n’en a plus !
Les maisons en granit datant du 17ème siècle forment à la place un décor séduisant, même si l’église n’est pas à la hauteur, purement utilitaire sauf son porche Renaissance, rescapé d’un édifice disparu. Les cloîtres sont réutilisés en collège ou en musée, comme celui du Léon, qui mérite à lui seul une visite de la ville.
Sis 12 rue de la Marne, il est établi dans le cloître de la Maison d’accueil des Ursulines et date du début 18ème. Il parcourt en sept salles l’histoire illustrée du Léon. Silex taillés paléolithiques (80 000 avant), silex polis néolithiques (6000 avant), sépultures collectives en allées couvertes, puis tumulus au Bronze (2500 avant) avec bijoux, poignards et poteries, stèles en granit au Fer (600 avant), dont certaines phalliques comme celle de saint Frégant, exposée. Des temps gallo-romains restent, outre des colonnes et des fragments de peintures murales, des monnaies, des statuettes de femme dites « Vénus », moulées en série, des poteries sigillées au vernis rouge brillant d’importation, des meules à grain locales en granit, une serrure en bronze, des poids… La période chrétienne inaugure les statues en bois de Vierge et de saints, des vêtements sacerdotaux du 17ème, des ciboires et calices, une Bible de l’abbaye des Anges de 1673.
Divers dessins, gravures et peintures rendent compte des paysages et de la vie du temps. Les tableaux de Mission de Xavier de Langlais (1946) ou de Jacques Jullien (vers 1920), des bois, une halle, une croix dessinés par Charles Corcuff, sont autant de visions romantiques des usages passés. Dans la salle des meubles et costumes, des mannequins de tous âges présentent la vêture de Kerlouan début 19ème et les diverses coiffes des femmes du Léon. Les costumes du dimanche des enfants sont particulièrement mignons. Les lits clos rappellent que le froid et l’humidité étaient le lot de la plupart des saisons dans ce pays.

