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Le Maroc à travers ses auteurs : Lettres de la diaspora marocaine

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Sommaire

En passant par la Péninsule Ibérique, il était bien tentant de faire une incursion en Afrique, en visitant le Maghreb, et j’ai franchi le pas, ou plutôt, le détroit qui sépare les deux continents. Mais, en arrivant au Maroc, je ne m’attendais pas à rencontrer de telles difficultés pour compléter mon séjour littéraire. En effet, je n’ai pas trouvé dans le réseau des bibliothèques locales, un roman marocain qui pourrait illustrer cette étape. Je me suis donc rabattu sur le témoignage de la plus jeune des filles du Général Oufkir qui fut internée avec toute sa famille, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, après l’échec du complot fomenté contre le régime par son père. On a l’impression qu’une chape de plomb bien lourde pèse sur la vie littéraire de ce pays et on dirait que plus personne n’ose écrire. Comme, les trois écrivains que je présente qui ont quitté le pays, Yasmine Chami-Kettani est restée en France après ses études à l’Ecole Normale, Fouad Laroui après de brillantes études à l’Ecole des Mines puis à Cambridge et York, enseigne désormais à Amsterdam et Abdelhak Serhane vit au Canada mais partage sa vie entre ce pays, le Maroc tout de même et les Etats-Unis. Cette page sera donc un hommage à tous ces écrivains marocains qui osent encore et qui témoignent malgré les risques qu’ils encourent.


La vie devant moi – Soukaïna Oufkir (1963 – ….)

« J’écris ces pages parce que je suis à mi-parcours avant même d’avoir commencé à vivre.» Soukaïna, dernière fille du Général Oufkir, a passé près de vingt-cinq ans en prison parce que son cher papa a fomenté un complot contre le roi du Maroc, Hassan II. Le 23 décembre 1972, après le deuil rituel imposé par la loi coranique, la famille Oufkir est placée sous la protection du roi qui a fait exécuter le Général rebelle qui a manqué son coup de force contre le pouvoir.

Commence alors une longue détention de plus en plus dure, de plus en plus cruelle et de plus en plus humiliante pour punir cette famille qui a le tort d’être celle du renégat qui s’est opposé au roi. Ainsi, Soukaïna, gamine de neuf ans et demi va partager avec sa famille et deux femmes qui étaient au mauvais endroit, au mauvais moment, une longue, longue vie de réclusion, de privation, de souffrance, d’humiliation mais jamais de soumission, d’acceptation ou d’abaissement. Dignité et fierté a toujours été la devise de cette famille insoumise qui a toujours voulu croire à l’impossible, au miracle avec l’aide du Coran et de la Vierge Marie unis dans une même mission. La lutte prendra même des formes extrêmes qui auraient pu mettre leurs jours en danger mais pour triompher, il faut risquer même sa peau.

Soukaïna raconte avec ses mots, ses phrases courtes, percutantes, violentes, harcèle le roi, ne le laisse jamais en paix, même après sa mort, pour lui rappeler sa veulerie, sa lâcheté, de s’en prendre à des enfants innocents et inoffensifs. La route était étroite cependant car Gilles Perrault avec «Notre ami le roi» et sa sœur Malika, avec la collaboration de Michèle Fitoussi, dans «La prisonnière» et «L’étrangère», avaient déjà largement défloré le sujet. Soukaïna a su parler d’elle, de son enfance en prison, de son éducation, de son instruction, de son adolescence volée, de son impossibilité de se construire dans de telles conditions. A dix-huit ans, «Je n’étais plus rien et je devenais un tout du même coup. Un rien qui recommençait de rien. Un rien qui démarrait de rien. Un rien qui se régénérait de lui-même. Un tout que pour lui-même. Un nombril. Une victime.»

Elle nous raconte aussi l’après, sans avant, difficile, erratique, errant. Mais comment ne pas avoir envie de se gaver ce qu’on a jamais eu, de ce dont on a été privé, de ce qu’on a tant désiré… Un témoignage fort, émouvant, jamais larmoyant, jamais pathétique, pas forcément littéraire mais vrai et sincère. La vie d’une femme et d’enfants qui ont payé le choix d’un autre car souvent, trop souvent, surtout dans ce Maroc «l’homme agit et décide de sa vie. La femme subit, colmate les dégâts, assume les conséquences.»

Cérémonie de Yasmine Chami-Kettani ( 1967 – … )

Yasmine raconte l’histoire de Khadija une jeune marocaine, architecte, qui vient de divorcer et qui retourne vivre chez ses parents où se prépare la cérémonie en l’honneur du mariage de son frère. La concomitance de ces deux événements, le divorce de la fille d’une part et le mariage du fils d’autre part, impose une réflexion profonde à la jeune femme qui cherche à comprendre à travers son passé et sa vie familiale ce qui a pu entraîner l’échec de son couple que sa réussite professionnelle ne comble en rien. En compagnie de sa cousine, Malika, elle refera le chemin qui les a amenées à ce stade de leur vie. Une analyse rigoureuse, pleine de sensibilité, de la société marocaine, de son univers culturel, social et religieux. Une lecture que j’ai bien aimée et dont je garde un bon souvenir.

Méfiez-vous des parachutistes de Fouad Laroui  ( 1958 – … )

Un jeune Marocain, tout frais émoulu de la prestigieuse Ecole des Mines, rentre au pays et reçoit sur la tête, en plein cœur de Casablanca, un parachutiste qui pourrait être le poids de la tradition marocaine qui lui tombe dessus après son long séjour en France au cours duquel, il avait un peu oublié les mœurs et traditions du pays. Car, ce parachutiste va s’incruster dans sa vie et miner son intimité pour lui rappeler ce qu’est la vie au pays, la place débordante de la parenté et cette misogynie envahissante et difficilement supportable. Une critique savoureuse de la société marocaine t de ses archaïsmes, un livre que j’ai dégusté avec plaisir car il plein d’humour et déborde de bonne humeur. Un agréable moment de lecture qui ne manque cependant pas de piment à l’encontre de cette société un peu sclérosée.

Le deuil des chiens de Abdelhak Serhane  ( 1950 – … )

Le père indigne a tué, avec la complicité passive de son entourage, la mère et chassé les quatre filles, âgées de onze à quinze ans, pour pouvoir s’offrir une nouvelle épouse. Les filles décident de se séparer mais promettent d’être là le jour de la mort du père pour lui raconter leur vie. Dix plus tard, quand le père décède, trois des filles sont là, témoignent devant la dépouille de ce que fut leur vie et décident de souiller les obsèques de ce père indigne en lui infligeant leur présence féminine. Un réquisitoire sans concession contre ceux qui violent les femmes dans les commissariats, les pères qui testent la vertu de leur propre fille, les hommes politiques qui caressent un peu trop les adolescents, les marchands d’enfants, etc.  Une histoire cruelle qui ne dénonce pas que ceux qui commettent les actes mais aussi ceux qui les permettent et ne les condamnent pas. Un livre qui remue les tripes !

Denis Billamboz

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