Masqué, tome 1: anomalies de Serge Lehman & Stéphane Créty
Lors d’une opération de la FFSC (force française de stabilisation dans le Caucase), à la frontière entre la Russie et la Georgie, des soldats français ont du se défendre contre un cyberian 350. Deux d’entre eux, Melissa Taleb et le sergent Braffort, ont survécu grace à l’intervention d’un mystérieux homme volant, qui à l’aide d’un simple laser a pulvérisé devant leur yeux le cyberian. Les deux soldats ont depuis quitté l’armée. Brafford vit avec sa soeur en attendant mieux. Victor Duroc, un ancien soldat, se présente un jour à l’appartement des Brafford. Il demande à Braffort de le suivre et le conduit auprès du colonel Alain-Jean Assan, chef de la sécurité du préfet de Paris. Depuis quelques années, Paris vit au rythme des anomalies, sorte de monstres technologique à forme plus ou moins humaines, qui sortent de terre et attaquent tout ce qui bouge. Braffort est recruté par le préfet pour agir contre les anomalies.
On retrouve dans cette bande dessinée la patte de Serge Lehman: la brigade n’est pas loin de même que les super héros français. Ici, l’accent est mis sur Paris, et sur l’étrange capacité de la ville à créer presque seule des entités plus effrayantes au fil des semaines. L’idée centrale est d’ailleurs excellente et on attend avec impatience la suite pour en savoir plus sur cette capitale créatrice d’anomalies et sur l’implication des hommes dans le processus. Et je me demande bien ce que Lehman va faire avec le poème Le Masque de Baudelaire (en plus de le citer
dans son intrigue).
Contemplons ce trésor de grâces florentines ;
Dans l’ondulation de ce corps musculeux
L’élégance et la force abondent, sœurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorablement mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.
– Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Où la fatuité promène son extase ;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ;
Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur :
» La volupté m’appelle et l’amour me couronne ! »
À cet être doué de tant de majesté
Vois quel charme excitant la gentillesse donne !
Approchons, et tournons autour de sa beauté.
Ô blasphème de l’art ! Ô surprise fatale !
La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale !
Mais non ! Ce n’est qu’un masque, un décor suborneur,
Ce visage éclairé d’une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l’abri de la face qui ment.
Pauvre grande beauté ! Le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux ;
Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve
Aux flots que la douleur fait jaillir de tes yeux !
– Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite
Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète ?
– Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu !
Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux,
C’est que demain, hélas ! Il faudra vivre encore !
Demain, après-demain et toujours ! – comme nous !
Par contre, je n’aime pas du tout le dessin. J’avais envisagé de l’acheter à Bulle, mon magasin préféré de bd au Mans, mais en voyant le dessin j’ai renoncé. Un ami m’a prêtée du coup le premier tome. J’avoue qu’à sa lecture, je regrette un peu de ne pas l’avoir acheté, mais j’ai quand même un gros problème avec le dessin: trop comic, trop clinquant. Je préfère de loin ce que Gess faisait avec la Brigade chimérique.
Masqué, tome 2: Le jour du fuseur
Dans le précédent tome, le sergent Brafford était recruté par le préfet de la ville de Paris, dans le cadre d’opérations secrètes. Emmené dans des souterrains, il y découvrait une source lumineuse et était victime d’une malaise. Au début de ce tome, Brafford reprend conscience et tente de se souvenir de ce qui s’est passé. Une forme géométrique apparaît alors dans son esprit et le transforme en super-héros. Il n’a plus qu’à enfiler son habit noir et blanc pour partir au secours de sa soeur, enlevée par un être fait de gaz sur la colline de Meudon.
Ce tome est plus classique que le précédent car beaucoup plus tourné vers les super-héros. Du coup la comparaison avec le grand frère américain parait évidente et joue contre Lehman. Le dessin est toujours aussi problématique, en fait je ne l’aime pas du tout. Ça peut passer si le scénario est intéressant mais quand le scénario est banal, le dessin devient vraiment insupportable puisqu’on finit par ne voir que lui. Reste un problème. A chaque fin de tome, un encart est ajouté présentant un personnage (comme dans ce tome) ou des remarques sur le monde. Encart très intéressant. Trop. Il ne faudrait pas qu’à l’avenir seul cet encart ait de l’intérêt, et que la bande dessinée en elle-même ne soit là que pour « illustrer » le monde crée par Lehman.
Pour un rappel sur les tomes 1 & 2, vous pouvez lire nos articles sur ce blog. Dans ce tome 3, le sergent Brafford fête Noël en famille, mais le repas devient rapidement houleux quand son père, profondément pacifiste, reproche à son fils de travailler pour le préfet. Mécontent, Brafford quitte le repas familial et rejoint l’équipe du préfet qui miraculeusement l’attendait au bas de chez lui. Le préfet a en effet besoin de lui pour espionner la maire d’un district de Paris, car cette dernière envisage de l’évincer. Mais alors qu’il espionne la maire, Brafford prend conscience que quelque chose de grave se passe sur la parvis de Notre-Dame. Une gargouille vient en effet de prendre vie et s’attaque aux passants.
Rien de bien différent dans ce tome, par rapport aux deux précédents. J’ai toujours les mêmes réserves sur le dessin et l’histoire ne me plaît pas autant que celle de la Brigade Chimérique. On est plus dans l’histoire de super héros classique avec un défilé de monstres à chaque tome, que dans la construction plus crépusculaire et plus dépressive d’une fin de règne comme dans la Brigade. Il semblerait qu’après cette première époque, les auteurs se lancent dans une suite. Pour ma part, ils risquent de se trouver en concurrence avec l’Homme truqué, qui poursuit l’univers de la Brigade Chimérique.
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